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Le forum d'ABC de la langue française

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forum abclf » Réflexions linguistiques » Le mot "tabou" : pas de contraire en français; dans d'autres langues?

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Messages [ 36 ]

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Sujet : Le mot "tabou" : pas de contraire en français; dans d'autres langues?

Bonjour,

En français, on emploie l'expression "briser un tabou", on veut parler "sans tabou"... Il semble que la langue française n'ose pas franchir le pas et manipuler le mot TABOU lui-même : l'action de "briser un tabou", c'est une détabufication ??? Et le fruit de cette action, c'est un "dé-tabou" ???

D'autres langues ne sont-elles plus à l'aise pour inverser/briser le tabou ?
"An untaboo" est-il reconnu en anglais ? En allemand, il m'a semblé rencontré un jour un verbe (detaburen???) qui signifiait "briser un tabou" ?

Pouvez-vous m'éclairer ? Merci !

Re : Le mot "tabou" : pas de contraire en français; dans d'autres langues?

Bonjour,

Que penseriez-vous de détabouiser, détabouisation ?

Re : Le mot "tabou" : pas de contraire en français; dans d'autres langues?

Nous n'avons pas non plus de verbe pour exprimer "rendre quelque chose tabou".

Il y a ce qui est tabou (défendu, interdit, intouchable) et ce qui ne l'est pas (permis, autorisé...)

"La douceur est invincible." Marc Aurèle

Re : Le mot "tabou" : pas de contraire en français; dans d'autres langues?

J'ai vu dans le TLFi tabouer, tabouiser, tabouisation, taboué

Re : Le mot "tabou" : pas de contraire en français; dans d'autres langues?

Chris2006 a écrit:

"An untaboo" est-il reconnu en anglais ? En allemand, il m'a semblé rencontré un jour un verbe (detaburen???) qui signifiait "briser un tabou" ?

Il existe en effet en allemand le verbe transitif enttabuisieren dont j'ai franchement ignoré l'existence jusqu'il y a quelques minutes... big_smile

Ceci devient vraiment insignifiant. - Pas encore assez.

6 Dernière modification par Pearl (06-06-2006 14:39:43)

Re : Le mot "tabou" : pas de contraire en français; dans d'autres langues?

On trouve  tabouer (FEW*, 1822), tabouiser (Cocteau, 1953) et tabouisation également dans le Larousse étymologique et historique du français (1993).

Sur Google, tabouer : 7410 occurrences, tabouiser, 2210 et tabouisation, 307. 

* Petite question incidente (pour enrichir ma culture) aux érudits du forum : à quoi se rapportent les initiales FEW ?

"On ne fait jamais d'erreur sans se tromper."  J. Prévert.

Re : Le mot "tabou" : pas de contraire en français; dans d'autres langues?

J'suis pas érudite mais il me semble que FEW est l'abréviation de Französisches Etymologisches Wörterbuch (voir ce lien)

A confirmer

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Re : Le mot "tabou" : pas de contraire en français; dans d'autres langues?

Pearl, citant ses sources, a écrit:

On trouve  tabouer [...], tabouiser [...] et tabouisation ...

Quelles horreurs ! Et on chipote sur praticité ou samdim !! ??  J'le crois pas ! mad

elle est pas belle, la vie ?

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Re : Le mot "tabou" : pas de contraire en français; dans d'autres langues?

C'est tout le problème des mots que l'on importe d'une langue étrangère ! Il faut bien fabriquer les dérivés qui vont avec ! smile

Nul besoin de froncer le sourcil ! On peut aussi s'en tenir à de jolies périphrases. wink

Et au passage,  merci Orientale pour la réponse à FEW, d'après le contexte, je pense qu'il s'agit bien  de cette référence (mais votre lien est inopérant).

"On ne fait jamais d'erreur sans se tromper."  J. Prévert.

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Re : Le mot "tabou" : pas de contraire en français; dans d'autres langues?

Pour le FEW :

http://www.atilf.fr/scripts/mep.exe?HTML=mep_few.txt

Re : Le mot "tabou" : pas de contraire en français; dans d'autres langues?

