CHIQUER, verbe trans.
A.− Vx, arg. Manger ou boire avec gloutonnerie :
1. ... le couple invité par charité à manger par Daudet, le couple arrivant décharné, avec des trous dans les joues, et après avoir chiqué comme des Limousins, s'en allant remplumé avec de la chair comme soufflée sur la figure. E. et J. de Goncourt, Journal, 1888, p. 739.
− Chiquer les légumes, la légume. Faire un bon repas :
2. − (...) Allons, Finot, à table ! Chiquons les légumes ! Sablons le champagne au succès de notre jeune ami ! Balzac, César Birotteau, 1837, p. 182.
3. − Tous ces poilus-là, ça n'emporte pas son couvert et son quart, pour manger sur le pouce. I'leur faut ses aises. I's préfèr't mieux aller s'installer chez une mouquère de l'endroit, à une table exprès pour eux, pour chiquer la légume, et la rombière leur carre dans son buffet leur vaisselle, leurs boîtes de conserves et tout leur bordel pour le bec, enfin, les avantages de la richesse et de la paix dans ce sacré nom de Dieu d'arrière ! Barbusse, Le Feu, 1916, p. 124.
− Dans des expr. fig. :
4. ... pour lors, voilà qu'un jour, on fait monter les noirauds pour chiquer leur ration d'air et de soleil... Sue, Atar Gull, 1831, p. 20.
− Se chiquer. S'enivrer (Esn. 1966). Chiquer qqn. L'enivrer (Pierreh. Suppl. 1926).
Prononc. et Orth. : [ʃike], (je) chique [ʃik]. Ds Ac. 1835-1932. Étymol. et Hist. 1. 1792 « mâcher des feuilles de tabac » (Romme, Dict. de la marine, 161 ds Fr. mod., t. 25, 1957, p. 308b) ; 2. 1798 pop. « prendre un repas » (d'apr. Esn.) ; 1807 « manger » (Michel, Dict. des expressions vicieuses, p. 4). Dér. de la racine onomatopéique *tšikk- exprimant le bruit que fait celui qui mâche (FEW t. 13, 2, p. 371). Fréq. abs. littér. : 26. Bbg. Mat. Louis-Philippe 1951, p. 92, 99; p. 251 (s.v. chiqueur). − Sain. Lang. par. 1920, p. 177. − Sain. Sources t. 3, 1972 [1930], p. 29. (tlfi:chiquer)