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Texte de la version donnée dans l'édition Ligou de Raspail 1835, pp. 293-294.
Esnault (Gaston). Les lois de l'argot écrit : « Quant à la chanson de 1835 reproduite par Raspail, locutions académiques, inversions du complément de nom, subjonctifs imparfaits, si tant est qu'on l'ait chantée à la Force, elle pue son origine lettrée ; et, quoiqu'elle ait des mots que ne donne pas Granval, nous pouvons supposer qu'elle l'a froidement mis à profit. »
LE GOUÊPEUR ET LE VOLEUR
Chanson dialoguée
LE GOUÊPEUR.
Sans paffs, sans lime, plein de crotte,
Aussi rupin qu'un plongeur,
Un soir, un gouêpeur en ribotte
Tombe en frime avec un voleur :
Eh bien ! lui dit-il d'un ton aigre,
Payes-tu le canon de rigueur ?
–Un canon ! lui répond le pègre,
Fais-toi voleur. (bis.)
LE VOLEUR.
Comme moi, gagne de la pièce ;
Tu pourras picter des canons,
Et, sans aller fumer sans cesse,
Te lâcher le fin rigodon.
Ne crains pas le pré, que je brave,
Car de la bride je n'ai pas peur.
Dans une tôle enquille en brave,
Fais-toi voleur. (bis.)
LE GOUÊPEUR.
Quoi ! tu voudrais que je grinchisse,
Sans tracquer de tomber au plan ?
J'doute qu'à grinchir on s'enrichisse ;
J'aime mieux gouêper, c'est du flan !
Viens donc remoucher nos domaines,
De nos fours goûter la chaleur.
Crois-moi, balance tes halènes ;
Fais-toi gouêpeur. (bis.)
LE VOLEUR.
Moi, je suis toujours de la fête ;
J'ai toujours bogue et bon radin.
Partout je peux lever la tête
En manteau je me lâche du jardin.
Souvent dans ma proute si je tracque,
Si j'éprouve quelque malheur,
Je me console avec ma largue.
Fais-toi voleur. (bis.)
LE GOUÊPEUR.
D'être pègre tu te fais gloire ;
Mais tu ne sais pas, hélas !
Qu'au pré finira ton histoire,
Et que là l'on n'y fait plus pallas.
Content de sorguer sur la dure,
Va, de la bride je n'ai plus peur.
Ta destinée est trop peu sûre :
Fais-toi gouêpeur. (bis.)
Quand frappent dix plombes sans crosser,
Je rapplique au flacus qui m'attend.
LE VOLEUR.
Et moi, à petites journées,
Chez Dufour je rabats à l'instant.
LE GOUÊPEUR.
Du grand prévôt j'crains la chicane :
Adieu, pègre adieu ; du bonheur !
LE VOLEUR.
Va, crois-moi, balance ta canne ;
Fais-toi voleur. (bis.)
Images de la version donnée dans Vidocq 1836, pp. xxj-xxiv. (gallica)
Texte de la version donnée dans Chenu (Adolphe). Les Malfaiteurs, pp. 33-34. Elle est citée par le narrateur, qui écrit ses souvenirs (inventés?) de prisonnier politique mis au contact des criminels. (Entre parenthèses sont les traductions de mots argotiques mises en notes de bas de page dans le texte).
Avril, profondément irrité, eut une inspiration soudaine ; se rappelant une chanson inédite de Lacenaire, son complice, il jugea opportun de l'entonner pour se venger de Filendèche et égayer le dessert ; en voici deux couplets ; ils se chantaient sur l'air d'une romance alors en vogue : « Fais-toi berger, fais-toi soldat. »
PREMIER COUPLET
Sans passif, tirant (Sans souliers et sans bottes), plein de crotte,
Quasi rupin (Vêtu misérablement) comme un plongeur,
Un jour un goîppeur en ribotte
Tombe en frime (Face à face) avec un voleur.
Quoi donc ! lui dit-il d'un ton aigre,
Billes-tu le canon d'rigueur (Payes-tu à boire) ?
–Un canon, lui répond le pègre (Le voleur) ;
Fais-toi voleur, fais-toi voleur ! (bis)
DEUXIÈME COUPLET
Quoi ! tu voudrais que je grinchisse (Que je vole)
Sans traquer de tomber au plan (Sans crainte d'aller en prison) !
J'doute qu'à grinchir l'on s'enrichisse ;
J'aime mieux goîpper (Vagabonder), c'est du flan (C'est meilleur).
Viens donc remouquer nos domaines (Visiter les lieux où se rassemblent les gens sans aveu),
De nos fours goûter la chaleur :
Crois-moi, balance tes alènes (Jette tes instruments),
Fais-toi goîppeur, fais-toi goîppeur ! (bis)
Le troisième couplet, dont les paroles m'échappent, concluait en faveur du voleur, ce qui lui valut l'honneur d'être bissé.
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