TRINQUER, verbe intrans.
A. −
1. Choquer son verre avec celui d'une personne avec laquelle on s'apprête à boire en formulant un voeu, un souhait, un engagement. Trinquer à la santé de qqn ; trinquer à qqn, à qqc. En examinant plus attentivement la séduisante virago, il me sembla vaguement que je la reconnaissais pour l'avoir vue trinquant avec quelques drôles de ma connaissance (Baudel., Poèmes prose, 1867, p. 104). Pour trinquer, comme il ne buvait pas, M. César poussait la bouteille (Pourrat, Gaspard, 1930, p. 76).
− P. métaph. Si les fières aristocraties de toutes les capitales de l'Europe refusent d'admettre dans leurs rangs un millionnaire infâme, Paris lui tend les bras, court à ses fêtes, mange ses dîners et trinque avec son infamie (Balzac, Goriot, 1835, p. 129).
2. Boire avec d'autres personnes. J'ai été fâché de ne pas trinquer ensemble avant mon départ, d'autant plus que je t'avais donné la veille une assez pitoyable idée de moi, en ne buvant pas et en ne mangeant pas (Flaub., Corresp., 1841, p. 86).
3. Fam. [Sans compl. prép.] Boire ; boire avec excès. Bien sûr, il buvait en chemin. Il trinquait à toutes les portes presque. Beaucoup lui payaient le port d'un paquet d'un coup de vin (Pesquidoux, Livre raison, 1928, p. 84). Il aurait pas fallu qu'il en parle de politique, surtout quand il avait bu un peu, et ça lui arrivait. Il était même noté pour trinquer, c'était son faible (Céline, Voyage, 1932, p. 574).
B. − P. anal.
1. [Le suj. désigne une chose] S'entrechoquer. Chacun tirait à soi, glosant et jurant sans écouter le voisin. Les pots trinquaient, et les querelles naissaient au choc des pots (Hugo, N.-D. Paris, 1832, p. 101). Dans la chaude atmosphère du café, − la fumée, les voix cordiales, les verres qui trinquent − il sentit fondre son chagrin (Dorgelès, Croix de bois, 1919, p. 314).
Prononc. et Orth. : [tʀ ε ̃ke], (il) trinque [tʀ ε ̃:k]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. [Fin du xive s. « boire » (Eustache Deschamps d'apr. Dochez 1860)] 1552 (Rabelais, Quart livre, éd. R. Marichal, LXV, 69, p. 262) ; 2. 1690 « lever son verre et le choquer contre celui d'une personne avec qui on s'apprête à boire » (Fur.) ; 3. a) 1876 « subir une dure épreuve physique, souffrir » (Chautard Vie étrange Argot, p. 600) ; b) 1883 « subir un préjudice, une perte, une sanction, etc. » (Richepin, Pavé, p. 352) ; c) 1935 au fig. (Duhamel, Nuit St-Jean, p. 30). Empr. à l'all.trinken « boire ». Fréq. abs. littér.: 312. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 277, b) 419; xxes.: a) 578, b) 514.(tlfi:trinquer)