C.− Au fig. [P. compar. avec la vie errante menée par ces tribus]
1. Subst. masc. Un bohème. Artiste, écrivain vivant au jour le jour, résolument affranchi des règles et usages établis; personne qui vit hors des cadres sociaux (cf. bohémien C) :
7. ... Bloch était mal à l'aise chez lui et sentait que son père le traitait de dévoyé parce qu'il vivait dans l'admiration de Leconte de Lisle, Heredia et autres « bohèmes ». Proust, À l'ombre des jeunes filles en fleurs, 1918, p. 748.
− Loc. proverbiales. Mener une vie de bohème, vivre en (comme un) bohème. ,,N'avoir ni feu ni lieu, vivre dans le vagabondage`` (Ac. 1835, 1878) ; ,,mener une vie déréglée, dans l'insouciance et le mépris des usages établis`` (Quillet 1965). Maison de bohème. ,,Maison où il n'y a ni ordre ni règle`` (Ac. 1835-1932); (cf. Bourges, Le Crépuscule des dieux, 1884, p. 54).
− Emploi adj. Allures bohèmes, existence bohème, façon(s) bohème(s) :
8. ... les négligences du costume entraînent toujours, même chez les hommes supérieurs, une négligence des sentiments qui complète le caractère bohème, toujours ambigu même dans la joie ou la tristesse marquées. Alain, Système des beaux-arts, 1920, p. 66.
SYNT. Clan, phalanstère bohème (Murger, Scènes de la vie de bohème, 1851, p. 45, 131) ; ménages bohèmes (Id., ibid., p. 173).
2. Emploi subst. fém. La bohème.
a) Ensemble des personnes, artistes, des intellectuels qui mènent une vie sans règles, hors des cadres sociaux. Basse, haute bohème ; la bohème artistique et littéraire, la bohème étudiante. La Bohème galante, titre d'une oeuvre de G. de Nerval :
9. Jean-Jacques ne fut du moins ni escroc, ni voleur, ni entremetteur, mais il prit assez aisément les moeurs de la bohème où il tombait et il lui arriva pire que de vivre en dépit de l'esprit qu'il avait : ... Guéhenno, Jean-Jacques, En marge des « Confessions », 1948, p. 153.
10. Il ne faut pas, à force de se mettre en garde contre la bohême, s'abstenir de toute littérature actuelle et vivante. Sainte-Beuve (ds Lar. 19e, 1866).
− P. métaph. Pour désigner un groupe désordonné d'animaux errants Une bohème de papillons (cf. achillée ex. 4).
b) P. méton. Cette vie même. S'enfoncer de plus en plus dans la bohème (Lar. encyclop.).
− Littér. Vagabondage :
11. ... enfin dans une soirée minutieuse, cet analyste s'abandonnant à la bohème de son esprit et de son coeur : ... Barrès, Sous l'oeil des Barbares, 1888, p. 55.
3. 1659 « homme qui mène une vie sans règle » (Tallemant des Reaux, Historiettes, Paris, éd. Adam-Delassault, t. 2, 1961, p. 503 cité par R. Arveiller dans Mél. Gamillscheg, 1968, p. 28 : il vivoit un peu en Boheme) (tlfi:bohème)
- Ce mot [est] vieux, comme la misère et le vagabondage. Ce n'est pas à Saint-Simon seulement qu'ils remontent, puisque avant le filleul de Louis XIV, madame de Sévigné s'en était déjà servie. Mais ils avaient disparu de la littérature : c'est Balzac qui les a ressuscités, et, après Balzac, Henri Mürger – dont ils ont fait la réputation. (Delvau1866)
- DEL cite définition de Murger : La Bohème n'a rien et vit de ce qu'elle a. (DEL)
- ASS écrit : Dans ce temps-là on les appelait : bohèmes ; épithète dont le sens serait assez difficile à expliquer, si on ne pouvait l'entendre de l'isolement qui se fait forcément autour des gens qui ne se soucient que de ce dont les autres ne veulent pas. Autrement, si l'on s'en rapportait à l'acception vulgaire qui signifie par de ce mot de bohèmes, des vagabonds, des parasites et des gens sans aveu (…)