POILU, -UE, adj. et subst. masc.
C. Au fig., vieilli. Qui est énergique, courageux. Bien, mon petit aiglon! Vous gouvernerez les hommes; vous êtes fort, carré, poilu; vous avez mon estime (BALZAC, Goriot, 1835, p.194). Léon Bloy (...) cherche quelqu'un d'assez poilu pour éditer une brochure de 150 à 200 pages intitulée: Je m'accuse... (BLOY, Journal, 1899, p.352).
II. Substantif
A. Pop., vieilli. Homme (énergique, courageux). Synon. brave, gars. Malheur aux riches! Heureux les poilus sans pognon (RICTUS, Soliloques, 1897, p.100).
B. Soldat français combattant de la guerre 1914-1918 (dans le langage des civils). [La Démocratie] a créé, sous le nom de Poilu, un type de héros, on peut dire grotesque, sinon abject (BERNANOS, Gde peur, 1931, p.414). Je débitai des litanies et des rosaires à l'intention de nos chers poilus (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 31):
2. Pourquoi diable, à l'intérieur, les appelle-t-on les poilus? Ici, le mot ne plaît à personne. On est poilu quand on ne peut pas être autrement, dans les mauvais jours, les jours cruels et tragiques, qui deviennent ensuite les grands jours. Mais, dès la relève, on ne demande qu'à reprendre sa bonne figure habituelle.
BORDEAUX, Fort de Vaux, 1916, p. 92.
Étymol. et Hist. b) 1897 poilu arg. milit. « homme (brave), gars qui n'a pas froid aux yeux » (RICTUS, loc. cit.); c) ca 1915 en partic. « combattant français de la première guerre mondiale » (ESN. Poilu, p.429: les Poilus et les Boches, Poilus et Tommies). Dér. de poil* ; suff. -u* ; au sens 2 b, cf. poilu « courageux » (1833, BALZAC, Méd. camp., p. 88), v. aussi DAUZAT, Arg. guerre, p.47 à 52. Fréq. abs. littér. : 287. Fréq. rel. littér. : XIXes. : a) 49, b) 111 ; XXes. : a) 763, b) 659. (tlfi:poilu)
- Before the war 1914, poilu was a common word designating form the time of Samson, virility and strength : Hébert, in his paper le Père Duchesne, 1793, speaks of les bougres à poil, determined to live in liberty or to die. Balzac, in Le Médecin de campagne says : General Eblé could find only forty two pontoniers assez poilus to venture building a bridge over la Beresina, 1812. Poilu is now a glorious appellation for all our soldiers in the trenches, on account of their bravery, self-denial and good humour (MAR)
- Les Romains attribuaient aux poils la même vertu : Vir pilosus aut fortis aut libidinosus, disaient-ils. C'est d'ailleurs une constatation d'ordre physiologique : « Les poils sont, avant tout, le signe de la force virile. On n'est homme qu'à partir de la puberté. De là à admettre que les poils font la force il n'y a qu'un pas... L'idée de force suggère celle d'audace... », Ed. Brissaud, Histoire des expressions populaires relatives à l'anatomie, à la physiologie et à la médecine, Paris, 1888, p. 80. Le mot n'a absolument rien de commun avec l'état hirsute ou mal-propre de nos soldats des tranchées. Son sens primordial est celui de mâle, d'où l'acception de « courageux », attestée près d'un siècle avant la Guerre actuelle qui a annobli et couvert de gloire le Poilu. La signification foncière de ce nom relève du système pileux en général et non pas de la barbe. Un humoristique illustré, Nos Poilus (septembre 1915), représente deux Soldats à tous poils, un gars imberbe et un troupier barbu qui s'interpellent : « Toi, le gosse !.. un Poilu ? - J'ai pas de poil au menton, mais j'en ai sur la poitrine ! » On est Poilu avec ou sans barbe, hirsute ou épilé... Avant la Guerre, le Poilu était l'homme à poils, à tous poils ou à tous crins, l'homme ardent, énergique, résolu ; il est maintenant le brave par excellence, le hardi combattant des tranchées, le héros d'une épopée nouvelle. (SAIN-TRANCH)
- De poil, les poils étant le signe de la virilité (GR)
- « Enfin il y a le fameux « poilu », vieux mot qui désignait le gaillard qui n'a pas peur, qui a du poil à un tout autre endroit que sur la figure et qui n'est entré que lentement en usage dans certains corps, parce que déplaisant et grossier. Mais l'arrière ayant réussi à en faire un terme officiel (n'a-t-on pas vu une « journée du poilu » ?) et l'ayant auréolé de poésie, ne pouvait manquer de l'imposer même aux poilus les plus récalcitrants. » (Gauthiot1916)
- C'est ainsi que l'on nomme aujourd'hui les soldats français qui (...) sont souvent forcés de laisser croître leur barbe (Lambert1915)
- Le mot venu on ne sait d'où fit subitement fortune en 1914 au commencement de la guerre. Le poil a toujours passé pour le signe du courage, de la force virile (Dech1918)
- « le poilu, ce n'est pas l'homme à la barbe inculte, qui n'a pas le temps de se raser – ce serait déjà pittoresque ; c'est beaucoup mieux : c'est l'homme qui a du poil au bon endroit - pas dans la main ! – symbole ancien de virilité. [...] Poilu existe depuis un siècle au moins dans notre argot militaire. Il fut un mot de grognard, comme le témoigne Balzac [Médecin de campagne] le mot n'était encore qu'adjectif à cette époque. Plus tard, et jusqu'à la veille de la guerre actuelle, il désigna, dans les casernes où prédominait l'élément parisien et faubourien, soit l'homme d'attaque qui n'a pas froid aux yeux, soit l'« homme » tout court (on sait qu'à l'armée les soldats s'appellent officiellement les « hommes »). [...] [en 1914] on disait couramment que le "caporal réclamait deux poilus pour une corvée". » (Dauzat1917MdF)
- « Ils sont intelligents, nos types. On a tort de les appeler des poilus. Ce nom grossier ne leur va pas et les désoblige. [...] Les hasards de la campagne m'ont fait rencontrer, une seule fois, un capitaine un peu cabotin, qui prononçait avec emphase et d'un ton nasillard : mes poilus ! La littérature a voulu lancer ce mot : un autre a la vogue ici. Nous disons : nos types. » (Redier1916 p. 195)
- inconnu il y a quatre ans à peine, à la majorité de nos concitoyens ; terme qui a conquis une renommée mondiale. ce n'est pas l'homme à la barbe inculte, qui n'a pas le temps de se raser [...] c'est l'homme qui a du poil au bon endroit, – pas dans la main ! – symbole ancien de virilité. Poilu existe depuis un siècle au moins dans notre argot militaire. Il fut un mot de grognard [témoignage de Balzac, Médecin de camp., 1834] le mot n'était encore qu'adjectif à cette époque. Plus tard il désigna soit l'homme d'attaque qui n'a pas froid aux yeux, soit l'homme tout court. (Dauzat1918)