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forum abclf » Réflexions linguistiques » Aussi metté-je... (énigme Balzac # 11)

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Messages [ 5 ]

Sujet : Aussi metté-je... (énigme Balzac # 11)

Bonsoir à toutes et tous !

Cette fois, j'ai même deux jolies questions qui bourdonnent à mes oreilles.

- As-tu donc, comme ta patronne, un noble et terrible conspirateur qui t'aime et sache mourir pour toi ? dit vivement Émile, réveillé par cette apparence de poésie.
- Je l'ai eu, répondit-elle. Mais la guillotine a été ma rivale. Aussi metté-je toujours quelques chiffons rouges dans ma parure pour que ma joie n'aille jamais trop loin.

Honoré de Balzac, La Peau de Chagrin, p. 102 s. - vous voyez, j'avance dans la lecture... lol

Alors, premièrement, je n'arrive pas à expliquer à moi-même l'emploi du subjonctif dans Aussi metté-je (c'est bien le subjonctif, n'est-ce pas ???)

Deuxièmement, pourquoi est-ce qu'on utilise souvent l'inversion quand aussi est en tête de la phrase ? (On a déjà traité l'inversion avec "...é-je" dans un autre sujet mais je ne le retrouve plus...)

Un grand merci si vous pouvez me répondre !

Ceci devient vraiment insignifiant. - Pas encore assez.

2 Dernière modification par PP (28-03-2006 14:20:59)

Re : Aussi metté-je... (énigme Balzac # 11)

Bonjour,

Les spécialistes me reprendront si je dis une ânerie, mais je crois qu'il s'agit d'un simple présent de l'indicatif. Ce qui le rend méconnaissable, c'est la transformation qu'il subit pour des raisons d'euphonie car il est placé avant le "je". La postposition du sujet (je) est ici appelée par la tournure "Aussi..." (par exemple "Aussi aimé-je à répondre sans savoir." wink ). Elle se remarque généralement par l'accent aigu sur le é final. Visiblement, avec un verbe comme mettre, on gagne aussi un "t" supplémentaire au passage, l'euphonie ne voulant se contenter d'un simple "mets-je".

On pourrait réécrire la phrase ainsi : "C'est pourquoi je mets toujours quelques chiffons rouges dans ma parure pour que ma joie n'aille jamais trop loin."

PS : Je m'aperçois que je n'ai pas répondu à la deuxième question. Je laisse la parole aux experts.

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Re : Aussi metté-je... (énigme Balzac # 11)

Andreas a écrit:

On a déjà traité l'inversion avec "...é-je" dans un autre sujet mais je ne le retrouve plus

voir ici : http://www.languefrancaise.net/forum/vi … hp?id=2101

Sur l'inversion, d'après Hanse-Blampain, que je pille sans vergogne :

Après aussi (dans le sens de: c'est pourquoi; mais non après c'est pourquoi), aussi bien, à peine ( à peine ), au moins, à tout le moins, du moins ( au moins ), encore, au sens restrictif, et encore, mais encore (même sens), à plus forte raison, en vain, vainement, peut-être (non suivi de que), tout au plus, sans doute (non suivi de que), l'inversion de ce, on ou du pronom personnel sujet est habituelle, sans être obligatoire sauf après encore et tout au plus (où d'ailleurs elle est constante)

Pourquoi, hum, ce serait bien une histoire de syntaxte et je passe mon tour smile Disons qu'ici, elle n'était pas obligatoire. Balzac aurait pu écrire : «Aussi, j'ai toujours mis quelques chiffons rouges dans ma parure pour que ma joie n'aille jamais trop loin».

Re : Aussi metté-je... (énigme Balzac # 11)

Merci beaucoup smile

Ceci devient vraiment insignifiant. - Pas encore assez.

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Re : Aussi metté-je... (énigme Balzac # 11)

Andreas a écrit :

Alors, premièrement, je n'arrive pas à expliquer à moi-même l'emploi du subjonctif dans Aussi metté-je (c'est bien le subjonctif, n'est-ce pas?)

Je ne pense pas qu’il s’agisse ici du subjonctif mette. Ce type de construction commençant par aussi ne peut pas, je crois, être suivi d’un subjonctif présent (il peut l’être par un conditionnel ou par un subjonctif imparfait), et donc, si mon affirmation est exacte, ce metté-je ne peut être qu’un indicatif présent. Étant donné que l’indicatif première personne du verbe mettre est normalement je mets, comment peut-on arriver à la forme metté-je, étant donné également que des inversions de type chanté-je etc. ne peuvent résulter que du remplacement par é d’un e muet terminant la première personne du singulier, e muet qui, dans le cas de je mets, n’est pas présent? Metté-je apparaît donc comme une forme tout à fait aberrante!

Heureusement, Grevisse nous éclaire à ce sujet:

709. À la 1re personne du singulier de l'indicatif présent, l'inversion du sujet je, pronom atone, produit des locutions que l'usage n'admet pas en général, surtout quand il s'agit de monosyllabes. Ainsi on ne dira pas: Cours-je? Prends-je? Sors-je? Romps-je? Mens-je? Pars-je? etc.
On évite ces formes en recourant à la périphrase est-ce que: est-ce que je cours? est-ce que je prends? etc., ou à quelque autre tour: Croyez-vous que je prenne ? Me voit-on courir? etc.
Toutefois I'usage admet l'inversion de je après quelques verbes très usités: ai-je? Dis-je? Dois-je? Fais-je? Puis-je? (voir § 674,12) Suis-je? Sais-je? Vais-je ? Vois-je? Veux-tu? etc. :
Qu'est-ce que j'aime en Syrie et qu'y veux-je rejoindre? (M. BARRÈS, Un Jardin sur l’Oronte, p. 7.) - Viens-je à temps ? (A. GIDE, Le Retour de l'Enfant prodigue, p. 151.) - Oui, oui, réponds-je (R. BENJAMIN, Aliborons et Démagogues, p. 50). - Encore une cave ! ne pus-je m'empêcher de dire (G. DUHAMEL, Cri des profondeurs, p. 192).

Hist. - Autrefois, dans la langue parlée surtout, des formes comme mens-je? tends-je ? etc., ont pu, sous I'influence de aimé-je, donné-je, etc., être remplacées par menté-je ? tendé-je ? etc. : Que ne perdé-je point! (Mme de GRIGNAN, dans Sév., Gr. Écr., t. X, p. 387.) - Cela se rencontre parfois encore de nos jours: Aussi metté-¬je toujours quelques chiffons rouges dans ma parure (BALZAC, La Peau de chagrin, p. 86). - Que voulé-je faire d'elle ? (J. GIRAUDOUX, Judith, p. 14.) - Ai-je cousu, cousé-je, coudrai-je dans du cuir ? (COLETTE, Le Fanal bleu, p. 28). - «Dans le cas d'une crise suscitée par les Soviets», écrivé-je à Kennedy ... (Ch. de GAULLE, Mémoires d'espoir, p. 272). - Aussi écrivé-je un roman aérien (R. QUENEAU, Le Vol d'Icare, p. 53).

Vous aurez noté, cher Andreas, que Grevisse cite le même passage de la Peau de chagrin que vous.

Je ne sais pas si vous le savez déjà: l’oeuvre de Balzac a été mise en ligne intégralement sur ce site de l’ARTFL:

http://www.v1.paris.fr/musees/balzac/fu … tation.htm

Outre les oeuvres, le site contient une foule de renseignements bibliographiques et biographiques, et toute une série de «fiches de lecture», sans oublier la fonction de recherche (vaut le détour!).

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