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L'ASSOMMOIR DE BELLEVILLE
Chanson recueillie par feu A. Loynel.
Air des Moissonneurs.
Bifins1, qui n'avez que dix rades2,
J'vas vous montrer un chouett'3 courant,
Pour abreuver les camarades,
Au plus bas blot4, c'est délirant !
Quand vot' gonzess'5 vous entortille,
Filez à gauch' de la Courtille,
Vous payer un coup d'arrosoir,
À l'Assommoir.
Faut pas blaguer, le trèpe est batte6,
Dans c' taudion7, i's'trouve des rupins8 ;
Si queuqu's gonziers9 traîn'nt la savate,
J'en ai r'bouissé10 qu'ont d's escarpins.
Pour lâcher d'un cran l' genr' canaille,
Il n'leur manque que des gants de paille,
Mais on n'est pas t'nu d'en avoir
À l'Assommoir.
Les meness's11 aboul'nt12 par douzaines,
R'nifler leur petit fad'13 d'eau d' af14.
Si leur chass's15 coul'nt comm' des fontaines,
Un' chopin' ne leur coll' pas l' taf16 :
Des fois, quand l'temp s'tourne à la lance17,
C'est épatant18 comm' tout ça danse...
V'là l'coup dur du matin au soir,
À l'Assommoir.
J'en r'mouch's19 qui fris'nt pas mal leur naze20
À caus' des propos incongrus
Qu'mon chiffon21, qui n'aime pas le gaze,
Leur lâche en mots un peu trop crus :
C'est qu'j'ai fait, foi d' Fanfan Chaloupe !
Mes études au Camp de la Loupe22 :
Aussi j' conobr'23 c'qu'on doit savoir
À l'Assommoir.
Un tas d' bibons à douilles blanches24,
Sitôt qu'ils ont du carm'25 de trop,
N'attend'nt pas les fêt's et dimanches
Pour y pincer leur coup d'sirop.
Après tout, moi, je les excuse,
Faut bien qu'la vieillesse s'amuse ;
Ell' tient si proprement l' crachoir26
À l'Assommoir.
Comm' je ne fais pas fi d'la lichance27,
J'me pouss' que'qu'fois de c'côté là !
Un courant d'air, pas plus que ça de chance,
J'visit' les amunch's28, et voilà...
Ces gens qu'd'aucuns trait'nt de crapule,
Moi, j'trinque avec eux sans scrupule :
On est égal d'vant l'abreuvoir
De l'Assommoir.
Le texte (notes comprises) est donné d'après G. D’Heylli, La Gazette anecdotique, 15 mars 1878, pp. 140-142. Il semble que la version originale donne, non des notes, mais une version complète en français courant.
1 Chiffonniers. ⇑
2 Sous. ⇑
3 Bon. ⇑
4 Prix. ⇑
5 Femme. ⇑
6 Le public est soigné. ⇑
7 Cet endroit. ⇑
8 Hommes comme il faut. ⇑
9 Particuliers. ⇑
10 Remarqué. ⇑
11 Femmes. ⇑
12 Arrivent. ⇑
13 Part. ⇑
14 D'eau-de-vie. ⇑
15 Yeux. ⇑
16 La peur. ⇑
17 La pluie. ⇑
18 Étonnant. ⇑
19 J'en vois. ⇑
20 Nez. ⇑
21 Langue. ⇑
22 Camp des fainéants. ⇑
23 Je connais. ⇑
24 Vieillards à cheveux blancs. ⇑
25 De l'argent. ⇑
26 La conversation. ⇑
27 Boisson. ⇑
28 Amis. ⇑
Cf. GL.
« Edmond Lepelletier (repris par Deffoux et Zévaès) parle d’une chanson intitulée L’Assommoir de Belleville qu’il attribue à Charles Colmance, mais il ne donne aucune source vérifiable. Cette chanson ne se trouve pas dans les œuvres complètes de Colmance et Denis Poulot ne la mentionne pas dans Le Sublime alors qu’il dédie tout un chapitre à Colmance et consacre plusieurs pages aux assommoirs. Le couplet que publie Lepelletier est une copie (sauf pour la première ligne) du troisième couplet d’une chanson de sept couplets, intitulée Le Pochard, signée par Neveux père et publiée dans Dumersan (1866). Voici les deux couplets en question :
(Dumersan & Ségur, 1866) L’autre jour, à la Courtille, Au vin à six sous, A propos d'un’ petit’ fille, J'ai zévu des coups. J'en ai-t'y r'çu un terrible Dans mon pauvr' pétard, On n' m'appell' plus l'invincible. Ah ! j' suis-t’y pochard. | (Lepelletier, 1908) A l'Assommoir de Bell'ville, Au vin à six sous, A propos d'une petite fille, J'ai z'evu des coups. J'en ai-t'y r'çu un’ terrible Dans mon pauv' pétard... On n' m'appell' pus l'invincible, Ah ! j' suis-t-y pochard ! |
Apparemment, Lepelletier 1) ne connaît pas la chanson de Loynel et 2) ne sait pas que le couplet qu’il publie est emprunté à une chanson qui ne mentionne ni assommoir ni Belleville. Il paraît donc certain qu’il n’existait qu’une seule chanson intitulée L’Assommoir de Belleville, celle de Loynel authentifiée par Francisque-Michel, E. Baillet et H. Avenel. » (Source : FM, Les assommoirs avant et après l'Assommoir, 2011)
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