Tabou, c'est ce que j'ai trouvé de mieux pour rendre le latin sacer !
D'où sacraliser, désacraliser, sacralisation, désacralisation, qui existent et qu'il suffirait de remettre en selle : le sacré, c'est l'intouchable, le radio-actif.
La radio-activité peut être bonne, elle peut être mauvaise, exactement comme le sacré et le tabou.

Mais ici, je sors du sujet, car je traite de la chose, et non du mot.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

Re : Le mot "tabou" : pas de contraire en français; dans d'autres langues?

Bonjour,

Pourquoi pas dire "extraire l'élément tabou de" pour exprimer l'idée de "détabouiser"?   Pas besoin de fabriquer un seul mot pour faire comme l'anglais.  Pas de raison du tout!

Le français sait très bien se débrouiller lui-même sans importations/emprunts linguistiques.

Tout est vacuité -- s'en rendre compte jusqu'aux os, c'est la libération totale!

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Re : Le mot "tabou" : pas de contraire en français; dans d'autres langues?

Quelle curieuse levée de boucliers contre des dérivés parfaitement légitimes !

1. Tabou est un mot polynésien venu en français par l'intermédiaire de traductions des Voyages de Cook (en anglais, c'est taboo : la francisation a parfaitement opéré).

2. Tabouer est utilisé dès le début du 19e siècle (à la fin du 18e sous des formes d'apparence plus anglaises), et le TLF lui consacre un article bien documenté - citations, etc. - mise à part une erreur (coquille) sur la date de Cook. Google offre une quantité d'occurrences.

3. Tabouiser, avec tabouisation, est cité comme variante dans le même article du TLF. Nettement moins d'occurrences sur Google.

4. Cependant, sur Google toujours, détabouer est à peine représenté, alors que détabouiser a une représentation honorable. Le mot semble apparaître surtout dans des contextes sociologiques. On le trouve aussi sur des sites étrangers (Suisse, Maroc).

5. Le suffixe -iser et le préfixe dé- sont bien français, et servent à former une grande quantité de mots aujourd'hui. A moins de refuser toute néologie, même sur des bases purement françaises, quelle raison y a-t-il de se scandaliser à propos de détabouiser ? L'esthétique ? Ce serait bien futile. Des goûts et des couleurs...

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Re : Le mot "tabou" : pas de contraire en français; dans d'autres langues?

L’analogie avec sacré est excellente : ce mot (proche en sens de tabou) a effectivement été travaillé naturellement par la langue avec suffixes/préfixes… (sacraliser, désacraliser, sacralisation, désacralisation)

Mais les déclinaisons du mot tabou (Tabouer, Tabouiser, tabouisation, détabouer, détabouiser) que vous relevez (merci à tous !) ne sont jamais rentrés dans la langue courante, malgré leurs âges canoniques (plus de 2 siècles !)

Je ne sais pas si c’est le lieu pour en parler mais c’est un beau sujet : n’y a-t-il pas derrière cette « sanctuarisation » du mot tabou un frein, une pudeur culturelle ?
=> Le tabou serait-il plus immuable, intouchable, sacré, que le sacré lui-même ?
Si la langue française n’intègre pas détabouer / tabouer, cela veut-il dire que, dans la pensée française, ce qui est tabou sera toujours tabou / de nouveaux tabous ne peuvent pas naître ?

Visiblement en langue allemande, enttabuisieren est d’emploi aussi rare ? Et en anglais ? Et dans d’autres langues-d’autres cultures, conçoit-on plus facilement qu'un tabou peut avoir une fin / un début ?

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Re : Le mot "tabou" : pas de contraire en français; dans d'autres langues?

Pierre Enckell a écrit:

Le suffixe -iser et le préfixe dé- sont bien français, et servent à former une grande quantité de mots aujourd'hui. A moins de refuser toute néologie, même sur des bases purement françaises, quelle raison y a-t-il de se scandaliser à propos de détabouiser ? L'esthétique ? Ce serait bien futile. Des goûts et des couleurs...

