BÊCHER, BÉCHER, verbe.
Arg., fam. [Correspond à bêche2]
A.− Emploi trans.
1. Injurier, calomnier, tourner en dérision :
1. ... il a cru devoir lancer contre Brichot quelques insinuations venimeuses et assez ridicules. Naturellement, comme il a vu que Brichot était aimé dans la maison, c'était une manière de nous atteindre, de bêcher notre dîner. Proust, Du côté de chez Swann, 1913, p. 266.
2. Il [Mullem] ne bêchait pas Clémenceau, qui d'ailleurs le lui eût pardonné, étant lui-même incapable de retenir une blague sur son meilleur ami. L. Daudet, Devant la douleur, 1931, p. 158.
− Emploi abs. Mépriser, critiquer, avoir une attitude méprisante :
3. On parle des nouveaux sérums de Metchnikoff, de la peinture de Maszlo, des débuts de Delna dans Carmen, de l'influenza, des chances de Plantagenet à Chantilly, on « potine », on « bêche ferme ». Morand, 1900, 1931, p. 213.
4. Si j'émettais le plus petit doute et que j'avais l'air de bêcher ils se raisonnaient plus du tout... Céline, Mort à crédit, 1936, p. 356.
2. Arg. Pour bêcher. Pour plaisanter. Bêcher en douce. Être ironique (L. Larchey, Dict. hist. d'arg., 2e Suppl. 1883).
B.− Emploi pronom. réciproque :
5. « Ils se saluent très bas (...) mais se bêchent aussitôt le dos tourné. » A. Bruant, Dict. fr.-arg., 1905, p. 136.
6. ... le soir, après dîner, je n'étais plus seul. On faisait même salon devant moi, pour se bêcher et se dire des douceurs! Léautaud, In memoriam, 1905, p. 203.
Orth. − La grande majorité des dict. traite, s.v. bêcher (ê accent circonflexe), le terme qui signifie « être malveillant, critiquer vivement quelqu'un » (cf. Guérin 1892, Lar. 19e, Nouv. Lar. ill., Pt Lar. 1906, Lar. 20e, Lar. encyclop., Rob., Quillet 1965 et Dub.). Littré enregistre ce terme à part s.v. bécher (é accent aigu). La plupart des dict. donnent en outre bécher (terme de fauconn.) pour lequel ils renvoient à becquer.
ÉTYMOL. ET HIST. − 1837 arg. « injurier » (F. Vidocq, Les Voleurs, t. 1, p. 24). Plus prob. emploi fig. de bêcher1* que issu des formes dial. correspondant à becquer* « frapper du bec » ; cf. en effet débiner « calomnier », prob. formé de biner* « sarcler ».
STAT. − Fréq. abs. littér. : 144.
BBG. (Bêcher1 et 2). − Meier (H.). Rehabilitierte Etymologien. Rom. Forsch. 1968, t. 80, pp. 202-208. − Nicholson (G.-G.). Rech. philol. rom. Paris, 1921, pp. 129-130. − Timm. 1892. (tlfi:bêcher)
- Ce mot a passé de l'argot dans le français ordinaire ou du moins dans celui du journalisme. (RICH)
- Jdm sur bec = donner des coups de bec. (DEL)
- Littéralement jouer du bec. (1884. Typos de province)
- N'est pas particulier au langage des typographes. (Boutmy 1874)