aymon a écrit:Puisqu'on parle de jeux de mots et de tonton Victor, il en a sorti un superbe, avec son poème Booz endormi :
Tout reposait dans Ur et dans Jérimadeth
Les astres émaillaient le ciel profond et sombre
Le croissant fin et clair, parmi ces fleurs de l'ombre
Brillait à l'occident, et Ruth se demandait
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Jérimadeth sonne comme un beau nom biblique, alors qu'il est une farce grandiose : notre poète barbu était en panne de rime pour aller avec demandait et il eut soudain ce trait de génie de fabriquer son Jérimadeth qui, si l'on y prête garde, n'est qu'un « j'ai rime à -dait ».
Qui eût pu soupçonner le grand Victor d'être capable d'une telle farce ?
J'aime bien la définition de Jérimadeth que donnent Alberto Manguel et Gianni Guadalupi dans leur Dictionnaire des lieux imaginaires :
Ville du Proche-Orient, de quatre pieds de long, célèbre pour son calme, la nuit. Son nom rime avec la troisième personne de l'imparfait des verbes du premier groupe. On ne possède aucune autre information sur cette ville.
À part cela, Booz endormi est une mine d'humour plus ou moins caché.
Sans parler des délicates images « Booz vit un chêne qui, sorti de son ventre, allait jusqu'au ciel bleu » ou « Ruth, [...] le sein nu, espérant on ne sait quel rayon inconnu » qui font rigoler les élèves, il paraîtrait que c'est un obscur théoricien de la poétique, ayant affirmé qu'aucun poème ne saurait contenir trois « a » consécutifs, qui aurait conduit Hugo à :
« Les souffles de la nuit flottaient sur Galgala »
Quant à « Un frais parfum sortait des touffes d'asphodèle », il se trouve que la plante, sorte d'ail sauvage, aurait plutôt une mauvaise odeur !
Encore heureux que la dernière image « Cette faucille d'or dans le champ des étoiles » soit un des sommets de l'art hugolien !
Il n'y a pas de honte à préférer le bonheur. (A. Camus)