Je suis moi aussi persuadé que le refus de néologismes comme "tabouiser" ou "détabouiser" a des raisons futiles. Pas fondamentalement injustifiables cependant:

"Tabouiser" et son contraire ont deux choses contre eux:
1) "iser" a beau être un suffixe très productif en français, on le trouve généralement au contact d'une consonne (bémoliser, crétiniser).
2) "boui" est une séquence rare, qu'on trouve notamment dans "boui-boui", "bouille", "tambouille"… Dans la mesure où un mot est rare et/ou nouveau, il subit l'attraction "phono-sémantique" des mots qui lui ressemblent : dit plus simplement, "tabouiser" semble comique, ce qui est en contradiction avec l'idée de respect propre au mot "tabou".

Mais ces "arguments" n'ont pas de poids réel : "tabouiser" doit exister parce qu'il est simple, clair et nécessaire.

Si on écoutait ceux qui disent que "tabouiser" est inutile car "rendre tabou" et "sacraliser" existent, on pourrait alléger le français des milliers de mots qui font double emploi : les verbes comme bleuir, jaunir, rajeunir, vieillir, etc.  qui peuvent avantageusement être remplacés par "devenir ~" ou "rendre ~". Et pourquoi ne pas continuer : jaunissement, veillissement, peuvent devenir "le fait de rendre/devenir ~ " et ainsi de suite avec les noms en  -ation, les adverbes en -ment, etc. etc.

Je trouve assez paradoxal que ceux qui ailleurs fustigent les emprunts à l'anglais refusent les néologismes qui pourtant enrichissent le français en respectant son génie...

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Re : Le mot "tabou" : pas de contraire en français; dans d'autres langues?

Eritsuku a écrit:

Je trouve assez paradoxal que ceux qui ailleurs fustigent les emprunts à l'anglais refusent les néologismes qui pourtant enrichissent le français en respectant son génie...

Tout à fait d'accord.
En matière de langue, l'esthétique, c'est parfois seulement la familiarité ou l'habitude (cf. l'euro) : tous ces mots ne semblent laids à notre oreille que parce qu'ils sont rares (aucun *ouiser dans lexique.org), et parce que nous avons perdu ici comme ailleurs toute forme d'audace (pourtant, pas de problème à faire tatouer de tatoo).
C'est ici que je reviens à mon dada : c'est la faute au conservatisme, au gagadémisme et à la servitude. Infoutu d'oser utiliser un mot, même quand il est attesté... Les plus illustres défenseurs de la langue française, qui ne sont pas les plus connus, ce sont les traducteurs (Bersuire, Oresme pour les anciens) et les auteurs/écrivains qui ont créé des mots quand ils en avaient besoin sans se demander s'ils étaient «autorisés».

Re : Le mot "tabou" : pas de contraire en français; dans d'autres langues?

Ce que tabouer a contre lui, c'est d'être imprononçable, ou de faire penser à un tabouret, tabouwet !
Tabouiser ne vaut guère mieux, et s'il n'a pas pris, cest sans doute à cause de l'involontaire concurrence de Geneviève Tabouis, une journaliste très écoutée (et raillée) dans les années 30-50. A se demander, faute de contexte, si Cocteau ne la visait en employant le mot en 1953.

Mieux vaudrait tabouliser (pas tabouler, non !) et détabouliser.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

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Re : Le mot "tabou" : pas de contraire en français; dans d'autres langues?

P'tit prof a écrit:

Ce que tabouer a contre lui, c'est d'être imprononçable

Oui ? Aussi imprononçable que des mots comme allouer, renouer, boueux ?

Quant à -ouiser, où oui est sûrement dissyllabique lui aussi et diffère donc de boui-boui /bwi-bwi/, on peut lui comparer des termes aussi inusités que Louisette et Louison...

Allons, mesdames et messieurs les horrifiés, proposez-nous de meilleurs arguments !

Re : Le mot "tabou" : pas de contraire en français; dans d'autres langues?

Tiens !
Je prononce lwizet, moi, exactement comme bwi-bwi !

Et puis usités, usités... depuis la mort de Bobet, qui parle encore de Louison, hors les représentations du Malade Imaginaire ?

