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forum abclf » Réflexions linguistiques » L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

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Messages [ 1 à 50 sur 78 ]

Sujet : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

Pourquoi l'apocope est tellement utilisée dans la langue française ?

Pourquoi "couper la queue" aux mots si souvent ?

Le français est une langue tellement belle...

pourquoi dire "Math" et non "Mathématique"?
pourquoi dire "Appart" et non "Appartement" ?
pourquoi dire "Ciné" et non "Cinéma" ?

J'aimerais bien votre avis smile

Signé : Mario, un étranger en France

Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

Le français apocope et sigle (DSK, NKM, JPP, VTT, etc.), je ne sais pas pourquoi. Mais si vous voulez une liste allez donc consulter ce fil (on en reparlait justement ce soir), il vous en donnera un bel échantillonnage (seulement les apocopes en o).

https://lewebpedagogique.com/famillesdemots/files/2021/10/Les-doublets-en-fran%C3%A7ais.pdf

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Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

Merci Éponymie pour ta réponse smile

Je sais bien ça... les sigles sont aussi un mystère pour moi... pourquoi autant de sigles ?

Cela donne presque l'impression que les français n'aiment pas parler leur propre langue... je ne pense pas du tout que soit comme ça... mais... la question reste la même : pourquoi ?

4 Dernière modification par éponymie (13-03-2012 23:38:28)

Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

Au contraire ils aiment (trop ?) leur langue. C'est peut-être une manière de "l'argotiser" pour ne pas la partager avec les autres smile , en faire un truc d'initiés.

Autre explication, guère plus convaincante :

Considérons en effet un locuteur se préparant à prononcer un mot. Personne ne sait ce que sera ce mot, et sa première syllabe (disons mé) apporte une énorme information, puisqu’elle constitue un choix, entre toutes les syllabes initiales possibles de la langue française. Une fois cette première syllabe émise, il y a en français dans un dictionnaire courant, environ quatre cents possibilités. Le locuteur choisit comme deuxième syllabe tro, prononçant donc métro, il ne reste dans le même type de dictionnaire que huit possibilités (métrologie, métrologique, métromanie, métronome, métropole, métropolitain, métropolite, métrorrhagie). Si sa troisième syllabe est po, il ne reste que trois possibilités (métropole, métropolitain, métropolite), etc. C’est dire que plus on avance vers la fin du mot et moins les syllabes apportent d’information. C’est simple, non ?
Tiré de cette page

https://lewebpedagogique.com/famillesdemots/files/2021/10/Les-doublets-en-fran%C3%A7ais.pdf

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Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

Quelle est donc votre langue maternelle qui ne connaît pas ces abréviations? smile

Il me semble que cette tendance existe dans bien d'autres langues que le français.
Pour l'allemand par exemple, Limo = Limonade, Uni= Universität, Kuli = Kugelschreiber, Pulli= Pullover, Kiba= Kirsch-Banane-Saft.

" Wer fremde Sprachen nicht kennt, weiß auch nichts von seiner eigenen."   J.W.v.Goethe

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Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

Wow ! Ton lien est super intéressant !!!

Par contre je me permet de dire que cette logique est valable dans beaucoup d'autres langues latines... je ne veut pas être pédant... mais... toujours... pourquoi dans la langue francaises l'apocope est tellement diffuse ?

Je te donne un autre point de réflexion :

J'entend parler très mal du langage texto. Il peut causer une perte de la capacité des gens de bien écrire et connaitre la langue.

Pourquoi l'apocope n'entraînerais pas dans la même direction ?

p.s.
c'est super d'avoir enfin trouvé quelqu'un qui aime parler de tout ça smile

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Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

regina a écrit:

Quelle est donc votre langue maternelle qui ne connaît pas ces abréviations? smile

Il me semble que cette tendance existe dans bien d'autres langues que le français.
Pour l'allemand par exemple, Limo = Limonade, Uni= Universität, Kuli = Kugelschreiber, Pulli= Pullover, Kiba= Kirsch-Banane-Saft.

Salut Regina !

Moi je suis italien et je suis bien d'accord avec vous tous que l'apocope n'est pas une exclusivité de la langue françaises.

La différence que je remarque, par contre, est que dans les autres langues l'apocope reste plutôt confinée dans le "slang" ou dans les dialectes. N'est pas ?

Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

En italien le phénomène existe mais reste très limité : prof pour professore, les Romains ou assimilés qui apocopent les prénoms pour Paolo (plus qu'en France) par exemple, ... J'en oublie certainement mais cela reste très marginal par rapport au français où l'apocope prend de plus en plus de place dans la langue orale depuis quelques années. C'est l'impression déjà exprimée dans le fil sur les mots en o.

En faisant des recherches sur l'apocope, j'ai lu que d'autres partagent cette idée.

Autre hypothèse, le jeunisme ambiant : il faut parler jeune et donc reprendre les procédés et le lexique de leur langage. En Italie, ce n'est pas valorisant. Et le langage, par exemple à la télévision, reste plus chatié par rapport à ce que je peux voir des programmes français. Mais si Mario est Italien, il nous dira ce qu'il en pense.

P.S. : en prévisualisant je viens de lire le message de Mario qui confirme mon impression

https://lewebpedagogique.com/famillesdemots/files/2021/10/Les-doublets-en-fran%C3%A7ais.pdf

9 Dernière modification par yd (14-03-2012 02:41:43)

Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

[Je n'avais pas eu les messages à partir de celui d’Éponymie 22h37.]

On n'apocope pas toujours : on va au ciné, mais on aime le cinéma, on fait son cinéma - ou son cinoche, il est vrai -, sans différence dans l'attention à bien parler.

Il y a une autre tendance, voisine, à déformer la fin des mots sans aucune raison, sans aucun gain pratique : la cantoche pour dire la cantine, la valoche pour dire la valise, le bonbec pour dire le bonbon. La déformation la plus facile, c'est de ne ne dire que le début du mot.

J'ai l'impression que l'école, bien malgré elle, n'est pas pour rien dans la tendance à changer la fin du mot ou à la retirer carrément : la récré, les profs, l'histoire-géo, le surgé (deux apocopes), les sciences nat : on apocope très souvent géographie, jamais l'histoire, alors qu'on aurait pu dire histo, et qu'on abrège souvent un historique en un histo. Entre maths et mathématiques, on fait probablement le choix de la simplicité ; on n'abrège pas arithmétique, guère moins compliqué, probablement parce que le mot s'y prête moins. Récitation ne s'abrège pas, mais on dit une compo : composition n'est pas moins long que récitation, mais il se prête mieux à l'apocope.

