QUÉMANDER, verbe
A. Empl. intrans., vx. Mendier, demander l'aumône. Son industrie (...) de quémander et chercher sa misérable vie par voies et par chemins (GAUTIER, Fracasse, 1863, p. 369).
B. Empl. trans. Demander quelque chose avec insistance, souvent d'une manière importune et peu digne. Synon. mendier, réclamer, solliciter, implorer. Ne pensez-vous pas (...) qu'il est plus sûr d'être fidèle à ces préceptes divins que de quémander, comme vous le faites, la publicité de ces agences de prostitution et de blasphème, connues sous le nom de journaux, ou d'implorer le secours des gens du monde (BLOY, Journal, 1894, p. 136). Les émigrés publiquement, Louis XVI secrètement suppliaient les rois de passer aux actes. À Turin, le comte d'Artois avait imploré le roi de Sardaigne et envoyé le comte de Vaudreuil à Rome et à Madrid; en mai 1791, il sollicita Léopold II à Mantoue. Quémandant avant tout des subsides, il réclamait aussi une intervention militaire pour soutenir les insurrections fomentées dans le Midi (LEFEBVRE, Révol. fr., 1963, p. 214).
Absol. Elle est nette, elle a du caractère, elle est désintéressée, elle ne quémande pas (MONTHERL., Celles qu'on prend, 1950, I, 2, p. 781) :
Un ouvrier de ce temps-là ne savait pas ce que c'est que quémander. C'est la bourgeoisie qui quémande. C'est la bourgeoisie qui, les faisant bourgeois, leur a appris à quémander. Aujourd'hui dans cette insolence même et dans cette brutalité, dans cette sorte d'incohérence qu'ils apportent à leurs revendications il est très facile de sentir cette honte sourde, d'être forcés de demander, d'avoir été amenés, par l'événement de l'histoire économique, à quémander. Ah oui ils demandent quelque chose à quelqu'un, à présent. Ils demandent même tout à tout le monde. Exiger, c'est encore demander. C'est encore servir.
PÉGUY, Argent, 1913, p. 1105.
[P. méton.; le suj. désigne le regard, la voix, le geste] Exprimer le désir d'obtenir quelque chose de façon humble et pressante. Elle riait. Ses yeux quémandèrent de l'amour (ADAM, Enf. Aust., 1902, p. 331).
Absol. L'Agnus Dei, évoquant l'idée d'une prière d'enfant, avec sa mélodie ingénue qui quémande au Seigneur, en câlinant (HUYSMANS, Oblat, t. 1, 1903, p. 69). Des yeux émane la pensée qui captive; la bouche quémande, menace ou sourit; le menton souligne l'effort (M. BOURGAT, Techn. danse, 1959, p. 75).
REM. Quémande, subst. fém., rare. Synon. de quémandage (infra dér.). Après qu'à force d'intrigues, de démarches, de quémandes, elle fut parvenue à l'installer académicien [son mari], elle se sentit prise d'une certaine vénération (A. DAUDET, Immortel, 1888, p. 31).
Prononc. et Orth.: [], (il) quémande []. Ac. 1694, 1718 : caimander ; 1740, 1762 : cai-, que-; 1798-1835 : qué-, cai-, id. ds LITTRÉ ; Ac. dep. 1878 : qué-, id. ds ROB., Lar. Lang. fr.. Étymol. et Hist. 1413 caymander (Ord. de Charles VI ds Ord. des Rois de Fr., t. 10, p. 139) ; 1582 quémander (La Muse chrestienne, 154b ds Rom. Forsch. t. 32, p. 140). Dér. de l'a. fr. caïmant « mendiant » att. dep. la fin du XIVe s. (1390, Registre criminel du Châtelet, t. 1, p. 451: quaymant) bien att. jusqu'au déb. du XVIIe s. (v. GDF., HUG.), mot trisyllabique (cf. les attest. de Charles d'Orléans et de la Geste des Nobles Francoys données par LITTRÉ, s.v. quémand) d'orig. inc. Fréq. abs. littér.: 54.
BBG. DAUZAT Ling. fr. 1946, p. 292. JESSEN (H.). Pragmatische Aspekte lexikalischer Semantik. Tübingen, 1979, pp. 151-152. (tlfi:quémander)