Sujet : Manifeste pour la défense et la diffusion de la langue du "Ave"
L'association des quartiers réputés de Grenoble:
Les trois « Ave » essentiels à la vie : Graillave / Pillave / Bouillave
Quand une meuf ne veut pas bouillave, vous pouvez tenter une deuxième approche dans un langage plus recherché et quelque peu didactique en lui proposant de carave. Si elle vous tourne alors fièrement le dos, aucune loi connue n’interdit (à condition d’y mettre les formes et de se couvrir élégamment) de lui demander si elle ne préfère pas se faire pounchave. En cas de nouveau refus, il n’y plus rien à gratter, et il vaut mieux se latchave en gentleman… Attention ! parler de pounchave est toujours considéré dans certains quartiers chics comme vulgaire et avilissant, mieux vaut donc s’en tenir au traditionnel bouillave si on ne veut pas porter atteinte à sa réputation d’homme de lettres et risquer de passer pour un parfait béotien, voire une sale racaille.
(Mise en garde particulière : Attention aussi à la confusion facile entre kerave et carave. Kerave veut dire embrasser, carave veut dire bouillave. Car même si quand on kerave on ne pense qu’à bouillave, il est d’usage de ne pas se trahir trop tôt avec un lapsus malencontreux, la gadji pourrait mal le prendre et se dégarave à notre barbe. Adieu alors la bonne carave!)
Latchave / Dégarave : Il ne semble pas y avoir de nuance particulière entre ces deux termes, peut-être que latchave s’emploie plus proprement à la première personne qu’à la deuxième : « Je me latchave de là », par contre : « Tu dégaraves ou je te marave ! ». Natchave pour Latchave est à éviter, barbarisme malencontreux (quoi qu’en dise le grand Robert) en vogue dans les années 70, mais qui ne s’est jamais vraiment imposé dans les milieux les plus savants, notamment de Teisseire et l’Abbaye. De toute façon reste toujours « dégarave » pour mettre tout le monde d’accord et ainsi éviter pour un malheureux mot une énième courave.
(Remarque particulière: Ne pas confondre dégarave et garave. Il faut employer dégarave quand on s’adresse à un lascar qui nous prend le chou et qu’on est à deux doigts de marave : « dégarave de là narvallo ! », garave s’adresse à un ami ou un complice éventuel qui se trouve dans une situation périlleuse : « Dicave les keufs, garave ! garave ! » : l’ami ou le complice peut alors tout blinder s’il n’a pas envie de courir, il peut aussi blinder en courant pour illustrer au mieux les deux sens de garave, mais l’entreprise est plus délicate.)
Courave / Marave : Une nuance subtile entre les deux termes a été relevée par un agrégé de renom (Maître en linguistique et diplômé de l’Ecole Supérieure de St-Martin-d’Hères) et semble devoir s’imposer dans le langage courant: marave signifie bagarre en tête à tête : « Je vais te marave ! », ou alors quand une seule personne reçoit tous les coups : « L’arbitre s’est fait marave », par un joueur ou toute l’équipe peu importe, il s’est fait marave de toute façon. La courave est une bagarre plus générale, qui oppose deux bandes rivales, deux quartiers ennemis, ou deux équipes de foot. « Une courave monstre entre Villeneuve et Mistral ! ». Une exception cependant, condamnée par les puristes, mais qui est parvenue à s’imposer sur les terrains (notamment du Village-Olympique), concerne l’expression « s’est parti en…» : on peut employer ici indifféremment marave ou courave. Dire par exemple : « A la mi-temps s’est parti en marave » ne doit pas (ou plus) être considéré comme incorrect même s’il y a eu une grosse courave!
Bédave : Fumer, mais uniquement dans le sens illicite du terme. Pour marquer un certain respect à ses professeurs, il vaut mieux bédave que pillave avant d’aller en cours : cela nuit moins à la participation. Bédave en cours ne se fait plus, comme quoi on ne perd pas que les mauvaises habitudes. Pour rouler son tarpé, c’est comme pour les devoirs de philo ou d’éco, une feuille simple suffit amplement, la feuille double est possible, mais le risque est grand de se faire rodave (repérer) par un CPE et mettre à l’amende par le proviseur qui, comme chacun sait, ne quitte jamais son pushka : prudence donc.
Chourave : Un terme incontournable, un des plus usité et pratiqué (variante acceptée « tchourave »), on peut chourave tout et n’importe quoi ; si on chourave trop ou mal on risque fort de se faire liave et de se retrouver en zonzon (gare alors à la pounchave qui guette !). « Se faire chourave » peut se dire mais c’est la latch (rien à voir avec latchave). « Se faire rouillave » est moins honteux et donc plus répandu.
