GRIS, GRISE, adj.
Fam. [En parlant d'une pers.]
A. − Qui est plus ou moins ivre. Synon. éméché, pompette (pop.). On trinqua à la gloire des Rougon. Granoux, très rouge, commençait à balbutier, et Vuillet, très pâle, était complètement gris ; mais Sicardot versait toujours (Zola, Fortune Rougon, 1871, p. 305) :
1. Alors mon oncle proposa ce qu'il appelait la « tournée de l'archevêque » (...). À onze heures, il était gris comme un chantre. Il le fallut emporter en voiture, et mettre au lit ; et déjà on pouvait prévoir que sa manifestation anticléricale allait tourner en une épouvantable indigestion. Comme je rentrais à mon logis, gris moi-même, mais d'une ivresse gaie, une idée machiavélique (...) me traversa la tête. Maupass., Contes et nouv., t. 2, Oncle Sosthène, 1882, p. 24.
B. − P. anal. et au fig. Gris de.
1. Excité physiquement jusqu'à l'étourdissement par. Ils mangeaient trop, ils étaient gris d'eau et de fruit (Zola, Dr Pascal, 1893, p. 375) :
2. Un souvenir lui revint, les nuits où elle rentrait de la Guerdache, grise des caresses de son amant (...) et où elle cuvait son ivresse sur l'oreiller conjugal, tandis que lui, l'innocent, l'imbécile (...) se torturait le cerveau pour l'Abîme... Zola, Travail, t. 2, 1901, p. 89.
2. Excité cérébralement, exalté par. Comme c'était loin, le temps où elle parcourait ce même pays, jeune fille, et grise de rêves (Maupass., Vie, 1883, p. 23).
Prononc. et Orth. V. gris1. Étymol. et Hist. 1690 « à demi ivre » (Fur.). Ce sens vient probablement de ce que, dans l'état d'ivresse même légère, les choses apparaissent moins claires, comme sur une grisaille.
STAT. − Gris1 et 2. Fréq. abs. littér. : 6 376. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 4 425, b) 12 685; xxes. : a) 11 556, b) 9 589. (tlfi:gris)