ROGNE, subst. fém.
Familier
A. − Au sing., pop., fam. Colère, mauvaise humeur. Faut dire que dans les temps, j'ai eu des malheurs de ménage (...). De cette aventure il m'est resté de la rogne contre toutes les femmes (A. Daudet, Pte paroisse, 1895, p. 300). Toute la crasse, l'envie, la rogne d'un canton s'était exercée sur sa pomme. La hargne fielleuse des plumitifs de sa propre turne il l'avait sentie passer (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 32).
− Empl. adj. Hargneux, coléreux. Des dettes, est-ce que j'en ai, moi qui ai crevé la faim ? répondit Mahoudeau d'un ton rogne (Zola, L'OEuvre, 1886, p. 361).
− Verbe + en rogne. Être, (se) mettre, ... en colère, dans une grande colère. Mettre en rogne ; se mettre en rogne pour des riens. Et les Boches, ils n'en ont pas de canons, non ? Tas de vieux jetons. Ca me fout en rogne d'entendre ça (Dorgelès, Croix de bois, 1919, p. 173). Un Nouy (...) tout mou, tout poli, ne lâchant pas un mot d'argot. Furax, quoi ! Je connais Serge. Il est comme ça quand il est en rogne (H. Bazin, Lève-toi, 1952, p. 169).
B. − Au plur., pop. Chercher des rognes à qqn. Créer des ennuis à quelqu'un. Synon. fam. chercher des noises (v. noise B), des crosses. Depuis que tu es sorti de taule, tu es après moi comme qui dirait à me chercher des rognes dans le quartier (Carco, Équipe, 1919, p. 48).
Rem. Au sens A, le mot a connu un regain de vitalité dans les domaines pol. et soc. depuis son empl. en 1961 par le Général de Gaulle : [Jacques Chirac] décide d'agir tout de suite et lâche le mot d'« impôt-sécheresse ». Sur le moment, personne ne réagit. Puis la houle se lève, emportant les apitoiements vacanciers. Pourtant, cette rogne anti-paysanne est fondamentalement injustifiée (Le Point, 20 sept. 1976, p. 52, col. 1).
Prononc. et Orth. : [ʀ ɔ ɳ]. Att. ds Ac. 1935. Étymol. et Hist. a) 1486 rongne « difficultés, différends » (Jean Michel, Passion, éd. O. Jodogne, 25337) ; b) 1710 chercher la rogne à qqn « chercher querelle à » ([Dufrene], La Misère des apprentifs imprimeurs, p. 7 ds Quem. DDL t. 19) ; 1896 chercher rogne à qqn (Delesalle) ; c) 1888 « mauvaise humeur, colère » (Villatte). Déverbal de rogner2*. Le mot a été longtemps usité dans la région de Lyon et de Genève (v. FEW t. 10, p. 461b), puis introduit à Paris par le fr. pop. vers la fin du xixe s. (tlfi:rogne)
- rogne (chercher -) loc. verb. arg. ARG. IMPRIM. RELAT. "quereller" - FEW (10, 461b), TLF, 1896, Delesalle ; R, 19e ; BW6, ND4, ø d.chercher des rognes : DFNC, cit. Carco. • chercher la rogne Compl.TLF (mêmes réf., ø texte)
- 1710 - «Celuy-ci veut du blanc, celuy-là du Bourgogne : / Si je tarde un peu trop, ils me cherchent la *rogne [...] * Terme d'Imprimeur, pour dire quereller quelqu'un.» [Dufrène], La Misère des apprentifs imprimeurs, 7 (s.l.) - P.E (bhvf:rogne)
- Par association d'idées avec gale (méchant comme la gale). (AYN)
- « action de grogner entre ses dents » ; longtemps usité dans la région de Lyon et de Genève, dans la locution chercher rogne « chercher noise », chercher la rogne, 1701 d'après DDL, puis introduit à Paris au XIXe ; de rogner. (GR)
- Argot parisien courant d'avant-guerre. (Dauzat1918voc)