Je veux bien retirer imprononçable, mais je maintiens insolite, curieux à l'oreille. Ma petite intervention n'est nullement un argument, mais une tentative d'explication.
Il y aurait d'ailleurs une étude phonétique à faire : pourquoi allouer, boueux, taboulé, et pas tabouer ?
Sans doute (mais je monte plus haut que la sandale), parceque après la dentale té,  le a antérieur, et le ou, qui ont mis la langue au bord des dents, il est difficile prononcer une voyelle postérieure. Taboulé passe grâce au lé, mais la transition est plus rude dans tabouer.

Cependant, j'aimerais comprendre la logique de mon interlocuteur, qui met en avant la force de l'usage pour justifier l'emploi erroné d'un terme, et qui refuse de s'incliner devant le même usage, quand cet usage repousse un néologisme.
Parce que les pauvres horrifiés de ce forum ne forment pas une force de pression suffisante pour le rejet de ce terme par le locuteur lambda !

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

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Re : Le mot "tabou" : pas de contraire en français; dans d'autres langues?

Eritsuku a écrit:

"boui" est une séquence rare, qu'on trouve notamment dans "boui-boui", [...] dit plus simplement, "tabouiser" semble comique, ce qui est en contradiction avec l'idée de respect propre au mot "tabou".

Oui, Eritsuku a probablement en partie raison : en outre, le phonème oui évoque (à mes oreilles du moins) la mouise, et le mmoui dubitatif, soit rien de bien folichon.
    Je ferai cependant remarquer que, si j'ai accusé ces mots (tabouiser et consorts) d'être des horreurs, d'abord je n'en ai nullement condamné l'usage par qui qu'en veut (je me réserve le droit imprescriptible de ne pas les utiliser), ensuite je me suis surtout insurgé contre d'aucuns qui rouspètent contre certains néologismes (praticité par exemple) et qui, peut-être, accepteront celui-là.
   Je dois à la vérité de dire que je n'ai pas été vérifier si ceux-là et ceux-ci sont les mêmes.

    Par contre, la piste menée par Chris me paraît féconde, sinon fondée :

n’y a-t-il pas derrière cette « sanctuarisation » du mot tabou un frein, une pudeur culturelle ?
=> Le tabou serait-il plus immuable, intouchable, sacré, que le sacré lui-même ?

Effectivement, le tabou me semble plus intouchable que le sacré : celui-ci doit être respecté ou répudié, celui-là ne peut être transgressé. Je proposerais un exemple : les enfants sont sacrés, mais l'inceste est tabou.
  Serait-ce pour cela qu'on ne lève pas aisément un tabou ?

    In fine, je reconnais volontiers que mes argumerntts pour ne pas utiliser tabouiser ou détabouiser, sont sinon irrecevables, du moins peu pertinents : je ne prétends les imposer à personne, mais on ne m'empêchera pas de, comme le dit Pearl, 

[m']en tenir à de jolies périphrases.  smile

Par contre, on ne peut retenir conre tabouiser ou  détabouiser sa méconnaissance par le grand public, la majorité des locuteurs, car alors autant ne pas admettre hagiographie, sycophante ou  sérendipité ...

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Re : Le mot "tabou" : pas de contraire en français; dans d'autres langues?

P'tit prof a écrit:

Cependant, j'aimerais comprendre la logique de mon interlocuteur, qui met en avant la force de l'usage pour justifier l'emploi erroné d'un terme, et qui refuse de s'incliner devant le même usage, quand cet usage repousse un néologisme.

L'allusion concerne apparemment une discussion précédente concernant le sens du mot éponyme.

Ce n'est pas vraiment le même cas ici. "L'usage" ne peut à proprement parler repousser un mot : dans le cas présent, ce sont des individus qui, par un  sentiment personnel, trouvent qu'un mot est laid, et proposent d'autres termes pour le remplacer. Pourquoi pas ? Si leur usage prévaut, la langue s'y conformera.

Mais jusqu'à présent, comme le confirment tous les exemples, les mots tabouer, tabouiser et détabouiser sont usités, et  ceux qu'on nous propose ne le sont pas.

Le voilà, l'usage, non ? Je ne vois pas ce que P'tit prof trouve illogique dans cette affaire, et son raisonnement me laisse perplexe. J'ai cherché à montrer que le mot "éponyme" pouvait désigner le comparé (la poubelle, par rapport au préfet Poubelle) puisque ce terme était souvent utilisé dans ce sens ; je dis que les dérivé de "tabou" sont acceptables, puisqu'ils sont souvent utilisés eux aussi. Où diable, de bonne foi, est la contradiction ?

