B.− Emploi trans., p. ext., p. réf. au gonflement des joues et avec l'idée dominante d'excès.
1. Pop. Manger avec avidité. Bouffer comme un loup à jeun, comme un ogre, comme un chancre. Synon. bâfrer :
2. − Comment, encore à bouffer ! Eh bien ! vous n'avez pas le trac ! Quand on a soixante jours de prison dans la peau ce n'est pas pour qu'on emploie le temps à s'empiffrer comme des oies ? Courteline, Le Train de 8 h 47, 1888, IIIe part., 3, p. 237.
SYNT. Bien, mal bouffer ; avoir de quoi bouffer ; ne penser qu'à bouffer.
− En partic. [Le suj. désigne un bois, un meuble, un vêtement] Être bouffé aux vers, aux mites.
P. métaph. :
3. − Ah ! mon vieux, ça, alors, c'est un beau spectacle : le dogue de la maison Old England, le seul vrai, Hong-kong soi-même, il pourrit sur pied, il est bouffé aux vers ! Malraux, Les Conquérants, 1928, p. 32.
Rem. 1. Attesté dans les dict. gén. du XIXe et du XXes. à partir de Ac. Compl. 1842. Ne figure pas dans l'Ac. 2. Bouffer est le plus souvent empl. absol. mais on trouve aussi fréquemment des constr. avec compl. dir. d'obj. telles que bouffer de la charcuterie, de la conserve, son dîner, son pain, de la viande.
2. Expr. métaph. et fig., lang. arg. et pop. Bouffer qqc. ou qqn.
a) [Avec l'idée d'une consommation très ou trop poussée]
− Bouffer du fric, du pognon, la dot de sa femme. Dépenser sans discernement, dilapider.
− [Le suj. désigne un piéton, un cycliste ou un automobiliste] Bouffer du, des kilomètre(s). Marcher ou rouler beaucoup, voire trop :
4. [le chauffeur :] − « Nous entrions à Moulins à deux heures (...) et nous étions partis à huit ! Jamais M. Xavier n'a bouffé tant de kilomètres en si peu de temps... P. Bourget, Un Drame dans le monde, 1921, p. 235.
− P. anal. [En parlant d'un véhicule] Bouffer dix litres au cent, bouffer de l'huile. Consommer abondamment.
− Vouloir tout bouffer. Avoir des désirs immodérés. Ils avaient l'air de vouloir tout bouffer : on verrait jusqu'où ils iraient (Sartre, Le Sursis, 1945, p. 30). c) 1re moitié XVIe s. « gonfler ses joues par excès d'aliments » et p. ext. « manger goulûment » (C. Marot, 2e Epist. du Coq a l'Asne, p. 205 dans Gdf. Compl.) qualifié de ,,pop.`` dans Boiste 1800 (tlfi:bouffer)
- Selon SAINXIX, bouffer a remplacé briffer et bâfrer parce qu'il exprime l'action d'une manière plus expressive que les deux autres (et remonte au XVIe). (SAINXIX)
- de bouffer (gonfler ses joues) par le moy. franç. bouffard « gros mangeur » et bouffeur, même sens. (GR)
- Argot parisien courant d'avant-guerre. (Dauzat1918voc)