L'influence éventuelle de l'école peut à mon avis s'envisager, mais avec grande prudence, sans éléments plus consistants : que savons-nous de la tendance à jouer sur la fin des mots ou à la supprimer avant que l'école ne fût obligatoire ? Que savons-nous de la tendance à l'apocope dans les métiers où le nombre d'années d'études importe peu, qu'on peut supposer moins marqués par l'école ?

Des études ou des livres ont-ils été consacrés à la question posée ? A-t-on pu mettre en évidence à ce sujet des tendances de la langue française en lesquelles elle se distinguerait nettement des autres langues ?

Fille légère ne peut bêcher.

10 Dernière modification par iMario (14-03-2012 00:31:15)

Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

éponymie a écrit:

En italien le phénomène existe mais reste très limité : prof pour professore, les Romains ou assimilés qui apocopent les prénoms pour Paolo (plus qu'en France) par exemple, ... J'en oublie certainement mais cela reste très marginal par rapport au français où l'apocope prend de plus en plus de place dans la langue orale depuis quelques années. C'est l'impression déjà exprimée dans le fil sur les mots en o.

En faisant des recherches sur l'apocope, j'ai lu que d'autres partagent cette idée.

Autre hypothèse, le jeunisme ambiant : il faut parler jeune et donc reprendre les procédés et le lexique de leur langage. En Italie, ce n'est pas valorisant. Et le langage, par exemple à la télévision, reste plus chatié par rapport à ce que je peux voir des programmes français. Mais si Mario est Italien, il nous dira ce qu'il en pense.

P.S. : en prévisualisant je viens de lire le message de Mario qui confirme mon impression

J'aurais pas pu mieux exprimer mon point de vue, éponymie. C'est exactement ça.

En français c'est la même chose ? Parler en utilisant (abusent de ?) l'apocope est quelque chose de "cool" ? "jeune" ? "à la mode" ?

C'est très difficile pour moi de capter des telles nuances culturelles... votre aide est très apprécié smile

Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

iMario a écrit:

En français c'est la même chose ? Parler en utilisant (abusent de ?) l'apocope est quelque chose de "cool" ? "jeune" ? "à la mode" ?

D'une manière plus ou moins inconsciente, il me semble que oui. Et la publicité doit certainement jouer un role important là-dedans.

Ici encore, je n'ai jamais vu en italie l'équivalent de Culture pub, de la nuit des publivores.

Tout comme - pour moi qui ait été un fan de BD et ai décroché pour éviter l'addiction - le lecteur de BD moyen en Italie (Pratt et Manara sont des exceptions et ne sont pas vraiment grand public) est resté aux années 50 (les trucs de mon père que je lisais dans le grenier quand j'étais gamin). Et Dieu sait combien la culture BD franco-belge a eu de l'influence et a largement débordé son domaine : voir le cinéma avec Bilal et surtout Moebius qui vient de disparaitre et qui a participé aux décors de Blade Runner, a très fortement inspiré Luc Besson dans son Cinquième Elément, etc. Je ne me suis pas penché sur la question mais je ne serais pas étonné que la publicité si créative des années 90 ait puisé aussi dans cet univers.

Histoire de donner deux exemples de ce qui crée une distance entre deux peuples pourtant si proches sous d'autres aspects.

https://lewebpedagogique.com/famillesdemots/files/2021/10/Les-doublets-en-fran%C3%A7ais.pdf

12 Dernière modification par regina (14-03-2012 11:23:30)

Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

La différence que je remarque, par contre, est que dans les autres langues l'apocope reste plutôt confinée dans le "slang" ou dans les dialectes. N'est pas ?

En ce qui concerne l'allemand,non, ce n'est pas réservé au slang ou aux dialectes. J'ai presque envie de dire que c'est une tendance naturelle de la langue, selon le principe d'économie.

Il est parfaitement autorisé en style littéraire de pratiquer l'apocope lors de la conjugaison des verbes: ich hab à la place de ich habe, wir gehn au lieu de wir gehen.

Le Dichterfürst ( prince des poètes) Goethe, comme la plupart des autres, y recourait:

Du sprichst ja wie Hans Liederlich
Der begehrt jede liebe Blum für sich,
Und dünkelt ihm, es wär kein Ehr
Und Gunst, die nicht zu pflücken wär!


Sans apocope nous aurions Blume, es wäre, keine Ehre et wäre.

" Wer fremde Sprachen nicht kennt, weiß auch nichts von seiner eigenen."   J.W.v.Goethe

Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

Soit dit en passant... Cinéma est déjà l'apocope de cinématographe !
Le phénomène n'est pas si nouveau, témoin le margis (maréchal des logis), l'adjupète (adjudant) le capiston (capitaine, qui est aussi le 'pitaine, par aphérèse), le colon (colonel)... Et les Rad-Soc disparus de la scène politique où seuls demeurent les socialos...

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

P'tit prof a écrit:

Le phénomène n'est pas si nouveau, témoin le margis (maréchal des logis), l'adjupète (adjudant) le capiston (capitaine, qui est aussi le 'pitaine, par aphérèse), le colon (colonel)... Et les Rad-Soc disparus de la scène politique où seuls demeurent les socialos...

Tout à fait d'accord, il me semble seulement qu'il prend de l'ampleur ce phénomène.

https://lewebpedagogique.com/famillesdemots/files/2021/10/Les-doublets-en-fran%C3%A7ais.pdf

Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

regina a écrit:

Le Dichterfürst ( prince des poètes) Goethe, comme la plupart des autres, y recourrait:

Du sprichst ja wie Hans Liederlich
Der begehrt jede liebe Blum für sich,
Und dünkelt ihm, es wär kein Ehr
Und Gunst, die nicht zu pflücken wär!

Ach ! Liebe Regina ! Et voilà comme l'on prive de Goethe les non germanistes abéciens !  Sans pitié vous les livrez à l'infâme Glouglou Traduc ! J'y recourais donc et voilà le triste résultat  :

Vous parlez comme Hans Liederlich
Le désir de l'amour est chaque fleur,
Et il dünkelt, il ne serait pas honorer
Et faveur qui ne serait pas la cueillette!

« Jeunesse, folies. Vieillesse, douleurs ». Proverbe rom.

Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

Glouglou Traduc n'aime pas Goethe mais Glouglou Bouquins permet de patienter :
Tu parles bien là comme Hans Liederlich, qui veut pour lui toute gentille fleur, et s'imagine qu'il n'y a ni honneur ni faveur qu'il ne puisse cueillir.
Ce n'est pas littéral mais le sens général y est.

