MARRE, adv.
Pop. [Dans des expr.] Synon. de assez.
En avoir marre (de qqn, de qqc.). En avoir assez, être excédé, écoeuré. Quand Trimault eut bien usé d'elle, un matin, après une scène: Ma petite, j'en ai marre de t'entretenir (DABIT, Hôtel Nord, 1929, p. 33). Il faut que je rouvre maintenant les trois valises ! Eh bien, non et non ! J'en ai marre, moi ! (MONTHERL., Fils personne, 1943, IV, 4, p. 342) :
Allons, en avant ! Maniez-vous, les gars ! dit l'adjudant (...). L'endroit n'est pas bon. On est éreinté, meugle une voix (...). Zut ! J'en ai marre, j'reste là, gémit un autre à bout de souffle et de force.
BARBUSSE, Feu, 1916, p. 183.
C'est marre, (il) y en a marre. Cela suffit. Cette fois-ci, y en a marre, j'vais tous les virer (SIMONIN, J. BAZIN, Voilà taxi ! 1935, p. 189). Il en avait eu sa claque des litiges, des réclamations... à propos de tous les brevets (...) c'était marre ! (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 683).
Prononc. : []. Étymol. et Hist. 1881 adv. maré « assez » (ESN.) ; 1883 subst. masc. J'en ai maré « dégoût » (ibid.) ; 1895 J'en ai mar « je suis excédé » (ibid.) ; 1896 adv. Marre « assez ! » (DELESALLE, Dict. arg.-fr. et fr.-arg., p. 176). Orig. incert. Plus prob. déverbal de marer, se marer* « s'ennuyer » (v. ESN.), qu'issu de se marrir (v. marri), cf. les dér. marrement « chagrin, déplaisir » (1050 XIIIe s.), marrissement « déplaisir » (XIIIe XVIe s.), marance « affliction, faute légère, toute sorte de faute, d'infraction aux règles » (ca 1200 ca 1400), etc., dont il reste quelques traces dans les parlers d'oïl ; selon P. GUIRAUD ds Cah. Lexicol. t. 17, pp. 10 à 13, le rattachement de maré*, mare à la famille de marelle* et plus particulièrement aux formes merel, mereau, qui désignent différentes sortes de jetons : meriau « jeton servant de monnaie de convention » (ca 1245-1400), méreau « jeton de présence, jeton qui sert à compter » (XVIe-XVIIe s.), merelle « jeton », puis « gage, gain », « part due » (XVe-XVIe s.) (v. FEW t. 6, 1, p. 368b, 369, 370a) l'amène à donner à mare le sens de « jeton qui sert à attribuer la part qui vous est due dans une distribution », puis de «part» et à avoir son maré, son mar le sens de « avoir sa part », mais cette hyp. n'entraîne pas entièrement la conviction. L'hyp. d'un empr. à l'ar. andek « tu as eu », marra « une fois » c'est-à-dire « ça suffit » (ROB.) n'est étayée par aucun texte venant d'Afrique du Nord. (tlfi:marre)
- Mare, mar : abrév. de maré = blasé, qui vient de marée = répulsion, dégoût par allusion à l'odeur du poisson peu frais. (SAIN-TRANCH)
- Il semble que c'est un vieux mot, de la famille du mot marri encore en usage, dans l'acception de fâché, triste, chagriné. (Dech1918)
- Se marrer signifiait autrefois s'ennuyer, être dégoûté, avoir des nausées, sensation du mal de mer (mar) - d'où : en avoir marre - : on a fini par sous-entendre « à force de rire », comme quelqu'un qui rit aux larmes, et crie « assez, assez ». (AYN)
- Esp. mareo (mal de mer) : la comparaison de l'ivresse au mal de mer se trouve déjà dans les Prov. bibliques. (MCC)
- P.-ê de se marrir « s'affliger », maré « excédé ». (1895, Chautard)
- Marri, ou esp. marearse « avoir la nausée », de mar « mer » ; P. Guiraud rattache le mot à l'anc. franç. marre « caillou », d'où merel, marreau « jeton », d'où merel « part due », par la loc. prendre son marre, comme prendre son pied, son taf. (GR)
- Signalé comme usité dans contingents parisiens, antérieur à la guerre, ayant obtenu un succès considérable. (Dauzat1918)
- Argot parisien courant d'avant-guerre. (Dauzat1918voc)