Re : Le mot "tabou" : pas de contraire en français; dans d'autres langues?

Mais jusqu'à présent, comme le confirment tous les exemples, les mots tabouer, tabouiser et détabouiser sont usités, et  ceux qu'on nous propose ne le sont pas.

Usités ?
?????????????????????????????????????????????????????????????????????????????

Première nouvelle !
Je ne les avais jamais rencontrés avant la présente discussion (certes, je ne suis pas le mètre-étalon du pavillon de Breteuil à Sèvres, mais j'ai tout de même des lectures ! Notamment René Girard, qui aurait l'usage de ces termes...) Il faut croire, d'ailleurs, que je ne suis pas seul à les ignorer :

En français, on emploie l'expression "briser un tabou", on veut parler "sans tabou"... Il semble que la langue française n'ose pas franchir le pas et manipuler le mot TABOU lui-même : l'action de "briser un tabou", c'est une détabufication ??? Et le fruit de cette action, c'est un "dé-tabou" ???

Ces mots sont dans des dictionnaires, ce qui ne signifie pas qu'ils courent les rues !

Il semblerait donc que l'usage souverain les rejette, du moins vu de ma chaise.

Sat prata biberunt.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

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Re : Le mot "tabou" : pas de contraire en français; dans d'autres langues?

On dispute, on dispute, mais au fond, nous sommes tous d'accord :
-il existe des dérivés de «tabou», bien attestés et enregistrés par les dictionnaires, sans risque donc, permettant d'éviter les périphrases, que chacun est libre de ne pas employer. C'était la réponse à la question, brillamment résolue
-au point de vue de l'euphonie, tabouiser heurte certaines oreilles, d'accord, mais n'est pas impossible, et on n'a pas tort d'appeler Louison à la barre. Quand on apprécie la langue classique, on pourrait se laisser aller au point d'y trouver un argument en faveur de «tabouiser». Si, si. On peut ajouter qu'en argot (ancien), on a : rebouiser/rébouiser (nombreux sens) ; bouiser (fouetter) ; ribouiser/rebouis(s)er (remettre un soulier en l'état, faire briller pour un cordonnier). Rebouiser et rebouisage sont dans Littré. On pourrait pousser le raisonnement et remarquer que la séquence : *ouiser est ancienne (donc vraiment française, si l'on veut suivre l'idéologie nationaliste d'après laquelle plus un mot est ancien plus il est français).
-et puis, comme cela a été dit plus haut, tabouer est plus fréquent, nettement, très nettement, que tabouiser.
Donc, tout le monde est d'accord.

Ce sont des mots rares, assurément, mais bel et bien des mots usités : ce ne sont pas des hapax, ni des créations poétiques, ésotériques et individuelles du Moi créateur. M'est avis que l'usage ne les rejette pas. Regardez dans google, et google print pour trouver quelques attestations anciennes et intéressantes. On se doute bien qu'ils ne courent pas les rues, mais leur existence est bien avérée et bien ancienne.
Enfin bref, ne nous embarquons pas dans un débat oiseux. Il y ara d'autres occasions de ne pas être d'accord pour ne pas en inventer smile

Re : Le mot "tabou" : pas de contraire en français; dans d'autres langues?

Il n'a pas été répondu à ma question :
Cocteau, parlant de tabouiser faisait-il ou non un calembour aux dépens de l'honorable dame Geneviève Tabouis ?

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

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Re : Le mot "tabou" : pas de contraire en français; dans d'autres langues?

P'tit prof a écrit:

Cocteau, parlant de tabouiser faisait-il ou non un calembour ?

Non. La citation de Cocteau peut se lire dans le Grand Robert de 1985, tome 9, p. 127 (et sans doute dans les éditions ultérieures). Elle comprend aussi le participe passé détabouisé. Le mot précédent, tabouisation, est illustré par un autre passage du même ouvrage. Il n'y a de calembour ni dans l'un, ni dans l'autre de ces textes.

Re : Le mot "tabou" : pas de contraire en français; dans d'autres langues?

