PATATE, subst. fém.
B. P. anal.
1. Fam. ou pop. ou région. (notamment Canada). Pomme de terre. Sac à/de patates; corvée de patates; éplucher des patates; patates frites (Canada). Dans les chantiers, à cette heure, ils sont nourris pareil comme dans les hôtels, avec de la viande et des patates tout l'hiver (HÉMON, M. Chapdelaine, 1916, p.74). Lippe dessus, dent dessous, elle m'écoutait, elle touillait plus vivement ses sauces ou piquait du couteau pour énucléer les points noirs des patates (H. BAZIN, Qui j'ose aimer, 1956, p. 79) :
1. ... Martin (...) épluchait des pommes de terre. Oh ! regarde-moi les épluchures que tu fais ! C'est du sabotage ! Tu en enlèves la moitié ! Et nous n'avons que quinze patates !
ROMAINS, Copains, 1913, p. 276.
Aux patates ! (arg. milit.). À la corvée de l'épluchage des pommes de terre ! Aux patates, là dedans, mes petits agneaux ! brame à la porte, dans une forme encapuchonnée, une voix sonore (BARBUSSE, Feu, 1916, p.149).
Prononc. et Orth. : [patat]. Att. ds Ac. dep. 1762. Var. région. pétate, pataque, pétaque (Néol. Canad. t.1 1976 et, en ce qui concerne pétaque, Rogers 1977). Étymol. et Hist. 1. a) 1582 « plante des régions chaudes cultivée pour ses gros tubercules comestibles à chair douceâtre » pattates est cité comme un mot indigène qui a été cependant francisé dans sa finale et qui porte la marque du plur. (Reprinse de la Floride d'apr. Gaffarel, Floride, p. 489 ds Arv., p. 399) ; b) 1601-03 patate « id. » (S. Champlain, Brief discours, p. 31 ds OEuvres, Québec, 1870, t. 1) ; 2. a) canad. 1765 « pomme de terre » (Arch. du Pt Séminaire de Québec, C-11, 11 déc., p. 80 ds Trav. de ling. québécoise, t. 2, 1978, p. 208 ; peut-être déjà en 1750, v. ibid., loc. cit.) ; b) fr. 1769 « id. » (Valmont Suppl. d'apr. FEW t. 20, p. 57b)
Empr., par l'intermédiaire de l'esp. patata, plante convolvulacée (1528 ds Fried, p.82), à une var. de l'arawak de Haïti batata «id.» (v. König, p.163 et Arv.), également empr. par le fr. battate (ca 1525, A. Pigafetta, Rel. du Prem. voy. autour du Monde par Magellan, p. 43 ds König, p. 162), par l'intermédiaire de l'esp. batata (1519 ds Cor.-Pasc.), et déjà att. (sous la forme batata) en 1516, en lat., par l'aut. ital. Martyr d'Anghiera (v. Fried, p. 82). Le mot, sous sa forme mod., semble avoir été vulgarisé par l'intermédiaire du baragouin comm. parlé par les indigènes et les marins dans la mer des Caraïbes (v. Arv.). Le sens 2 s'explique par l'introd., favorisée par la conquête angl., de la culture de la pomme de terre au Canada (v. M. Juneau, Probl. de la lexicol. québécoise, p. 206). Le mot a ensuite été diffusé en fr. à partir de la côte ouest de la France et s'est répandu progressivement dans les dial. de l'Ouest, l'Île-de-France, du Centre, de la Champagne et de la Brie (v. FEW t. 20, p. 57b-58a) et en fr. pop. (voir M. Juneau, loc. cit. et Trav. de ling. québécoise, t. 2, 1978, p. 58-59). V. König, pp. 162-163 ; Fried, s.v. batata ; Arv., pp. 398-402 et FEW t. 20, pp. 57b-58b et t. 13, 2, pp. 387a-389a. Fréq. abs. littér. : 99. Bbg. Dauzat Ling. fr. 1946, p. 281. _Litaize (A.). Les Dénominations de la pomme de terre d'après l'A.L.L.R. In: [Mél. Lanly (A.)]. Ét. de lang. et de litt. fr. Nancy, 1980, pp. 571-576. _Poirier (Cl.). L'Anglicisme au Québec et l'héritage fr. Trav. de ling. québécoise. 2. 1978, p. 43. (tlfi:patate)