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Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

Resterait à éclairer le lecteur français sur ce mystérieux Hans Liederlich wink

Un patronyme imaginaire désignant une personnalité alliant tout à la fois naïveté populaire et libertinage.
Le prénom Hans correspondant au Jean français fut longtemps le prénom le plus répandu, représentant souvent le paysan, un personnage de la campagne, un peu simplet. Penser à notre Jean-qui-rit et Jean-qui-pleure, Jean de la lune.

On le trouve  ou le trouvait dans diverses expressions : un Prahlhans= quelqu'un qui se vante, un Gaffhans = un curieux, un Maulhans= un lourdaud ( Maul= la gueule), un Plapperhans= un bavard, etc.

Il intervient pour personnaliser le Diable = Hans Urian, le bourreau= Meister Hans ( Maître Jean) , un veinard= Hans im Glück ( Jean de la chance), la mer du Nord = blanker Hans ( Jean le blanc),etc.

Pour le lecteur germanophone Hans Liederlich incarne le jeune naïf qui s'imagine pouvoir séduire toutes les filles, toutes les femmes. Un thème que Goethe a rendu populaire par son poème Heidenröslein= petite rose de la lande.
Merci Friederike  big_smile

" Wer fremde Sprachen nicht kennt, weiß auch nichts von seiner eigenen."   J.W.v.Goethe

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Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

regina avait écrit:
Le Dichterfürst ( prince des poètes) Goethe, comme la plupart des autres, y recourrait:

Bouh! qui ch'est amusé à compter les R? Grrrrrrrrrrrrrr big_smile

" Wer fremde Sprachen nicht kennt, weiß auch nichts von seiner eigenen."   J.W.v.Goethe

Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

regina a écrit:

Resterait à éclairer le lecteur français sur ce mystérieux Hans Liederlich wink
Un patronyme imaginaire désignant une personnalité alliant tout à la fois naïveté populaire et libertinage.

Merci pour vos explications. Je note d'ailleurs sur des traductions anciennes qu'on donnait en note Jean le libertin en français et Jack Rake en anglais.
Par contre, bien que ces exemples de Goethe soient indéniablement des apocopes (et ils sont d'ailleurs donnés dans l'article allemand de Wikipedia), ils ne sont qu'une des facettes de l'apocope, ici semblable à celle qu'on rencontre en français poétique. Comme le disait l'Académie, reprise par le TLFi : Les poëtes français usent quelquefois de l'apocope; ils écrivent, par exemple, Londre pour Londres, je voi pour je vois, encor pour encore, etc.
Des apocopes de ce type, l'italien en connaît aussi je crois, comme celle de ben pour bene.
Ces apocopes légères ont finalement peu à voir, si ce n'est leur nom, avec les apocopes plus lourdes que visait iMario.

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Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

Parfois, l’usage de l’apocope prend une tournure incontrôlée.
J’entends parfois des jeunes dire "spéc’"pour spécial.
Il suffit de prononcer un certain "a" anglais au lieu d’un "é" français pour se créer une espèce d’espace-spécial.

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

regina a écrit:

regina avait écrit:
Le Dichterfürst ( prince des poètes) Goethe, comme la plupart des autres, y recourrait:

Bouh! qui ch'est amusé à compter les R? Grrrrrrrrrrrrrr big_smile

J'ai pas pu m'en empêcher, vot' Honneur !
http://i.istockimg.com/file_thumbview_approve/4357106/2/stock-photo-4357106-please-forgive-me.jpg

« Jeunesse, folies. Vieillesse, douleurs ». Proverbe rom.

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Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

Par contre, bien que ces exemples de Goethe soient indéniablement des apocopes (et ils sont d'ailleurs donnés dans l'article allemand de Wikipedia), ils ne sont qu'une des facettes de l'apocope, ici semblable à celle qu'on rencontre en français poétique

Oui-da ! Ces exemples répondaient à une remarque d'i-Mario qui pensait que l'apocope,n'était généralement utilisée qu'en slang ou dans des formes dialectales.
Chaque langue a ses particularités: l'exemple de Goethe correspond à la langue poétique, certes, mais les mêmes apocopes sont acceptées en langage courant. Ich komm gleich.
C'est d'ailleurs par ce phénomène courant dans les idiomes germaniques que certains linguistes expliquent la disparition du prétérit ( un temps simple du passé) dans les parlers alémanique et bavarois ainsi que dans la langue yiddish, par exemple.

Mais ceci est une autre histoire.

" Wer fremde Sprachen nicht kennt, weiß auch nichts von seiner eigenen."   J.W.v.Goethe

Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

De nombreux Espagnols m'ont déjà fait la remarque concernant le foisonnement des apocopes courantes en français (de même que pour notre amour immodéré des sigles...). Il en existe bien quelques-unes dans la langue de Cervantès ("profe" pour "profesor", "cole" pour "colegio", "finde" - avec agglutination - pour "fin de semana", qui est d'ailleurs la seule façon de dire "week-end" en espagnol)... mais ça reste assez limité, surtout dans l'utilisation qu'on en fait. Peut-être la profusion des lettres muettes en français favorise-t-elle un semblable mouvement ?

"Amo tanto a España porque la conozco" (Gregorio Marañón)

Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

Abel Boyer a écrit:

Des apocopes de ce type, l'italien en connaît aussi je crois, comme celle de ben pour bene.
Ces apocopes légères ont finalement peu à voir, si ce n'est leur nom, avec les apocopes plus lourdes que visait iMario.

Ces légères apocopes ont leur raison d'être : la même qui nous fait dire bel pour beau. Question d'euphonie.

Viacrucis a écrit:

Peut-être la profusion des lettres muettes en français favorise-t-elle un semblable mouvement ?

Pour métro, ciné/cinéma et bien d'autres, je ne vois pas où sont les lettres muettes.

https://lewebpedagogique.com/famillesdemots/files/2021/10/Les-doublets-en-fran%C3%A7ais.pdf

Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

Je me paie ma petite crise de dactylothéôrite :

Comme le disait l'Académie, reprise par le TLFi : Les poëtes français usent quelquefois de l'apocope; ils écrivent, par exemple, Londre pour Londres, je voi pour je vois, encor pour encore, etc.

Dans aucun de ces exemples il ne s'agit d'apocope, mais d'emploi de formes étymologiques.

Note pour la communauté des dactylothéôres, mes semblables, mes frères : j'ai mis apocope au singulier car je le prends au sens générique de procédé de l'apocope. Le pluriel était également possible.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

éponymie a écrit:
Viacrucis a écrit:

Peut-être la profusion des lettres muettes en français favorise-t-elle un semblable mouvement ?

