J'avais vu le latin comme une perversion, essentiellement pour fermer ou embrouiller l'accès au grec, oui, comme une «langue artificielle»* type espéranto, et je l'avais appelé, ce qui choquera beaucoup de monde, le desespéranto de l'Antiquité.
Ciceron, Ciceron, oui, mais j'ai connu deux Ciceron, le premier pompeux et verbeux, déambulant ses déclamations sous les colonnades du Forum, celui de la Première Catilinaire, l'autre à la hauteur des meilleurs Grecs, découvert grâce à l'excellent livre de Claudia Moati, La Raison de Rome (avis unanime des critiques). Le premier latin, l'autre grec? C'est pour les philologues.
Lisez Tertullien, vous en reviendrez peut-être, si vous ne mourrez pas par l'épais.
1) Or il y aurait une hypothèse toute neutre et toute simple, pas forcément simpliste, dont je m'étonnerais qu'elle n'ait pas encore été étudiée, selon laquelle au départ Rome n'aurait voulu que simplifier la transcription - l'écriture - du grec. D'où l'alphabet latin d'une part, d'où la reprise la plus simple en latin de la plupart des mots grecs, d'autre part.
Et Cortez m'a permis hier de mettre le doigt sur autre chose - que lui-même n'a pas du tout envisagée -, c'est que Rome avait une haute idée politique de «l'unité ou de l'entité romaine», formant un tout stable, équilibré, fondateur de légitimité, des plébéiens aux patriciens (SPQR). Rome aurait donc tenté, avec une très forte volonté et sans idée de mal faire, une fusion entre ce grec pour ainsi dire latinisé et la langue orale locale.
2) Toujours en positivant la démarche de Rome, il y aurait eu encore une volonté de rendre le grec plus accessible, ne serait-ce que pour l'unité de l'Empire ou pour faciliter son administration: j'ai été très frappé, en m'essayant à traduire les Actes, de l'étonnement et de l'admiration de Lysias, le gouverneur militaire romain de Jérusalem, quand Paul, pas fou, s'adresse à lui en grec: «Tu parles grec?». Oui, Paul répond simplement qu'il est de Tarse en Cilicie, donc citoyen romain, mais Lysias a compris immédiatement qu'il était un haut citoyen romain: c'est 400 soldats qu'il mobilisera en pleine nuit pour le sauver des 40 anathémistes et l'amener à Césarée, à 60 kilomètres, avec au moins un relais à mi-chemin. Pour un simple anthropos romanos? A d'autres.
Pourquoi Paul ne s'adresse-t-il pas à l'officier romain en latin, mais en grec, s'il veut simplement montrer qu'il est citoyen romain (anthropos romanos)?
Traduire le grec était probablement accessible,
Écrire le grec certainement difficile,
Et parler le grec, rare.
De fait, les choses auraient ensuite changé, c'est pour les linguistes et pour les historiens.
* oui, en y réfléchissant il n'est pas si simple de définir une langue artificielle, j'essaierai d'y revenir.
Edit: en ce qui concerne l'avènement du latin et de l'alphabet latin, j'avais complètement oublié le rôle qu'ont pu jouer les Étrusques (des Phéniciens, donc).
a contribué ensuite sous yd