BADAUD, AUDE, subst. et adj.
I.− Emploi subst.
A.− Celui, celle qui s'arrête dans ses flâneries à regarder les spectacles les plus quelconques, en s'étonnant de tout, en admirant tout. Les badauds de Paris (Ac. 1798-1932, Besch. 1845) ; faire attrouper les badauds (Ac. 1835, 1878) ; c'est un vrai badaud, une vraie badaude (Lar. 19e) :
1. ... il [Chèbe] était devenu (...) un véritable oisif prenant le goût de la flâne, un badaud. A. Daudet, Fromont jeune et Risler aîné, 1874, p. 18.
2. Des escamoteurs, des hercules arrivaient, qui étalaient sur la terre de l'avenue un tapis mangé d'usure. Alors, les badauds s'attroupaient, un cercle se formait, tandis que le saltimbanque, au milieu, jouait des muscles dans son maillot fané. Zola, L'Assommoir, 1877, p. 713.
B.− Personne un peu sotte, manquant de jugement et de personnalité, qui croit tout ce qu'on lui dit, et s'empresse de suivre les idées des autres :
3. La position accidentelle du prince de Bénévent lui a permis de s'attribuer la puissance d'avoir renversé Napoléon et l'honneur d'avoir rétabli Louis XVIII ; moi-même, comme tous les badauds, n'ai-je pas été assez niais pour donner dans cette fable ! Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 4, 1848, p. 563.
4. ... Théophile Gautier possédait (...) cette fameuse qualité que les badauds de la critique s'obstinent à lui refuser : le sentiment. Baudelaire, L'Art romantique, 1867, p. 538.
II.− Emploi adj. [En parlant de pers.]
A.− Qui manifeste une curiosité toujours en éveil et un peu niaise. C'est un homme très badaud (Ac. 1835-1932) ; curiosité badaude (DG) :
5. Antoine (...) ouvre une bouche badaude et part d'un jeune éclat de rire. Colette, L'Ingénue libertine, 1909, p. 105.
6. Car le peuple de Paris est tant sot, tant badaud et tant inepte de nature, qu'un bateleur (...) assemblera plus de gens que ne ferait un bon prêcheur évangélique. A. France, Rabelais, 1924, p. 45.
B.− Qui manifeste un esprit crédule et conformiste :
7. Aux yeux de l'immense et badaude majorité, la fugue est un morceau de musique impardonnable. Stendhal, Correspondance, t. 1, 1842, p. 304.
− P. exagér. Sot, bête :
8. Quoi de plus difficile que d'apprendre à lire, et cependant les plus badauds savent lire. Stendhal, Correspondance, t. 1, 1842, p. 44.
Rem. Badaud, benêt, nigaud, niais. ,,Le badaud est celui qui baye aux corneilles, qui s'arrête à toute chose, comme s'il n'avait jamais rien vu ; le niais, comme le jeune oiseau qui sort pour la première fois de son nid, est sans expérience, et, en quoi que ce soit, il ne sait comment s'y prendre ; le benêt est une créature bénite, simple, et qui fait ou croit tout ce qu'on veut. Le nigaud est celui qui s'attrape à toute chose, et qu'aussi par toute chose on attrape`` (Littré).
PRONONC. : [bado], fém. [-o:d]. Les dict. transcrivent la finale du masc. longue. Littré précise ,,le d ne se lie pas : le badaud est... dites : le ba-dô est... l's se lie au pluriel : les badauds à l'entour, dites : les ba-dô-z à l'entour``.
ÉTYMOL. ET HIST. A.− 1532 adj. « sot, niais » (Rabelais, Pantagruel, chap. 18, éd. Marty-Laveaux, t. 1, p. 310 : Ainsi tout le monde assemblé, Thaumaste les attendoit. Et lors que Pantagruel et Panurge arriverent à la salle, tous ces grimaulx, artiens, et Intrans commencerent frapper des mains comme est leur badaude coustume), uniquement chez Rabelais ; repris au XVIIIes. : av. 1778 « qui regarde en manifestant une curiosité un peu niaise » (Voltaire, Vanité ds Littré : Et la vieille badaude, au fond de son quartier, Dans ses voisins badauds, voit l'univers entier). B.− 1552 subst. « celui que la curiosité arrête devant des spectacles futiles » (Jodelle, Eug., II, 2 ds Gdf. Compl. : Mais ores les meilleurs esprits Aiment mieux soldats devenir Qu'au rang des badauts se tenir). Empr. à l'a.prov. badau subst. « niaiserie » (1130-50 Marcabrus, Lo vers comens ds Rayn.), adj. « niais » (xiiies. T. de Bertrand et De Gausbert, Gausbert, ibid.), lui-même dér. du prov. badar « bâiller » (xiies. Peire Vidal, ibid.) d'où « rester bouche bée », issu du lat. batare (badin1*). Le suff. prov. -au (< lat. -alem) a été assimilé en lang. d'oïl au suff. -aud, fém. -aude.
STAT. − Fréq. abs. littér. : 219. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 254, b) 373; xxes. : a) 367, b) 293.
BBG. − Boucher 1835. − Bruant 1901. − France 1907. − Le Roux 1752. − Sain. Lang. par. 1920, pp. 4-5. − Timm. 1892. (tlfi:badaud)
- À l'origine pas de sens injurieux ; mais sources étymologiques compliquées : on l'a dit issu de Badaldus : stupidus ou encore de Bardus, dans le même sens, mais aussi de l'italien Badare : regarder. On l'a encore dit issu du vieux fr. bader qui ne subsiste plus que dans Badiner, ou issu de Bagaudes et Huet, quant à lui, tire Badaud de Bedeau. Selon Virmaître, Badaud vient de Badawe qui, en celtique : batelier, matelot ; les badauds de Paris signifiaient les bateliers de Paris ; badaud n'est donc point synonyme de bêtise mais signifie tout au plus gober : croire tout ce que l'on vous raconte. (VIRM-PARISQUISEF)
- C'est un sobriquet injurieux qu'on a donné aux habitans de Paris, à cause qu'ils s'attroupent & s'amusent à voir & à admirer tout ce qui se rencontre en leur chemin, pour peu qu'il leur semble extraordinaire. Un Charlatan a bientost amassé autour de luy plusieurs badauts. Ce mot vient apparemment du mot Italien badar, qui ne signifie autre chose que regarder ; comme le mot de hableur qui vient de l'Espagnol hablar, qui ne signifie que parler. On disoit autrefois en François, Bader, pour dire, Tenir la bouche, ou la gueule ouverte & beante. Quelques Auteurs derivent ce mot ab Agaudis, qui étoient des rebelles qui firent bien des desordres en France du temps de Diocletien. (FUR)