MARRER (SE), verbe pronom.
Pop. et fam. S'amuser beaucoup, rire sans retenue. Synon. se bidonner, se gondoler. À la fin, on pouvait plus se retenir tellement qu'on se marrait. On en éclatait par le nez (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 128). Chacun pour soi et Dieu pour tous, on n'est pas sur terre pour se marrer (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 99) :
... quand le convoi stoppa (...), ce fut un éclat de rire général: le général de Castelnau se marrait, les officiers de son état-major se marraient, ils étaient tous venus à la gare pour réceptionner les fameux chiens de guerre destinés à l'armée française...
CENDRARS, Main coupée, 1946, p. 239.
En partic. [Avec une idée de dérision, de raillerie] Non, quelle armée ! Et on parle de chasser les Boches ? Laissez-moi me marrer (DORGELÈS, Croix de bois, 1919, p. 27). J'aime pas combattre avec des capricieux. Pour l'instant il s'étale, pourtant, joue le héros ! De quoi se marrer (MALRAUX, Espoir, 1937, p. 678).
Loc. verb. à valeur factitive. Faire marrer qqn. Il nous fait bien marrer quand il imite la messe, dit Madame Duseuil (QUENEAU, Loin Rueil, 1944, p. 71). Vous me faites marrer ! dit Henri. Vous êtes tous là à attendre des choses de moi (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 366).
Prononc. et Orth.: [], (il se) marre []. QUENEAU, Pierrot, 1942, p. 81 : se marait. Étymol. et Hist. 1. 1883 se marer « s'ennuyer » (G. MACÉ, Notes ds ESN.) ; 1910 verbe trans. marrer « ennuyer » (ID., ibid.) ; 2. verbe pronom. a) 1883 (?) « rire tout son soûl » (ds ESN.) ; 1889 (G. MACÉ, Mes lundis..., ibid.) ; b) 1916 « rire de quelque chose qui n'appelle pas ordinairement le rire » (BARBUSSE, Feu, p. 233). 1 orig. incertaine, prob. de l'esp. mareo « ennui » (dep. XVIIIe s. d'apr. AL.), marear « ennuyer » (dep. XVIIIe s., MORATIN, ibid.), marearse « avoir le mal de mer » (dep. le XVIIe s., M. ALEMAN, ibid.), (v. ESN.), le passage sém. étant du même type que celui du mot noise* (du lat. nausea « mal de mer »); plutôt que dér. de marre* (FEW t. 16, p. 535b). 2 prob. par antiphrase de se marrer1, se marrer signifiant également « rire (amèrement) de quelque chose qui devrait plutôt faire pleurer » (v. 2b), (v. FEW loc. cit. ; BL.-W.3-5), plutôt que de marée « cuite » (v. ESN.). Fréq. abs. littér. : 194. (tlfi:marrer)
- De marre. (GR)
- Peu usité. (Marcy, 1901)
- Argot parisien courant d'avant-guerre. (Dauzat1918voc)