MADRÉ, -ÉE, adj.
B. − Au fig. [En parlant d'une pers.] Rusé sous des apparences de bonhomie, de simplicité. Synon. matois, retors. Le grand industriel avait en lui tant de ressources ingénieuses, ce diable d'homme se sentait si retors, si madré, qu'il ne désespérait pas d'en venir à ses fins (Sandeau, Sacs, 1851, p. 35). [Loiseau] passait parmi ses connaissances et ses amis pour un fripon madré, un vrai normand plein de ruses et de jovialité (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Boule de suif, 1880, p. 120). [Il] ressemblait à un notaire, bon vivant et pieux. Mais l'oeil, vif, fourbe, démentait cette mine joviale et confite ; on devinait dans ce regard un homme d'affaires intrigant et madré, capable, sous ses abords mielleux, d'un mauvais coup (Huysmans, Là-bas, t. 2, 1891, p. 29).
− [P. méton.] L'esprit madré de Scapin (Gautier, Fracasse, 1863, p. 356). L'éloquence madrée de Giovanni ne laissa pas que de produire effet sur l'esprit de dame Gualdrada (Milosz, Amour. initiation, 1910, p. 42).
− Emploi subst. Vinoy, c'est un madré : je crois qu'il ne va rien faire... qu'il va faire le gendarme ! (Goncourt, Journal, 1871, p. 728). Malgré que la madrée affectât souvent de se reporter au temps de ses amours avec Benjamin, j'avais toujours quelque doute sur la sincérité de ses regrets (Milosz, Amour. initiation, 1910, p. 110).
Rem. On relève un emploi s'appliquant à des animaux : Dans une courette, de superbes corbeaux en cage. Leur long bec sagace, leur oeil madré donnent à réfléchir ; ils ont l'air d'en savoir beaucoup plus long qu'on ne pourrait le supposer (Green, Journal, 1935, p 26).
Prononc. et Orth. : [madʀe], [mɑ-]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 2. a) 1591 « qui est malin, rusé » (L'Estoile d'apr. Dauzat 1938, Suppl. chronologique) ; b) 1664 subst. « malin, rusé » (Chevalier, Amour de Calotin, II, 2 ds Brunot t. 4, p. 258). Dér. de madre* ; suff. -é*. Sens 2, p. compar. de l'aspect varié du bois madré avec la variété des ressources d'un esprit rusé. (tlfi:madré)