BakaGaijin a écrit :
Je pensais au choix guidé. Sur un thème ou un genre, proposer 3 ou 4 livres de différent auteur...
Et puis ne sommes-nous pas toujours plus ou moins guidés lors de nos choix, que ce soit par un 4e de couverture, un libraire, un article, un ami, etc.
Excellente idée ! d'ailleurs, c'est souvent ce que nous faisons déjà... ;-)
BakaGaijin a écrit :
Peut-être faudrait-il réfléchir à la manière dont on aborde ces textes avec ces élèves, aux clefs qu'on pourrait leur donner pour qu'ils puissent les apprécier.
Tout cela est en débat depuis plus de quarante ans. Dans la pratique, chacun procède selon sa théorie de la littérature, du savoir (en particulier de l'herméneutique littéraire) et de l'élève... Ces théories sont, bien entendu, d'autant plus prégnantes qu'elles sont inconscientes. Par exemple, on trouve dans tous les manuels et donc dans beaucoup de cours l'idée, éminemment discutable, que le lyrisme est, je cite, « l'expression des sentiments personnels de l'auteur ». En vertu de ce principe, toute la poésie lyrique française devient un déversoir sentimental et affectif qui aurait peut-être écœuré Musset lui-même...
BakaGaijin a écrit :
Peut-être mieux choisir l'âge et le niveau où il convient de proposer tel ou tel auteur
C'est le bon sens même ! mais comment faire ? Tel élève comprendra l'essentiel de Montaigne à 15 ans, quand tel autre ne pourra toujours pas lire Un cœur simple à 20... ou à 40 ! L'idée qu'une œuvre devrait être lue à un âge donné est extrêmement relative, pour le moins. La plupart des œuvres que nous rangeons dans la littérature pour la jeunesse (les Fables, les Contes de Perrault, Robinson Crusoë, les Voyages de Gulliver, Sa Majesté des mouches...) n'ont absolument pas été écrites pour les enfants.
Faire lire Phèdre à 14 ou 15 ans, comme autrefois l'imposaient les programmes du collège (une pièce de Molière, une pièce de Racine, une pièce de Corneille par an, de la 6e à la 3e) peut paraître absurde car les enfants ne savent rien ou presque de la passion à cet âge ; mais le fait d'avoir abordé ces grands classiques précocement assurait une première imprégnation, une première strate, si vous voulez, sur laquelle leur culture pouvait se fonder. Nous aborderions les Fables tout autrement si nous n'avions pas appris les premières à l'école.
En outre, cela contribue à élaborer une culture commune, sans laquelle je crains que le dialogue social soit rendu..., comment dire ? difficile ?
BakaGaijin a écrit :
et, pourquoi pas, réintroduire l'enseignement du français en classe Terminale.
Encore une excellente idée ! Je vote pour. Quand écrivez-vous à l'Inspection générale des Lettres ?
BakaGaijin a écrit :
Ça me fait penser à un article de Julian Barnes dans le Guardian (traduit dans le Courrier International de cette semaine) où il dit à propos de Le Grand Meaulnes :
[...] comme si à l'âge adulte nous en savions trop pour nous laisser happer par le charme de l'ouvrage. C'est pourtant une erreur. « Le plus grand roman de l'adolescence de la littérature européenne », dixit John Fowles, ne peut être appréhendé que de manière tronquée par les adolescents, qui ignorent encore tout ce qu'ils vont perdre avec l'âge.
Les Britanniques lisent ce livre généralement plus tard que les Français. Pour ma part, j'ai attendu d'approcher la quarantaine pour m'y atteler. [...] J'imaginais une histoire sentimentale sur fond de terroir et pensais, à tort que j'étais trop vieux pour ce genre de choses. En fait, j'étais surtout trop jeune.
Cher Julian Barnes ! Cher humour et chère simplicité britanniques !
N'y a-t-il pas des livres que l'on attend toute sa vie, parfois en vain ? J'ai un ami qui n'a jamais pu finir Au-dessous du volcan... Moi, ce sont les pamphlets de Céline que je n'ai jamais pu finir.
BakaGaijin a écrit :
Les profs de français avaient donné certaines clés, Madame Bovary avait fait scandale, Le Rouge et Le Noir est inspiré de faits réels, etc.
Pauvres clés, si je puis me permettre... et puis, comme l'écrivait Gracq : « Psychanalyse littéraire-critique thématique-métaphores obsédantes, etc... Que dire à ces gens qui croyant posséder une clef, n'ont de cesse qu'ils aient disposé votre œuvre en forme de serrure ? ».
BakaGaijin a écrit :
mais quand le sujet ne nous intéresse pas...
Je vois au moins trois raisons différentes de s'intéresser à un roman :
1. le « sujet » (et je suppose que vous voulez surtout dire l'histoire) ;
2. la conduite du récit (par exemple l'ironie de Voltaire (Candide) ou de Montesquieu (les Lettres persanes) ; l'humour de Sterne (Tristram Shandy), Fielding (Tom Jones) ou Diderot (Jacques le Fataliste...) ;
3. le style (Flaubert, les Goncourt, Huysmans, Proust, Joyce, Céline...) — ce qui ne veut évidemment pas dire que les précédemment cités n'en ont pas, de style !
On n'accède pas toujours aux trois dimensions. Les écrivains fin-de-siècle « œuvraient » et lisaient surtout, pour ne pas dire essentiellement, au troisième niveau, le seul vraiment intéressant à leurs yeux.
BakaGaijin a écrit :
Pour la terminale, les cours de philo suffisent largement
Pas sûr d'avoir compris, là ; mais la littérature est parfois bien plus philosophique que la philosophie, n'est-ce pas ? Heureusement pour les deux d'ailleurs...