BASTRINGUE, subst. masc.
A.− Pop., le plus souvent péj.
1. Bal populaire. Aller au bastringue (Ac. 1835-1932) :
1. M'avançant sous mon faux nom, et persuadé que je compromettais mon ami Fontanes, j'ouïs, à mon grand étonnement, en entrant dans les Champs-Élysées, des sons de violon, de cor, de clarinette et de tambour. J'aperçus des bastringues où dansaient des hommes et des femmes; ... Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 2, 1848, p. 13.
2. − Il paraît que c'est toi qui musiquais ? − ... − Manquait plus que ça. − ... − Pour une fois ça passe, mais, si tu travaillais le jour tu penserais moins à nous corner au moment de dormir. C'est pas un bastringue ici, tu entends ? Giono, Un de Baumugnes, 1929, p. 158.
SYNT. Bastringue de barrière (Zola, Son Excellence E. Rougon, 1876, p. 94 ; Zola, Nana, 1880, p. 1311 ; E. et J. de Goncourt, Germinie Lacerteux, 1864, p. 96 ; A. Bruant, Dict. fr.-arg., 1905, p. 124) ; araignée de bastringue (L. Rigaud, Dict. de l'arg. mod., 1881, p. 14) ; Lucrèce de bastringue ([Leclair], Les Méditations d'un hussard, 1809, p. 52) ; ritournelles de bastringue (J. Laforgue, Poésies complètes, 1887, p. 11, 91) ; musique de bastringue (V. Larbaud, Enfantines, 1918, p. 183 ; Maupassant, Contes et nouvelles, t. 1, La Femme de Paul, 1881, p. 1226).
Par méton. au fém. :
3. Il avait commencé par bannir de la maîtrise tous les instruments de cuivre, la « bastringue », comme il disait. En peu de temps sa petite troupe de chanteurs atteignit une perfection qui fit accourir de loin les amateurs. Billy, Introïbo, 1939, p. 57.
Rem. Pas d'ex. d'un sens mod. où bastringue désignerait le « juke-box », sens pourtant attesté par une chanson bien connue : « Mets deux thunes dans l' bastringue... »
Étymol. ET HIST. − 1. a) 1794 « air populaire de contredanse » (Lar. 19e : Le 21 janvier 1794, un an après l'exécution de Louis XVI, les spectacles jouèrent gratis « de par et pour le peuple, en réjouissance de la mort du tyran ». On alla danser autour de l'échafaud, on y revint les jours suivants, et c'est pour ces farandoles que l'air du Bastringue des départements fut composé) ; b) 1800 « bal, cabaret dansant » (Chanson d'apr. Esn. : aller au bastringue) ; d'où 1866 p. ext. « dispute » et « vacarme » (supra A2) (tlfi:bastringue)
- De bouser ou buser, ang. to bouse, boire (buse) et trinquer ; le sens primitif est cabaret. (TIM cité par DEL)
- Primitivement, bastringue = contredanse longtemps en vogue à Paris. (GIR-BIST)
- Orig. incert. : l'hypothèse de Brunot semble infirmée par la chronologie ; p.-ê. du néerl. bas drinken « boire beaucoup » ; les premiers emplois (« contredanse bruyante ; machine tapageuse ») impliquent le sémantisme du « bruit »; pour Guiraud, var. de bastingue (d'où bastingage), bastringue ayant d'abord désigné, non un air de danse, mais un bal populaire entouré d'une « barricade », d'un « bâti » de bois - ce qui garantit l'unité du mot. (GR)