Rouillave : du verbe rouillaver qui signifie duper, tromper, entuber, etc. surtout pour des questions d’argent, d’où l’expression courante : « Il m’a pas pessarave, (+ insulte conseillée, par exemple : « l’enculé de ses morts ! »), je me suis fait rouillave, (+ affirmation bien sûr qu’on ne va pas en rester là, par exemple : « je vais lui niquer sa race ! »). On peut évidemment échanger « ses morts ! » et « sa race ! » sans nuire à la portée et poésie de l’ensemble. Ce qui nous donne alors : « Il m’a pas pessarave l’enculé de sa race! Je me suis fait rouillave : je vais lui niquer ses morts !... Pour bien montrer sa détermination et ne pas déroger aux us et coutumes, il est de bon ton de conclure par un classique « la tête de ma reum ! » (ou remé pour ceux qui débutent), ou par un plus actuel « sur la Mecque ! ». Cette dernière exclamation gagne du terrain et tend à l’emporter de plus en plus dans les esprits, et ce malgré la résistance d’un courant laïque (ou athée ?) de l’Abbaye qui voit là une dérive religieuse dangereuse et discriminatoire, et exige que l’on rétablisse au plus vite le bon vieux et consensuel « la tête du juge ! »
Pessarave : terme apparemment inconnu des historiens, parfois des géographes, et pourtant d’un emploi on ne peut plus courant et même devenu classique comme l’atteste ce fameux vers qui nous vient de Fontaine: « Rien ne sert de pessarave, il faut se dégarave à temps »
Dicave : Regarder avec insistance, mais uniquement quelque chose qui peut éveiller en nous un vif intérêt (en bien ou en mal). Ainsi on ne dicave jamais ses cours le soir ou un livre de maths, mais on dicave une meuf, une Ferrari, ou les keufs. S’emploie le plus souvent à l’impératif : « Dicave la meuf comme elle est bonne! » (Celui qui ajouterait ici « à bouillave » commettrait un grossier pléonasme : à éviter donc.) Evidemment dicave s’emploie aussi au sens figuré (sans considération d’intérêt) comme synonyme de « sentir ». D’où la formule d’allure paradoxale et pourtant dès plus naturelle et justifiée: « Je ne peux plus le dicave, il candave trop sa mère! »
Candave : Ne jamais se marave avec quelqu’un qui candave ! Il vaut mieux se latchave et éventuellement aller le poucave aux keufs. On peut aussi dire chkindave (orthographe incertaine) au lieu de candave, cela ne change rien toutefois à l’odeur.
Poucave : Ne surtout pas confondre candave et poucave ! Faute grossière et inadmissible, condamnée formellement par l’Académie française et tous les gitans. Poucave signifie dénoncer et non puer ! avec les substantifs bien connus des spécialistes que sont la poucave au féminin ou le poucaveur au masculin. Un homme peut évidemment être une poucave, cela ne fait pas de lui sur-le-champ une tapette…
Pénave : terme peu connu, notamment dans le milieu des agrégés, le sens reste un peu flottant, synonyme de dire ou raconter, notamment dans l’expression : « Il entrave t’chi à ce que je pénave »
Entrave : Un classique que même les gens non cultivés connaissent : c’est le seul mot qu’ils entravent, avec aussi graillave et pillave pour ceux qui ont fait quelques études quand même.
Krindave : Terme un peu vieilli, mais dont l’emploi (sans restriction grammaticale) a été confirmé par un docteur ès « Ave ». Sens large : fatigué, vidé, n’être plus en état de se marave : « Ce boulot ou, plus sérieusement, cette bouillave m’a krindave cher ». Sens strict : se mettre minable, être mort pilot ou mort cramé : « Il s’est krindave cher la gueule » (On remarquera au passage combien « cher » accompagne avec bonheur krindave en toutes circonstances). « Krindave mort » se dit toujours mais l’expression, sous cette forme, est devenue quelque peu désuète ou précieuse, et tend de plus en plus à être supplantée par le plus vivant et moderne « mort krindo ». Certains puristes s’inquiètent et dénoncent cette dérive de la langue, significative selon eux du laisser-aller de notre société et du manque de repères dont souffre la jeunesse grenobloise. Ils implorent les enseignants de se faire les défenseurs d’un « Ave » en constant recul ces dernières années. Ils rappellent qu’on doit dire à ses élèves qu’il n’est pas possible de bien travailler quand on est « krindave mort » ou « krindave cher », et non pas quand on est « mort krindo ». A ce sujet, une pétition pour le maintien et la promotion du « Ave » et le respect indéfectible que chacun doit à la langue de sa reum va bientôt circuler.