Pour métro, ciné/cinéma et bien d'autres, je ne vois pas où sont les lettres muettes.


C'était une hypothèse, absolument pas une affirmation péremptoire wink

"Amo tanto a España porque la conozco" (Gregorio Marañón)

Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

P'tit prof a écrit:

Je me paie ma petite crise de dactylothéôrite :

Comme le disait l'Académie, reprise par le TLFi : Les poëtes français usent quelquefois de l'apocope; ils écrivent, par exemple, Londre pour Londres, je voi pour je vois, encor pour encore, etc.

Dans aucun de ces exemples il ne s'agit d'apocope, mais d'emploi de formes étymologiques.

Pour encor ça marche d'après l'article de wikipedia :

Originellement, l'apocope désigne, en poésie, la suppression du e final non élidable en fin de vers

Viacrucis a écrit:

C'était une hypothèse, absolument pas une affirmation péremptoire

Je l'ai bien pris comme ça, j'espère que mes propres hypothèses ne sont pas perçues comme des affirmations péremptoires smile . En tout cas l'apocopite semble bien constituer un autre trait distinctif du français par rapport aux autres langues latines. Le roumain non plus n'en abuse pas.

https://lewebpedagogique.com/famillesdemots/files/2021/10/Les-doublets-en-fran%C3%A7ais.pdf

28 Dernière modification par Abel Boyer (15-03-2012 14:19:21)

Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

P'tit prof a écrit:

Dans aucun de ces exemples il ne s'agit d'apocope, mais d'emploi de formes étymologiques.

L'un n'exclut pas l'autre. Cela dépend de la définition de l'apocope. Mais on peut très bien, par des apocopes de mots réguliers, tomber sur des formes étymologiques et ne déclarer d'ailleurs que ces apocopes-là comme recevables en poésie.

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Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

par un apocope d'un mot

Encore une apocope? wink

" Wer fremde Sprachen nicht kennt, weiß auch nichts von seiner eigenen."   J.W.v.Goethe

Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

Tiens, je croyais qu'on ne devait pas signaler les fautes de frappe, hormis les miennes, probablement !  wink Bon, ça me permet de corriger. Merci.

Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

Une autre opinion sur l'apocope :

C’est surtout une tournure familière du français oral, mais on en trouve aujourd’hui de plus en plus d’exemples écrits, car ce procédé paraît convenir à une époque où l’on aime aller vite. Et puis la langue française s’y prête mieux que d’autres.

En quoi la langue française se prêterait mieux que d'autres à l'apocope ? Tout à démontrer.

Un autre facteur favorisant l'apocope (hypothèse smile ) : la diffusion du langage des cités :

Les relevés effectués expliquent les procédés et les figures de style employés dans les
constructions de la langue des cités. On peut se reporter aux exemples de construction ci- joints et
aux procédés d’élaboration les plus couramment utilisés à savoir :
· les métaphores liées à la publicité contemporaine ou à des faits récents.
· les métonymies pour désigner les personnes à partir des objets qui les caractérisent.
· le verlan monosyllabique en inversant l’ordre des lettres des mots.
· le verlan orthographique en changeant l’ordre des lettres
· le verlan peut aussi proposer plusieurs versions d’un même mot ou une «reverlanisation »
· les apocopes pour raccourcir les mots en usage.
· les aphérèses qui effacent les syllabes initiales des mots.
· les redoublements après aphérèse.
· les resuffixations après troncation des mots.
· les absences de marques désinentielles verbales avec une tendance à faire parler un verbe dans
le 1er groupe de conjugaison et à utiliser des verbes d’origine tsigane qui ne se conjuguent
pas.
· les emprunts de mots d’origine arabe, berbère, tsigane, africaine, antillaise , anglo-américain
ou les emprunts aux parlers locaux et au vieil argot français.

[ ... ]

arliche « artichaut; argent) ;
assoc' « association) ;
basks « baskets, chaussures de sports [Nike, Adidas, etc.]);
biz « bisness < angl. business; trafic, affaires [illicites]) ;
dèk « dékis, verlan de kisdé ; policier, flic) ;
djig « djiga, verlan de gadji ; fille, femme) ;
kro ( < Kronenbourg) ; manès « manéci, verlan de cinéma) ;
minos « minorités) ; stonb «
stonba, verlan de baston ; bagarre) ;
tainp « tainpu, verlan de putain, prostituée) ;
tasse « taspé, verlan de pétasse) ;
téç « téci, verlan de cite') ;
teush « teushi, verlan de shit; haschisch) ;
trom « tromé, verlan de métro [politain]) ;
turve « turvoi, verlan de voiture).

Un autre article intéressant :

Apparues au seuil du XXe siècle dans la langue parlée, les apocopes s’utilisent de notre temps de plus en plus souvent dans la langue écrite, particulièrement dans la presse et les messages publicitaires.

[ ... ]

De nos jours, le rythme de la vie s’accélérant, le débit de la langue parlée devient encore plus rapide et de nouvelles apocopes surgissent pratiquement tous les jours. Si vous lisez régulièrement les journaux et des revues français vous avez sans doute quelques difficultés à comprendre ce que signifie par exemple : la sécu ou les alloc. En fait il s’agit de la sécurité sociale et des allocations familiales. Dans le domaine du social on entend parler des ados (adolescents), des quadras ou des quinqua (quadragénaires ou quinquénaires). Le vocabulaire politique en est truffé : des socialos (socialistes), des prolos (prolétaires), des fachos (fascistes), des anars (anarchistes). On s’embrouille entre les démos, les promos et les pubs (démonstrations, promotions, publicité) qui font courir les consommateurs ; les écolos (écologistes) tiennent souvent une place importante dans les éditos (articles éditoriaux) des quotidiens et des hebdos (hebdomadaires).

Rien à faire ! Il faut vivre avec son temps et si vous voulez être « branché » (actuel) suivez régulièrement les infos (informations) ; il faut être actif et recharger ses accus (reprendre de l’énergie), en cours de gym il faut penser à resserrer ses abdos (muscles abdominaux), si vous avez des problèmes, allez voir votre psy (psychanalyste), soyez écolo, mangez bio (produits issus de l’agriculture biologique), buvez du déca (café décaféiné), n’achetez pas de sac en croco (crocodile), ne faites pas de gaspi (gaspillage) mais faites de la récup (récupération). Sinon, ce sera la cata (catastrophe) !


