TARTUF(F)E,(TARTUFE, TARTUFFE), subst. masc. et adj.
I. − Subst. masc.
A. − Vieilli, fam. [P. réf. au personnage qui donne son nom à la comédie de Molière] Personnage qui, sous couvert de religion, affecte une dévotion et une vertu profondes, dans le but de séduire son entourage et d'en tirer profit. Les dévots n'existent plus. Il n'y a aujourd'hui que des imbéciles ou des tartufes (Sand, Corresp., t. 5, 1868, p. 262).
B. − Personnage pétri d'hypocrisie. Nous avons bien encore par-ci par-là quelques tartufes, mais dans le monde, le nôtre, la religion n'en fait plus, c'est un masque qu'elle a laissé à la politique (Bayard, Mari camp., 1844, III, 8, p. 515).
C. − Tartufe de + subst. indiquant le domaine. Tartufe de moeurs (Ac. 1835, 1878). Il aperçut l'honnête M. Balland, tartufe d'honnêteté (Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p. 256). Tous ces tartuffes de patriotisme, tous ces Pharisiens(...), tous ces gens qui disent : Il n'y a que nous de purs (Desmoulins ds Vx Cordelier, 1793-94, p. 229).
II. − Adj., littér.
1. Hypocrite. Elle savait de longue main à quoi s'en tenir sur Lebeau, ce valet tartufe (A. Daudet, Rois en exil, 1879, p. 192). [Jaurès] avait, au temps des fiches, qualifié euphémiquement la délation de « contrôle civique », ce qui était un peu bien tartufe (L. Daudet, Brév. journ., 1936, p. 126).
2. Qui appartient à un tartufe ; qui en est l'expression. Un petit ton tartufe (Balzac, Lettres Étr., t. 2, 1844, p. 279). 1er vendredi. Posé les deux leçons suivantes : l'art tartuffe et l'équilibre vers 1700 ? (Michelet, Journal, 1844, p. 547).
Prononc. et Orth. : [taʀtyf]. Ac. dep. 1694 : tartufe (id. ds Littré). Étymol. et Hist. a) 1609 péj. (A. Fusy, Le Mastigophore, p. 62 : Tu n'es qu'une [sic] tartuffe, qu'un butor, qu'un hapelourde) ; b) 1665 Tartuphe « hypocrite » (Robinet, in Les Continuateurs de Loret, t. 1, p. 378 ds Fonds Barbier : N'as-tu point de ces bons Artuphes (C'est qu'il vouloit dire Tartuphes) Qui font tant de bruit depuis peu, Et comme on dit sont tout à Dieu, Exceptez en le corps et l'âme) ; id. tartuffe (De Rochemont, Observations sur une comédie de Molière, intitulée Le Festin de Pierre, pp. 10-11). Empr. à l'ital. tartufo, att. dans un sens péj. (peut-être « trompeur, imposteur », cf. FEW t. 13, 1, p. 126b) dep. 1606 (G. Della Porta, Lo Astrologo, IV, 7 d'apr. M. Diot ds St. neophilol. t. 48, p. 221, où dans « Sei un tartufo », le mot est un qualificatif attribué à un personnage traité ant. de cavallo, bue, asino), issu p. métaph. de tartufo « truffe », du lat. pop. *terrae tufer « id. » où *tufer représente la forme osco-ombrienne du lat. tuber. Cf. ital. truffa « truffe », puis « plaisanterie » et « tromperie » (DEI), et fr. truffe* qui subit la même évol. en a. et m. fr. (FEW t. 13, 2, p. 385a). Au vu de l'attest. 1609 supra, Molière n'a pas inventé le nom de Tartuffe, mais c'est sa comédie (représentée pour la 1re fois en 1664) qui est à l'orig. de la diffusion du mot dans la lang. cour. Fréq. abs. littér.: 55. (tlfi:tartufe)