Adoncques, je suis trop petit seigneur pour avoir droit à la dite citation... Pas même au nom de l'ouvrage dont elle est tirée !

Si je répondais comme ça à mes élèves...

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

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Re : Le mot "tabou" : pas de contraire en français; dans d'autres langues?

Cher et irritable P'tit prof, ne prenez pas la mouche comme ça. La citation pour tabouiser est un peu longue, et je pensais qu'on me croirait sur parole. Celle pour tabouisation se trouve dans le TLFi, au mot tabouer. N'avez-vous donc pas consulté cet article avant d'intervenir ?

Re : Le mot "tabou" : pas de contraire en français; dans d'autres langues?

M'enfin, je ne suis pas votre seul interlocuteur !
Pensez aux autres, aussi, qui ont le droit de voir satisfaire leur curiosité sans avoir à feuilleter un ouvrage que peut-être ils ne possèdent pas (ce qui est mon cas : j'en suis resté à l'édition en sept volumes).

Et puis non, en ces matières, il n'y a lieu de croire personne sur parole, pas même les lexicographes ! Avez-vous vérifié que Cocteau dit bien ce qu'on lui fait dire ?

Je pose la question sérieusement : en ces lieux, nous avons suffisamment déploré que les lexicographes se copient les uns les autres pour ne pas vérifier leurs dires, dans la mesure de nos moyens.

Mais puisque nous en sommes aux aveux, non, c'est ma faute, c'est ma faute, c'est ma très grande faute, je n'ai pas consulté le TLFi, parce, faute plus grande encore, je ne possède pas cet ouvrage.
Ai-je l'absolution, mon Père ?

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

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Re : Le mot "tabou" : pas de contraire en français; dans d'autres langues?

Non, je n'ai pas vérifié si Cocteau a bien dit, ou plutôt écrit, la citation en question. Sa première apparition en lexicographie est dans le Dictionnaire des anglicismes de Manfred Höfler, qui était un maniaque de la précision selon toutes les personnes du métier, et je l'imagine mal déformant à ce point un texte de plusieurs lignes. Il me semble que votre méfiance est exagérée dans le cas actuel. 

Pour le reste, excusez-moi. Je croyais que vous saviez qu'on ne peut pas posséder le TLFi, car il s'agit d'un dictionnaire en ligne (sur internet), d'ailleurs identique, pour ce qui est des articles, au TLF imprimé.

Si vous cliquez sur la ribambelle suivante (ou si vous la reproduisez dans la ligne "Adresse", en cliquant ensuite sur OK) :

http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/t … m;java=no;

vous arriverez sur une page permettant d'en consulter n'importe quel article.

Pour éviter d'avoir à retaper la formule : une fois ouverte la page en question, sans inscrire quoi que ce soit dessus, cliquez sur "Favoris" en haut de l'écran et suivez les indications : une petite icône apparaîtra alors dans une colonne à gauche (c'est du moins le cas sur mon PC), et il vous suffira par la suite de cliquer dessus pour voir apparaître la page d'ouverture du TLFi. Vous verrez, c'est un dictionnaire passionnant à consulter. On peut y passer des heures.

30

Re : Le mot "tabou" : pas de contraire en français; dans d'autres langues?

J'aurais dû préciser qu'en cliquant sur "Favoris" la colonne de gauche apparaît, et qu'il faut ensuite cliquer sur "Ajouter...", puis sur OK dans la fenêtre qui s'ouvrira.

Je ne suis pas un grand spécialiste de l'internet, et j'ai essayé de vous expliquer le processus avec mes propres mots. Peut-être un pédagogue plus éclairé pourra-t-il vous aider, si vous n'y parvenez pas.

Re : Le mot "tabou" : pas de contraire en français; dans d'autres langues?

Oufffffffffffffffff !

Je me calme, car il n'y a pas de quoi se fâcher.

Quelques mots d'explication, cependant : ici, je ne suis pas devant mes élèves, je ne prépare pas mes interventions, je réponds au fil de la plume qui est ici un clavier.
Ce lieu est pour moi un salon, comme il en existait au siècle des Lumières, où l'on échange entre gens de bonne compagnie, sans pédantisme aucun. C'est pourquoi, quand je suis certain de savoir une chose, je ne prends pas la peine de la vérifier préalablement. C'est absolument sans conséquence, car si je me trompe, je suis corrigé.