Et encore un autre sur le langage des jeunes (j'évidencie - italianisme ? - ce qui conforte mes supputations) :

Le langage des jeunes se caractérise par sa rapidité d’évolution, son côté parfois flou et surtout éphémère. Dès qu’un équivalent est connu, hop ! le mot change.Peut-être faudrait-il dire les langages de jeunes car les rappeurs n’emploient pas les mêmes mots que les « métalleux » (amateurs de musique métal) et les jeunes de la banlieue parisienne n’ont pas les mêmes expressions que ceux du Pas-de-Calais. N’empêche, de grands mouvements traversent les milieux et les régions et il existe une base lexicale plus ou moins commune.

Est apparu depuis une vingtaine d’années un lexique nouveau, qui se diffuse rapidement et envahit toutes les classes sociales.

https://lewebpedagogique.com/famillesdemots/files/2021/10/Les-doublets-en-fran%C3%A7ais.pdf

Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

Encore un article intéressant mais encore rien de solidement argumenté, chiffré, documenté:

L’apocope ? Qu’est-ce que c’est ? C’est un fait de langage extrêmement courant : nous pratiquons l’apocope tous les jours, et même des dizaines de fois par jour, sans peut-être en connaître le nom. Car qu’allons-nous plutôt dire ? Que nous prenons l’auto pour aller au cinéma - ou au ciné -, ou que nous prenons l’automobile pour aller au cinématographe ? "Retranchement, amputation", d’après son étymologie grecque, l’apocope abrège les mots en escamotant leur finale, au contraire de l’aphérèse qui les abrège en omettant le début (omnibus est ainsi devenu couramment bus). Vous serez donc d’accord avec moi pour reconnaître que nous sommes tous des adeptes, voire des fidèles, de l’apocope.


Ce phénomène linguistique ne date pas d’hier. Par mesure d’économie de temps et d’énergie, la simplification intervient dans le langage comme dans toutes les actions humaines. Une sorte de paresse naturelle : s’il suffit d’en faire moins, pourquoi en ferait-on plus ? Mais alors que les premiers spécimens répertoriés, datant des XVe et XVIe siècles, demeurent exceptionnels, c’est à partir de 1960 que le corpus des apocopes s’enrichit et que le mouvement paraît s’accélérer de manière exponentielle. En dehors des mots tronqués qui ont supplanté depuis longtemps leur "parent" - kilo, stylo, moto, photo, radio, métro, etc. -, le langage oral du quotidien en crée une pléthore de nouveaux. Nés de l’oral, ils s’introduisent dans l’écrit et finissent par entrer officiellement dans le dico (à moins que vous préfériez "dictionnaire").


Tous milieux confondus, la prolifération est spectaculaire : dans la formation scolaire (instit, prof, maths, géo, bio, gym, fac, philo, psycho, sciences po ou sciences éco ), dans le milieu médical (otorhino, opthalmo, gynéco, gastro, chimio, labo, psy, kiné ), ainsi que dans les domaines culturel (médias - raccourci pour "mass media" -, pub, info, édito, hebdo ) ou politique (écolo, socialo, prolo, facho, anar ). Ce foisonnement pourrait réjouir, par sa créativité, tout francophone qui ne serait ni trop puriste ni trop rétro(grade). N’est-ce pas le propre d’une langue d’évoluer au gré de l’imagination et des initiatives de ses usagers ? Et ces mots, pour la plupart catalogués "familiers" au départ, appartiennent bien vite au bagage linguistique de tous; certains d’entre eux, péjoratifs, badins ou coquins, ont une saveur particulière. Tant mieux donc si l’on y perçoit un enrichissement de la langue française.


Mais l’impressionnant succès et l’accélération du processus peuvent faire émerger une autre question : l’apocope serait-elle signe d’époque ? Et s’il fallait y voir un épiphénomène révélateur d’une évolution de fond dans les mentalités ?


Cette question se modulerait sous diverses formes. Par exemple : quand règnent le culte de la rapidité et l’impatience fébrile, préférerait-on parler à demi-mot ? Imaginez le gain : tout ce qu’on pourra faire pendant cette éternité qu’on aurait consacrée à prononcer la fin du mot ! De nos jours, serait-il devenu de plus en plus incongru d’aller jusqu’au bout des choses, de toutes les choses, qu’il s’agisse des mots, mais aussi des phrases, des textes, des réflexions, des accords politiques, des contrats, des engagements personnels et professionnels ? Serions-nous entrés, pas à pas, dans l’ère des points de suspension perpétuels, de l’inachevé, du provisoire tenant lieu de définitif, où se répandrait un vague désespoir implicite d’aller, résolument et sans désemparer, jusqu’au point final ? Connaîtrions-nous le temps de l’approximation érigée au rang de système - un morceau suffit, une ébauche, une esquisse, pas besoin du tout -, parce que le désir de passer très vite à autre chose l’emporterait sur la passion d’approfondir, de creuser, de peaufiner ?


Un autre qui s'en prend aux dérives journalistiques. Je cite une bonne partie du début - il n'est plus disponible qu'en copie-cache - en n'omettant pas la "dérive occitane" à laquelle je ne m'attendais pas :

Chacun sait, depuis Balzac dont le personnage d’Andoche Finot est resté célèbre, que les journalistes ne jouissent guère d’une excellente réputation dans les milieux cultivés de notre pays. Certes, il y a parmi eux de très bonnes « plumes », de remarquables « reporters » et d’intelligents commentateurs, mais leur image s’est quelque peu dégradée depuis que se sont développés les media audiovisuels. Une autre espèce de journalistes est apparue qui suscite fort peu d’enthousiasme. On les adule parfois, mais on les craint. On les cite, mais c’est souvent pour s’en gausser ou s’en indigner. Beaucoup les considèrent comme des fossoyeurs de la langue française ou les vecteurs, conscients ou non, des « vérités » convenues, voire des mensonges officiels. Un amalgame s’est fait avec les « animateurs », les « présentateurs », les « interviewers », et autres glossateurs, de sorte que, tout autant que les sportifs, les publicitaires et les politiciens, ces spécialistes de la communication participeraient à ce massacre du français et à cette dégradation de nos modes d’expression auxquels ils paraissent se complaire. Par snobisme, par bêtise, par ignorance ou par paresse, ils envelopperaient d’un charabia médiatique certaines conceptions du monde et des relations entre les hommes que nous serions bien plus nombreux qu’ils ne le croient à refuser.

Ces critiques sont sévères. Sont-elles méritées ? Seul un examen attentif, qui portera tant sur la forme que sur le contenu de leurs prestations nous permettra d’en décider.

