Je vais répondre ici dans le désordre à Ptit Prof et Éponymie. Je commencerai d'abord par le plus accessoire pour en venir au plus fondamental.
En ce qui concerne d'abord ma petite rectification des pages 9-10, elle me parait tout-à-fait défendable. En effet, sur le plan sémantique, on peut très bien soutenir que la voisine est en situation de patient quand Jacques lui parle (COI) aussi bien que lorsqu'il l'embrasse (COD). Lorsque Jacques chante (intransitif), on peut aussi supposer un patient implicite : auditoire ou lui-même.
Sur le plan grammatical, seul le COD peut cependant être considéré comme le patient de l'action, le COI indiquant par contre l'orientation de l'action. Cela implique aussi une certaine conception sémantique, défendable mais pas meilleure que la mienne. Cette conception me parait en fait surtout inspirée par des considérations grammaticales. Elle justifie en particulier que le participe passé ne s'accorde jamais avec le COI selon les règles actuelles.
Ensuite, reprendre les exemples de quelqu'un n'est pas forcément le plagier. J'ai signalé au début de mon texte que le fichier PDF du Professeur Audet serait l'une de mes principales sources d'inspiration. En effet, il illustre très bien la (les) règle(s) traditionnelle(s) pour l'accord du participe passé. Je pense qu'il faut bien comprendre la conception actuelle du participe, pour la comparer précisément à celle que je propose.
Voilà pourquoi je n'ai pas hésité à reprendre les exemples du Pr Audet, en particulier dans mes sections 5 et 6. Dans l'annexe, ce sont ceux de Mr Dupont (pseudonyme). Cela me permet d'établir clairement la nature byzantine des règles actuelles, même si Audet s'efforce de les ramener à un seul principe général.
Audet préconise en effet d'accorder le participe passé avec le patient de l'évènement représenté en lui : le désigné passif ou DP (page 2 bas). Cela revient à poser la question : Qu'est-ce qui est PP ? Vous remarquerez d'ailleurs que le linguiste Mr Dupont l'établit très clairement (pages 59-60), parlant aussi de rapport sémantique. Mrs Gruaz, Legros et Wilmet travaillent également sur ces bases.
Je ne vais pas reprendre tous les exemples donnés par Audet. Vous verrez que pour chacun, l'identification du PP peut s'effectuer par la question : Qu'est-ce qui est PP ?
Cette question est en effet typiquement sémantique. Cela ne me parait pas infondé. Dans "Cette maison blanche me plait" et "Cette blanche maison me plait", l'adjectif doit évidemment s'accorder avec "maison" d'un point de vue sémantique. Que l'adjectif soit situé avant ou après le nom n'intervient aucunement en l'occurrence. Le déterminant (précisant le sens) doit alors s'accorder avec le déterminé (porteur de sens) : un critère typiquement sémantique !
Prenons "Une foule de gens est entrée" et "Une foule de gens sont entrés". L'accord s'effectuera avec "foule" ou avec "gens" en suivant un critère sémantique, selon que l'on considère que "foule" ou "gens" est au centre de l'action. Inutile d'ajouter que le critère sémantique est ici subjectif, en fonction du message que l'on veut faire passer. Mais qui dit "subjectif" ne dit pas forcément "infondé".
Dans cette perspective, le participe passé ne doit pas s'accorder automatiquement avec le sujet, pas plus qu'avec le complément d'ailleurs. Voilà pourquoi j'ai distingué les voix active et passive pour l'accord du participe joint à l'auxiliaire Être. Ce sont mes formules B et C (page 31).
Vous remarquerez que je me borne jusqu'à présent à exposer les règles actuelles du participe passé, plutôt le principe général qui les sous-tend : accord du participe avec le désigné passif (DP). Cela revient à poser la question Qu'est-ce qui est PP ? Les linguistes Audet, Gruaz, Legros et Wilmet font tous cette interprétation des règles actuelles. Et je renvoie de nouveau au petit exposé de Mr Dupont (pages 59-60), un linguiste authentique.
Maintenant, il n'est pas interdit de critiquer la conception actuelle du participe passé. En examinant les exemples fournis par Audet, sa règle de base débouche sur une autre :
1) Identification du déposé passif (DP) par la question Qu'est-ce qui est PP ? L'accord s'ensuit alors logiquement.
2) Blocage de cet accord quand l'agent, désigné actif (DA) pour Audet, est en mesure de créer des interférences. On écrira ainsi "La terre a rougi" avec le DA identique au DP ; "Le soleil a rougi la terre" avec le DA avant le participe passé, le DP après par contre.
Le Pr Audet semble regretter ce blocage éventuel de l'accord. Mais il reconnait qu'accorder systématiquement le participe avec son DP serait trop heurter les usages. Et ces usages poussent au blocage de l'accord quand le DA (actif) peut concurrencer le DP (passif).
Mais ce n'est pas tout ! Si vous examinez attentivement les innombrables exemples d'Audet, vous verrez que l'identification du DP est loin d'être évidente. Le Professeur Audet fait lui-même des interprétations divergentes par rapport aux règles officielles. Je vous renvoie par ailleurs à mes sections 5 et 6.
Bref, deux principes au départ, pas un seul comme l'affirme Audet. Et pour les applications, on en revient finalement aux 16 règles actuelles pour l'accord du participe passé (ou son invariabilité) : voir pages 1-2 du fichier d'Audet.
Par comparaison, ma conception du participe passé est initialement moins simple que celle d'Audet, avec trois formules (page 31). Ces trois formules ne débouchent pas toutefois sur 16 applications, mais sur 2 seulement (page 33). Voyez un peu la simplification !
Au niveau théorique, il est par ailleurs évident que les règles actuelles du PP sont inspirées par une conception "individualiste" de son rôle. En effet, le PP s'accorde alors en toute indépendance avec le DP identifié, sans jamais considérer la nature du verbe auxiliaire : Avoir ou Être.
Même sur le plan théorique, je préfère donc ma conception "hiérarchique". De fait, le participe passé forme une association avec le verbe auxiliaire pour les temps composés ou la voix passive. On comprend alors mal qu'aucune conséquence n'en soit tirée pour l'accord ou l'invariabilité du PP. La nature du PP change donc logiquement selon l'auxiliaire verbal. Et cela suppose naturellement des règles différentes selon cet auxiliaire : Avoir ou Être. Et comme dit plus haut, j'ajoute que l'auxiliaire Être pose un problème particulier avec les voix active et passive : formules B et C (p. 31).
Voilà, je pense avoir été suffisamment clair. En se basant sur les usages courants, une simplification radicale des accords du participe passé (à l'espagnole) est bien sûr toujours possible. Mais encore faut-il la justifier théoriquement. Tel est l'objet de ce travail !