GLISSER, verbe
B. Faire entrer, faire pénétrer, faire passer quelque chose discrètement ou furtivement. Glisser qqc. dans qqc. ; glisser qqc. à qqn.
1. [Le compl. d'obj. désigne une chose concr.] Glisser une pièce de monnaie dans la main d'un pauvre. Achetaient-ils des fruits, le fruitier leur glissait toujours une figue pourrie, des raisins gâtés, par en-dessous (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 32). Il ne lui aurait pas fallu longtemps pour découvrir qui lui avait glissé un bout de papier dans la poche (SIMENON, Vac. Maigret, 1948, p. 36) :
24. Le lendemain matin, quand il la quitta, elle lui glissa dans les mains une enveloppe, en chuchotant : Dehors, tu liras cela dehors. Pas ici, je t'en prie. ARLAND, Ordre, 1929, p. 332.
2. [Le compl. d'obj. désigne une chose abstr.] Glisser une clause dans un contrat (Ac.). Dans la lettre que je t'avais écrite en te renvoyant son volume, je t'y avais glissé deux phrases louangeuses un peu exagérées (FLAUB., Corresp., 1852, p. 405). Il vient un moment dans la vie (...) où le professeur fidèle se demande s'il ne va pas glisser dans les déclinaisons latines quelques cas nouveaux (BRASILLACH, Corneille, 1938, p. 430) :
25. Et, par une coquetterie de peintre qui soigne sa mise en page, Debussy glisse, dans les dernières mesures [de Feux d'artifice], quelques notes de la Marseillaise... CORTOT, Mus. fr. piano, 1930, p. 44.
a) En partic.
Dire, communiquer quelque chose en confidence ou en cachette :
26. ... Monsieur de Coëtquidan, je vous glisse un tuyau royal. Ce volume-là est actuellement en vente, dépareillé, chez Champion, je viens de le voir sur le catalogue. MONTHERL., Célibataires, 1934, p. 893.
Glisser qqc. à l'oreille à qqn. La vieille leur ayant glissé quelques mots à l'oreille, ils m'embrassèrent les mains à leur tour (THARAUD, Fête arabe, 1912, p. 218).
Glisser qqc. dans l'oreille de qqn. Une voisine entra tête nue, nous souhaita le bonsoir d'un air apprêté, glissa dans l'oreille de ma mère deux mots mystérieux, et repartit aussitôt (COLETTE, Mais. Cl., 1922, p. 129).
Dire quelque chose incidemment, sans insister; dire quelque chose sans avoir l'air d'y toucher. Vous devriez glisser deux mots de cela au père, mon cher comte, vous qui êtes si bien dans la maison (DUMAS père, Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 244). De temps en temps, il glissait adroitement dans la conversation une idée que les autres développaient (RENARD, Journal, 1893, p. 182).
Glisser que. Voulant me faire reconnaître le terrain (...) il me pria de le parcourir avec lui, ne disant pas un mot des limites ni des restrictions, trouvant le moyen de glisser adroitement que les soldats que je voyais n'étaient autres que la garde ordinaire du gouverneur (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 2, 1823, p. 505).
Insinuer, suggérer adroitement. Il glissait insidieusement la réponse dans sa façon de poser la question (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 52).
Étymol. et Hist. A. Intrans. 2. 1636 « faire passer, introduire adroitement ou furtivement quelque chose » (MONET). Issu du croisement de l'a. fr. gliier « glisser » (XIIIe s. ds T.-L., GDF. ; de l'a. b. frq. * « id. »; cf. le m. néerl. gliden, m. b. all. gliden, m. h. all. glîten, all. gleiten « id. ») et de glacier (v. glacer), attesté en a. fr. et en m. fr. au sens de « glisser » (XIIe s. ds T.-L.). Fréq. abs. littér. : 5 670. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 5 107, b) 8 303; XXe s. : a) 8 856, b) 9 980. (tlfi:glisser)