Le massacre du français

Pour important que soit le rôle de l’image dans la civilisation contemporaine, il est bien loin d’avoir surclassé celui du langage verbal. C’est avant tout avec des mots, organisés par la grammaire, que nous communiquons. Ces mots ont une forme canonique dont la méconnaissance engendre l’irruption du sabir, ce qui rend fort difficile de se faire comprendre, voire de se comprendre soi même. Car qui n’est pas maître de sa langue n’est pas maître de sa pensée. C’est ce que n’ont pas compris ces professionnels dont je parle. Leurs incongruités lexicales et syntaxiques, qui vont se multipliant, tendent à
faire du français une langue étrangère, quelque peu ridicule et généralement vulgaire.

Ces agressions, intentionnelles ou non, peuvent être regroupées sous deux rubriques principales: la dérive occitane, d’une part, la frénésie de l’apocope, d’autre part. De ces deux phénomènes contraires, qui contribuent néanmoins l’un et l’autre à l’appauvrissement de nos échanges verbaux, le premier est le plus risible, mais le plus agaçant c’est l’autre.

Ce que j’ai proposé d’appeler la « dérive occitane », c’est cette fâcheuse propension à ajouter un e muet à la fin de mots qui n’en comportent pas. Les exemples sont innombrables, qui traduisent une ignorance consternante de
l’orthographe. N’entendons nous pas, trop souvent, à la radio et à la télévision, mentionner le parc(ke) de Marc(Ke) cher à la gent(e) féminine ? Et ne nous dit-on pas qu’en Mars(e) on passe des test(e)s dans les pays de l’Est(e) ? Quant
à moi, je ne regarde jamais les match(e)s en direct(e) ; je ne pourrais pas savoir vraiment lequel des joueurs a marqué le but(e).

Il est vrai qu’à propos de « but », ce e, voire le t final, disparaissent fréquemment puisque les commentateurs sportifs se plaisent à compter les bu(z) ou prononcent ce mot comme s’il s’agissait du participe passé (bu) du verbe boire.

Inutile de continuer. Il suffit d’allumer n’importe quel poste de radio ou de télévision pour découvrir immédiatement d’autres exemples. A l’instar de nos compatriotes méridionaux, la France médiatique croit devoir s’exprimer comme Raimu ou Fernandel. C’est amusant parfois; c’est fastidieux quand cela se répète.

Quant à l’apocope, c’est cette étrange maladie à laquelle nul ne semble pouvoir échapper. Elle consiste à mutiler les mots les plus courants dont on supprime systématiquement une ou plusieurs syllabes. Endémique depuis bien des années, puisqu’elle nous a donné le « vélo », le « cinéma » (voire le « ciné »), le « métro », la « météo » et la « radio », elle est devenue de nos jours épidémique, pour prendre, depuis le règne de François Mitterrand une forme étonnamment paroxystique. De l’abominable « sécu » à la toute récente « Cour de Cas(sation)», innombrables sont les stigmates de cette affection dont sont atteints tous ces mutilés du verbe qui s’imaginent naïvement faire « moderne », « jeune » ou « branché » alors qu’ils ne sont que pitoyables. Faut-il citer le très vulgaire « ptidèj » (petit déjeuner) que les « ados » refuseront de prendre ce « mat(in) » ou « staprem » (cet après-midi) ? Mais il en est d’autres encore, plus répandus, comme« l’actu », les « infos », l’« anniv(versaire) », les « expos », les « profs », la « déco(ration) », « l’éco(nomie) » souci majeur de nos « deps »(les députés) ? Et cette évolution s’accélère, qui concerne de plus en plus le grand public, et touche par exemple aussi bien les noms et les prénoms (« Sarko »,« Véro(nique) » que des régions ; des lieux, voire des monuments (le « Boul’Mich (le boulevard Saint Michel ) » ou le « Troca(déro) »). Rien de ce qui vient d’être signalé n’est inventé. J’ai moi même entendu cela et cette liste s’allonge chaque jour !

Si la dérive occitane et la frénésie de l’apocope sont les plus marquantes de ces fautes, il en est d’autres qui, s’y ajoutant, contribuent elles aussi, en l’intensifiant, au massacre de notre langue.

https://lewebpedagogique.com/famillesdemots/files/2021/10/Les-doublets-en-fran%C3%A7ais.pdf

33 Dernière modification par coco47 (16-03-2012 03:08:23)

Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

Citer comme un exemple de « cette affection dont sont atteints tous ces mutilés du verbe qui s’imaginent naïvement faire “moderne”, “jeune” ou “branché” » les apocopes profs et Boul'Mich, qui me ramènent à ma lointaine enfance, faut le faire ! Dans les années 1950, Brassens chantait un poème de Paul Fort, L'Enterrement de Verlaine, écrit à la charnière du XIXe et du XXe siècle. Ça nous remet loin, comme disait Bardamu.
Je cite : Et cette évolution s’accélère, qui concerne de plus en plus le grand public, et touche par exemple aussi bien les noms et les prénoms (« Sarko »,« Véro(nique) » que des régions ; des lieux, voire des monuments (le « Boul’Mich (le boulevard Saint Michel ) » ou le « Troca(déro) »).
Y en a qui font des découvertes sur le tard.

Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

Dans les années 1950, Boul'Mich' était une marque de papeterie. Il me souvient de ma perplexité devant les deux apostrophes de ce mot étrange, que je croyais d'une langue inconnue, et que mes parents me délabyrinthèrent...
Quant aux apocopes hypocoristiques, les Margot, Babet et autres Fanchon du passé témoignent de la vitalité de cette formation.
Faut sortir, mec, faut sortir !

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

Abel Boyer a écrit:

Tiens, je croyais qu'on ne devait pas signaler les fautes de frappe, hormis les miennes, probablement !   Bon, ça me permet de corriger. Merci.

Faute d'orthographe quand l'élève la commettait, la même erreur devenait lapsus calami lorsque c'est le maître qui la faisait.
Nul doute, cher Abel Boyer, que vous ayez commis ici un bénin lapsus clavigeri, et non l'impardonnable lapsus linguæ de ceux qui méconnaissent le genre de astérisque, épigramme, apostrophe... et apocope.

« Jeunesse, folies. Vieillesse, douleurs ». Proverbe rom.

