RUPIN, -INE, adj. et subst.
Arg. (au XIXe s.), pop. (au XXe s.)
I. Adjectif
A. [En parlant d'une pers.] Richement vêtu; p. méton., riche. Vous m'avez fait gagner de l'argent lorsque vous étiez rupins (VIDOCQ, Vrais myst. Paris, t. 7, 1844, p. 195). Un mois après jrevois mon copain Il avait lair tout skia [ce qu'il y a] dplus rupin (QUENEAU, Si tu t'imagines, 1952, p. 175). V. navet B 2 ex. de Avenel.
Empl. subst. Synon. richard (fam.), riche. Soyons polis, ce sont des rupins, dit un pochard; faut pas effaroucher les gens chics (MACÉ, Joli monde, 1887, p. 93). Tu n'as pas une âme de rupine (RICHEPIN, Flamboche, 1895, p. 264). V. métallo rem. s.v. métallurgiste ex. de H. Bazin.
B. [En parlant d'une chose]
1. Luxueux ; p. méton., très coûteux. Immeuble, quartier, vêtement rupin. Il y avait à la porte un landau tellement rupin que j'ai (...) hésité (VERLAINE, Corresp., t. 3, 1889, p. 54). Une mécanique hors de prix (...) des pivots à rubis, une horlogerie flatteuse à l'oeil, tout ce qu'il y a de rupin (GENEVOIX, Boîte à pêche, 1926, p. 84).
2. Vieilli. Remarquable dans son genre; réussi. Synon. fam. chouette, épatant, formidable, sensationnel; rup (infra rem.). On a été au Châtelet. (...) Pour sûr, alors, c'est rupin!... Si tu savais... Mon vieux, il y a des dames toutes nues (COURTELINE, Vie mén., Prem. en anglais, 1893, p. 72). Prière de confier à Mlle Krantz, pour moi, la préface de Dargens (...) et généralement toutes choses pour faire une préface rupine (VERLAINE, Corresp., t. 2, 1895, p. 263).
P. antiphr. [Les arbres] ont tous un aspect (...) qui provoque mes hommes à l'ironie: « C'est rien rupin ici ! Tous les arbres, c'est des chênes d'Vincennes (GENEVOIX, Nuits de guerre, 1917, p. 222).
II. Subst. masc. sing.
B. Élégance somptueuse, luxe. Où dont allez-vous aujourd'hui, vous êtes d'un rupin ? (HUYSMANS, Soeurs Vatard, 1879, p. 32). Un large comptoir de six mètres, solide, épais (...). Du vrai rupin (LE BRETON, Razzia, 1954, p. 21).
Prononc.: [], fém. [-in]. Étymol. et Hist. 1. 1628 subst. « gentilhomme » (CHÉREAU, Jargon ds SAIN. Sources arg. t. 1, p. 198b) ; 2. 1835 adj. « bien mis » (RASPAIL ds Le Réformateur, 20 sept., p. 2) ; 1836 subst. « personne mise avec élégance » (VIDOCQ, Voleurs, t. 1, p. 101) ; 3. 1844 subst. « personne riche » (ID., Vrais myst. Paris, t. 1, p. 18) ; 1844 adj. « riche » (ID., ibid., t. 7, p. 33) ; 4. 1844 « (maison, appartement) d'apparence somptueuse » (Dict. compl. arg., p. 18). Dér. de rupe « dame », ripe « id. » (1596, PÉCHON DE RUBY, La Vie généreuse des mercelots... ds SAIN. Sources arg. t. 1, p. 164), prob. empl. fig., par l'intermédiaire d'un *ripe « méchante femme », de ripe « gale » (1422-25, Pastoralet, éd. J. Blanchard, 5814), déverbal de riper* « gratter » (SAIN. Sources arg. t. 2, pp. 207-214 ; FEW t. 16, p. 726). Fréq. abs. littér. : 12. Bbg. KLEIN (J. R.). Le Vocab. des mœurs de la Vie parisienne sous le Second Empire. Louvain, 1976, pp. 170-172. QUEM. DDL t. 10. SAIN. Arg. 1972 [1907] p. 151, 158, 251 (et s.v. rupe), 293. WEIL (A.). En Marge d'un nouv. dict. R. de Philol. fr. 1932, t. 45, p. 37. (tlfi:rupin)
- rupin adj. arg. ARG. VALEUR "de valeur" - E, 1862 ; absent TLF.
- 1842 - «Ah ! il /mon livre/ est rupin ! Mais ces gredins d' libraires veulent des monarques pour l'imprimer.» A. Bourgeois et Brisebarre, Les Maçons, ii - P.W. (bhvf:rupin)
- Vieux mot signifiant râpé ou gratté. (AYN)
- De l'argot rupe, ripe « dame » (1596), p.-ê. du moy. franç. ripe « gale », de riper «gratter», moy. néerl. rippen ; le mot aurait signifié « mauvaise femme, gale » puis « femme (élégante) », mais les premiers emplois (ripe « dame », ripois « prince », etc.) suggèrent une autre origine : rip-, rup- pourraient venir de riper « gratter, polir » (attesté XVIIIe), de ripe (XVIIe) « outil pour gratter la pierre » (P. Guiraud). (TLFi)
- Dér. de rupe « dame », ripe « id. » (1596, PÉCHON DE RUBY, La Vie généreuse des mercelots... ds SAIN. Sources arg. t. 1, p. 164), prob. empl. fig., par l'intermédiaire d'un ripe « méchante femme », de ripe « gale » (1422-25, Pastoralet, éd. J. Blanchard, 5814), déverbal de riper « gratter » (SAIN. Sources arg. t. 2, pp. 207-214 ; FEW t. 16, p. 726). (TLFi)
- En patois normand, rupin signifie : fort, vigoureux. (1884. Typos de province)