D'autre part, pourquoi aurais-je eu besoin de consulter un dictionnaire pour savoir que je n'ai jamais rencontré aucun des composés de tabou dans mes lectures ?
Pourquoi aurait-il fallu que je consulte un dictionnaire pour dire que tabouer est imprononçable ? Par contre, je me suis entraîné à le dire... Je prononce taboulé, je prononce tabouret, je prononce cabrouet, tabouer medemande un effort !
Quel lexicographe peut dire cela à ma place ?

Le malentendu est parti de usité.
Usité, pour moi, signifie fréquent. Est usité un terme que j'entends employer par mes élèves, et en ce sens, à part tabou, aucun mot de la famille de tabou ne l'est.
Pour vous, donc, cela signifie simplement existant, et, si je vous suis, vous direz qu'un hapax est usité, alors que pour moi, un hapax est inusité.
Vous m'accorderez bien que la famille tabou ne court pas les rues ! Et vous m'accorderez le droit ne ne pas pouvoir le prononcer... ainsi que celui de lire dans son contexte une phrase d'un auteur que par ailleurs j'apprécie. Me dire que cette phrase se trouve à la page tant d'un dictionnaire ne pouvait pas satisfaire ma curiosité. Si c'est trop long pour être recopié, dites-moi plutôt dans quel texte de l'auteur je puis la retrouver.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

32

Re : Le mot "tabou" : pas de contraire en français; dans d'autres langues?

P'tit prof a écrit:

vous direz qu'un hapax est usité, alors que pour moi, un hapax est inusité.

Une dernière précision. Il n'y a pas de "pour vous" et de "pour moi", et je n'ai jamais parlé de hapax. "Usité", en parlant d'un mot, signifie "qui est en usage, couramment employé" comme vous pouvez désormais le lire dans le TLFi. Quand on veut parler de donner un caractère tabou à quelque chose, les mots usités sont tabouer, tabouiser, tabouisation. Bien évidemment, quand ce n'est pas le sujet, on ne les emploie pas.

                                                                 * *  *

Mais je dois m'expliquer, moi aussi. Je ne conçois nullement ce forum comme un lieu où l'on donne son sentiment, son goût ou son opinion. Il y a autant d'opinions qu'il y a d'individus, et il m'indiffère de savoir ce que tel ou tel considère personnellement. Cela le regarde, et pas moi.

Je n'aime pas parler pour parler. Comme il est bien rare que je sois certain de savoir une chose,  j'effectue généralement une vérification préalable avant de fournir un argument - du moins quand il s'agit de textes écrits et destinés à rester disponibles quelque temps, comme c'est le cas pour ceux-ci.

J'ai ainsi essayé, depuis quatre ou cinq mois que je participe au forum, de donner chaque fois des sources, des références, des attestations permettant d'en savoir plus sur tel mot, tel usage, telle forme. J'ai tâché d'en tirer des conclusions honnêtes. J'ai cru - je crois - que c'était utile, et que cela permettrait à chacun de vérifier ou d'augmenter ses connaissances.

C'est aussi un peu ingrat. La plus grande part de ces données est en ligne - Grevisse même y est maintenant, semble-t-il - et les curieux peuvent donc les trouver comme moi, avec un effort minime. J'avoue que ce rôle de poteau indicateur commence un peu à me lasser. Pour un échange fructueux (comme, il y a peu, celui concernant un mot inventé par Jean d'Ormesson), combien d'autres conduisent à des dialogues de sourds comme celui qui se termine ici.

J'ai écrit plus haut : "Une dernière précision." Je me retire en effet de ce forum. Temporairement peut-être, on verra. Mais pour le moment, je supprime ABC Forum dans ma liste de favoris. Inutile, donc, de me répondre sur ce fil.

Re : Le mot "tabou" : pas de contraire en français; dans d'autres langues?