36 Dernière modification par éponymie (16-03-2012 11:21:40)

Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

coco47 a écrit:

Citer comme un exemple de « cette affection dont sont atteints tous ces mutilés du verbe qui s’imaginent naïvement faire “moderne”, “jeune” ou “branché” » les apocopes profs et Boul'Mich, qui me ramènent à ma lointaine enfance, faut le faire ! Dans les années 1950, Brassens chantait un poème de Paul Fort, L'Enterrement de Verlaine, écrit à la charnière du XIXe et du XXe siècle. Ça nous remet loin, comme disait Bardamu.
Je cite : Et cette évolution s’accélère, qui concerne de plus en plus le grand public, et touche par exemple aussi bien les noms et les prénoms (« Sarko »,« Véro(nique) » que des régions ; des lieux, voire des monuments (le « Boul’Mich (le boulevard Saint Michel ) » ou le « Troca(déro) »).
Y en a qui font des découvertes sur le tard.

Exemples mal choisis, parmi les 5 autres articles vous n'avez pas trouvé à redire apparemment. Comme je le disais - et répétais de diverses manières - rien de démontré, chiffré, solidement argumenté mais il n'en reste pas moins qu'il y a une perception d'une accélération et prolifération du phénomène de l'apocope depuis ces 20 dernières années.

Quant au Caïus dont vous contestez - seulement - les exemples d'apocopes récentes, qui sont effectivement contestables, c'est aussi celui de la "dérive occitane" que je n'ai pas voulu tailler tellement je la trouve sujette à caution. Son article a cependant sa place dans ce fil, s'il s'agit de documenter ce qui se dit sur l'évolution du français moderne et l'apocope et qui ne se limite pas à affirmer que ça a toujours existé et que circulez ya rienàvoir.

https://lewebpedagogique.com/famillesdemots/files/2021/10/Les-doublets-en-fran%C3%A7ais.pdf

37

Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

En tout cas, moi, je n'ai rien contre l'apocope, dont le français, si on le compare à l'allemand ou à l'anglais, n'est pas un usager abusif.

Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

Moi non plus, me rendant parfaitement compte que j'en utilise tous les jours ce qui n'est probablement pas le cas du monsieur qui voit aussi une "dérive occitane" dans la langue... Mais pour revenir à la question initiale : il y en a beaucoup et de plus en plus selon ma perception. Ne connaissant pas suffisamment l'anglais et l'allemand je ne peux pas parler de ces langues.

Par contre je me dis que peut-être l'accent tonique final ou inexistant du français (particularité parmi les langues latines) lui permet de faire un usage plus ample des apocopes. Il me semble qu'en italien elles sont toujours mono ou disyllabiques avec l'accent systématiquement sur la dernière syllabe. En abuser sonnerait bizarre.

https://lewebpedagogique.com/famillesdemots/files/2021/10/Les-doublets-en-fran%C3%A7ais.pdf

39 Dernière modification par yd (18-03-2012 22:09:17)

Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

Puisqu'on parle de l'italien, un exemple d'apocope qui s'est imposée mondialement - il en est certainement beaucoup d'autres - est Nabucco, l'opéra de Verdi, qui avait été créé sous le nom de Nabuchodonosor, et fut officiellement abrégé en Nabucco après la première représentation, selon cette page de Wikipedia http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_ … r_genre%29.

Le 18 mars 20h50 : imposé -> imposée (cf. le message de Bookish prat et les autres messages qui suivent).

Fille légère ne peut bêcher.

Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

Bookish Prat a écrit:
Abel Boyer a écrit:

Tiens, je croyais qu'on ne devait pas signaler les fautes de frappe, hormis les miennes, probablement !   Bon, ça me permet de corriger. Merci.

Faute d'orthographe quand l'élève la commettait, la même erreur devenait lapsus calami lorsque c'était le maître qui la faisait.
Nul doute, cher Abel Boyer, que vous ayez commis ici un bénin lapsus clavigeri, et non l'impardonnable lapsus linguæ de ceux qui méconnaissent le genre de astérisque, épigramme, apostrophe... et apocope.

« Jeunesse, folies. Vieillesse, douleurs ». Proverbe rom.

41 Dernière modification par éponymie (18-03-2012 21:47:10)

Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

yd a écrit:

Puisqu'on parle de l'italien, un exemple d'apocope qui s'est imposé mondialement - il en est certainement beaucoup d'autres - est Nabucco, l'opéra de Verdi, qui avait été créé sous le nom de Nabuchodonosor, et fut officiellement abrégé en Nabucco après la première représentation, selon cette page de Wikipedia http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_ … r_genre%29.

Le wikipedia italien donne une autre explication : un titre trop long de la première affiche qui a fait que les gens ne retenait que la première ligne.

Pochi forse sanno che, in origine, il nome dato da Giuseppe Verdi alla sua opera fosse "Nabuccodonosor" ma, data la lunghezza dello stesso sulla locandina, venne diviso in due righe e cioè "Nabucco" e, a capo, "Donosor" ma la gente faceva caso solo alla prima riga. Da qui la diffusione del nome dell'opera fino ad oggi come del "Nabucco"

Si ce n'est que le titre original était "Nabucodonosor", on peut supposer le reste vrai ***. Trouvez-moi d'autres apocopes italiennes en plus de deux syllabes.

Et c'est simplement en 1844, 2 ans après la première représentation à la Scala de Milan, à Corfoue (en Grèce donc) que le titre devient définitivement "Nabucco" (site officiel de Verdi)

P.S. : Bookish, on a déjà vu votre message. Poiurquoi le répéter ?

*** Quoique... Voici un Nabucco italien antérieur de 4 ans à celui de Verdi :

http://www.libreriaantiquariamazzei.com/public/img/catalogo/immagini/6859.jpg

https://lewebpedagogique.com/famillesdemots/files/2021/10/Les-doublets-en-fran%C3%A7ais.pdf

Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

éponymie a écrit:

Bookish, on a déjà vu votre message. Pourquoi le répéter ?

Probablement à cause de cette de cette phrase de yd : un exemple d'apocope qui s'est imposé mondialement. Mais on peut aussi supposer que yd a accordé avec exemple.

43

Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

En fait j'avais changé ma phrase initiale, dans laquelle la question ne se posait pas, et comme souvent en pareil cas, je n'ai pas vu en changeant ma phrase que la question se posait désormais. Je corrige, car c'est mieux de dire que c'est l'apocope qui s'est imposée, plutôt que son exemple. Je n'avais pas compris le message bis de Bookish, pardon à lui et à tout le monde.

Fille légère ne peut bêcher.

Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

Si cela avait été "l'exemple d'une apocope qui s'est imposée ...", d'accord. Sinon, c'est chercher à casser 3 pattes à un canard.

