MOCHE, adj.
Familier
A. − [L'appréciation est à dominance esthétique, en réf. à l'idée du beau]
1. [En parlant d'une pers.] Qui est desservi par son aspect physique, notamment par son visage. Synon. affreux, disgracieux, laid ; anton. beau, joli, mignon. Femme moche ; moche de visage ; assez, plutôt, drôlement, rudement moche. Les couplets de la petite fille de Belleville (...) désespérée d'être « moche », ce qui la fait dédaigner du « photographe » (Léautaud, Théâtre M. Boissard, t. 1, 1926, p. 29). V. foutu II A 1 ex. de H. Bazin :
1. Je ne la trouve pas aussi moche que tu me disais, Louis. Un peu décolorée, bien sûr ! Mais de la classe. Cette figure un peu ronde comme l'ont les femmes de Syrie. Claudel, Échange, 1954, II, p. 766.
Emploi subst. Ils semblaient l'air bien content de trouver des moches et des infirmes dans notre arrivage (Céline, Voyage, 1932, p. 279).
2. [En parlant d'une chose concr.] Qui a un aspect minable. Synon. laid, miteux, piteux ; anton. beau, chic, chouette (fam.). Ton pardessus (...) est assez moche ! Un pardessus de quinze cents francs ! Vrai, tu n'as pas de goût. Il va falloir que je t'accompagne quand tu t'achèteras tes pelures (Montherl., J. filles, 1936, p. 992). V. bahut C 3 ex. de Queneau :
2. ...je regardais le nouveau drapeau qu'ils ont mis devant les bains. Ils auraient pu faire plus de frais. L'autre était assez miteux. Mais je crois vraiment que celui-ci est encore plus moche. Proust, Sodome, 1922, p. 853.
− Emploi subst. masc. sing. à valeur de neutre (en cont. superl.). Il y avait des vierges en plâtre, du dernier moche, dans tous les coins de l'escalier (Malraux, Espoir, 1937, p. 588).
3. Qui est contrariant, ennuyeux. Synon. désagréable, fâcheux, pénible, triste ; anton. bath (arg.), chic, chouette (fam.). Ce qui est moche, c'est que les feuilles tombent, les arbres sont presque à nu (Sain.Tranchées1915, p. 75). Ce jour-là c'est vrai, je peux bien le dire, c'est un des plus moches de ma vie (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 647). C'était déjà miracle que (...) la mignarde ait accepté des conditions de vie aussi moches (...). Bonne gosse, la Clairon ! (H. Bazin, Barbe, 1957, p. 39).
B. − [L'appréciation est à dominance morale, en réf. à l'idée du bien]
1. [En parlant d'une pers.] Dont le comportement est moralement répréhensible. Synon. malhonnête, méprisable ; anton. sympathique, sympa (fam.), bath (arg.), chic, chouette (fam.). [L'inspecteur, interrogeant dans son bureau, un inculpé :] Parle [dis tes secrets] et on sera pas trop moches avec toi (LeBreton, Razzia, 1954, p. 107) :
3. C'est sa formule quand un événement la dépasse et qu'elle n'arrive pas à comprendre les mobiles d'un coeur humain tellement les gens savent être moches et souvent mesquine leur conduite. «... Et dire que la terre tourne !...» Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 368.
2. [En parlant d'une chose] Qui inspire le mépris, la désapprobation. Synon. indigne, laid, mesquin, vil. Ce n'est pas d'une moche petite tentative de séduction qu'il s'agissait (Beauvoir, Invitée, 1943, p. 305). Tout allait au plus mal dans le plus moche des mondes (Cendrars, Main coupée, 1946, p. 82).
Prononc. : [mɔ ʃ]. Étymol. et Hist. 1878 (d'apr. Esn.) ; 1880 (Larchey Suppl.). Mot d'arg. formé sur le verbe amocher*, dér. de moche « écheveau de fil non tordu, vendu par paquet de 10 livres » (Savary), var. de l'a. fr. moque « mie de pain » (ca 1223, Gautier de Coinci, Miracles N.D., éd. V. F. Koenig, II Mir 24, 168) qui représente un a. b. frq. *mokka « masse informe » que l'on restitue d'apr. l'all. Mocke. FEW t.16, pp. 562-563. Fréq. abs. littér. : 107. (tlfi:moche)
- De « mochar » = abattre les branches d'un arbre, en esp., d'où, sans doute, « moche » = qqun de disgrâcié. (AYN)
- Orig. incert : extension de l'autre sens ? : Paquet d'écheveaux réunis en une masse peu dense. (GR)
- Mots dérivés de Mal, avec suffixe argotique -oche. (Dech1918)