Et s'il s'agit vraiment d'une apocope, le moins que l'on puisse dire et que sa formation n'est pas classique.

https://lewebpedagogique.com/famillesdemots/files/2021/10/Les-doublets-en-fran%C3%A7ais.pdf

45

Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

Quel serait l'autre mot, si apocope ne convient pas ? Abréviation ?

Quand j'ajoute il en est certainement beaucoup d'autres, il s'agit d'autres exemples, mais cela ne me paraît pas remettre en cause l'accord de s'imposer.

Pour utiliser l'exemple d'une apocope, qui en effet oblige à accorder s'imposer avec l'apocope, il aurait fallu que je reprenne l'ensemble, et je ne suis pas sûr que j'y serais arrivé.

Zoroastre peut-il être considéré comme l'apocope antique de Zarathoustra ? Une contraction, plutôt ? Le cas de Nabucco, apocope ou pas apocope, m'avait paru intéressant, car il s'agit d'un patronyme, qui plus est historique, et il s'agit encore du titre d'un opéra classique. Je ne suis pas surpris que l'usage ait tout de suite adopté Nabucco, mais j'avais été très surpris que Nabucco ait été adopté officiellement.

Fille légère ne peut bêcher.

Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

yd a écrit:

Quel serait l'autre mot, si apocope ne convient pas ? Abréviation ?

Disons que c'est une apocope de hasard, si elle s'est vraiment formée parce que l'affiche avait divisé le mot en NABUCCO-DONOSOR. Je l'ai cherchée mais ne l'ai point trouvée.

yd a écrit:

Quand j'ajoute il en est certainement beaucoup d'autres, il s'agit d'autres exemples, mais cela ne me paraît pas remettre en cause l'accord de s'imposer.

Justement, si vous pensez exemple, il me semblerait logique que vous accordiez s'imposer au masculin. Mais c'est vrai que l'on peut tolérer l'accord avec apocope.

yd a écrit:

Pour utiliser l'exemple d'une apocope, qui en effet oblige à accorder s'imposer avec l'apocope, il aurait fallu que je reprenne l'ensemble, et je ne suis pas sûr que j'y serais arrivé.

Je ne voulais pas que vous reconstruisiez votre phrase mais simplement donner la construction qui, à mon sens, entraine vraiment l'accord au féminin.

yd a écrit:

Je ne suis pas surpris que l'usage ait tout de suite adopté Nabucco, mais j'avais été très surpris que Nabucco ait été adopté officiellement.

Curieuse histoire effectivement : c'est hors d'Italie, et dans un pays relativement marginal, que le role principal et le titre de l'Opéra deviennent Nabucco "officiellement". Peut-être que si ce n'était arrivé là, ça se serait de toute façon produit un jour ailleurs : avalisation d'un usage. Comme les noms officiels de certains monuments qui finissent par ne plus être connus que dans des milieux restreints, leur "petit nom" s'imposant à tous (je pense d'abord à la basilique du Latran à Rome).

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Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

Du point de vue grammatical, les deux accords sont possibles. Mais dans le contexte, il me semble que le sens impose l'accord au féminin:
Yd nous donne un exemple et celui-ci ne s'est pas imposé mondialement en tant qu'exemple. Il a voulu nous donner pour exemple une apocope acceptée et connue dans le monde entier.  Pour accepter l'accord au masculin, il faudrait que le monde entier soit conscient qu'il s'agit là d'un exemple d'apocope.  L'affirmer, ce serait être pour le moins optimiste! big_smile

" Wer fremde Sprachen nicht kennt, weiß auch nichts von seiner eigenen."   J.W.v.Goethe

Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

Voilà qui peut toujours se discuter. Il faudrait ouvrir une autre fil. Je le fais dare-dare pour ne pas perdre le fil de la multiplication récente ou non des apocopes en français.

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49 Dernière modification par yd (19-03-2012 00:36:27)

Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

Ce qui a pu pousser Verdi ou son éditeur ou les officiels italiens à adopter Nabucco, c'est qu'ils auraient vu que l'usage abrègerait de toute façon, et que les publics des différentes langues le feraient chacun à leur façon, à commencer par le public italien, si son habitude est de ne pas retenir plus de deux syllabes. Adopter Nabucco officiellement, c'était - peut-être - se donner les meilleures chances d'éviter les autres raccourcis, déjà en Italie et certainement ailleurs encore. Entre le purisme quant aux règles ou aux traditions et la sagesse, ils auraient tous préféré la sagesse, qui avait le réalisme avec elle. C'était peut-être encore une façon de ne pas confondre le personnage de l'opéra avec le personnage historique ou biblique : cette considération a pu jouer.

23h35 : Ou peut-être encore : prendre les devants dans l'adoption de Nabucco allait donner une sorte de droit privilégié à l'œuvre de Verdi sur le nom de Nabucco. L'éditeur ou le compositeur y ont-ils pensé, cette considération a-t-elle pesé, qui le sait ?

Fille légère ne peut bêcher.

Re : L'apocope... Pourquoi "couper la queue" aux mots ?

yd a écrit:

Ce qui a pu pousser Verdi ou son éditeur ou les officiels italiens à adopter Nabucco, c'est qu'ils auraient vu que l'usage abrègerait de toute façon, et que les publics des différentes langues le feraient chacun à leur façon, à commencer par le public italien, si son habitude est de ne pas retenir plus de deux syllabes. Adopter Nabucco officiellement, c'était - peut-être - se donner les meilleures chances d'éviter les autres raccourcis, déjà en Italie et certainement ailleurs encore. Entre le purisme quant aux règles ou aux traditions et la sagesse, ils auraient tous préféré la sagesse, qui avait le réalisme avec elle. C'était peut-être encore une façon de ne pas confondre le personnage de l'opéra avec le personnage historique ou biblique : cette considération a pu jouer.

En fait, j'ai trouvé l'explication : l'affiche tronquée est quasi-certainement une légende (amplement répétée à l'identique sur l'Internet italien). C'est tout simplement Témistocle Solera (celui qui a écrit le livret) qui emploie à 5 ou 6 reprises Nabucco (le lien donne le livret de 1842) : surtout "Viva Nabucco !". C'est vrai que Nabuccodonosor passe moins bien (il n'apparait que dans les indications scéniques).

Voilà qui a plus que probablement contribué à diffuser et "officialiser" notre apocope (pour le coup, on revient à nos classiques, c'est de la poésie, pas du spontané ni du tronqué pour faire vite) : le public reprenait les chants.

https://lewebpedagogique.com/famillesdemots/files/2021/10/Les-doublets-en-fran%C3%A7ais.pdf

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