La citation de Cocteau se trouve également dans le Supplément du Robert en 7 volumes.
La voici, il serait dommage de s'en priver.
C'est tiré de son Journal d'un inconnu, ouvrage que je ne connais pas. Le passage a trait à la création de Bacchus :

...j'ai sans doute retiré ma pièce à Vilar parce que la presse le tabouisait au maléfice de Jean-Louis Barrault, tabou de la veille, détabouisé du jour au lendemain, sans autre raison que cette bougeotte d'une ville qui court d'idole en idole et ne s'amuse qu'à briser ses jouets.

Bénéfice :
lire les occurrences de tabou, tabouiser et détabouiser, qui formaient l'objet de la discussion ;
découvrir une jolie tournure :  « tabouisé au maléfice de Barrault », dérivée sur « au bénéfice »  ;
avoir un bel aperçu du caractère de Cocteau qui ne se laissait pas dicter ses choix par quelque snobisme que ce soit ;
apprendre que Cocteau tenait son journal et que ce journal est publié, ce que, pour ma part, j'ignorais.

Pour ceux qui comme moi voulaient connaitre la phrase exacte de Cocteau, au lieu de se contenter de croire sur la parole d'un autre que cette phrase existe. Savoir qu'elle existe ne nous dit pas ce qu'elle dit...

P.S. La création de Bacchus donna lieu à un scandale bien parisien, et François Mauriac prit sa plume pour anathémiser Cocteau, qui, selon Mauriac, avait blasphémé. Rien de moins... Tout cela est bien oublié, et Mauriac plus encore que Cocteau.

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Re : Le mot "tabou" : pas de contraire en français; dans d'autres langues?

Le Grand Robert, qui, comme l’a signalé Pierre Enckell, recense le mot tabouiser (mais pas détabouiser), indique comme prononciation pour ce mot /tabwize/ et /tabuize/ — deux prononciations admises donc. Mais le problème, et le malaise que ressentent certains ici devant ce mot, ne viendrait-il pas de la première prononciation? Dans celle-ci en effet, le mot tabou cesse d’être détectable, reconnaissable en tant que tel, se fond dans son dérivé, et les associations intempestives avec cambouis et tous les autres mots cités ci-haut deviennent alors possibles. Ne conviendrait-il pas par conséquent d’éviter la prononciation /tabwize/ et de privilégier /tabuize/, mieux: de bien marquer que la prononciation correcte est /tabuize/ en notant un tréma sur le i? On remarquera que dans le vocable allemand rapporté par Andreas, la voyelle u, loin de se transformer en semi-consonne, reste un u franc, et se détache même du i qui le suit par une petite pause (enttabu-isieren).

Re : Le mot "tabou" : pas de contraire en français; dans d'autres langues?

Il me semble que ce malaise est l'indice du peu de fréquence du mot : ce sont les termes rares qui semblent bizarres et imprononçables.
C'est ce qui me fait dire que ces mots, déjà utilisés par Jules Verne (merci le Tfi), ne sont pas très usités.
Les citations d'ailleurs sont révélatrices : à part Jules Verne qui utilise bien tabouer dans le sens propre de frapper d'un interdit, les auteurs en font un usage métaphorique.
J'ai rapporté plus haut la phrase de Cocteau.
Or Cocteau a composé une Antigone, un Œdipe, la Machine infernale. On s'attendrait à ce qu'il y emploie tabou, tabouiser et détabouiser. Hé bien non.
Même remarque pour René Girard :s'ilvprononce tabou quand il fait une critique ravageuse de Totem et Tabou de Freud, il  n'emploie ni tabouiser, ni détabouiser, alors qu'il en aurait l'usage.

Bref, tabouer/tabouiser existe, mais il ne se trouve pas là où on l'attendrait, d'où l'impression de rareté qu'il donne.

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Re : Le mot "tabou" : pas de contraire en français; dans d'autres langues?

Je suis allé faire un tour sur un site passionnant, fait par l'Université Descartes, qui donne les fréquences des mots française.
Ce site ignore et tabouer et tabouiser...

Cela prouve que ces mots ne figurent pas dans le corpus considéré, mais cela me conforte dans mon impression que ces termes ne courent pas les rues, qu'ils ne sont pas usités.

P.S. Je n'ai pas eu à chercher loin : ce site est donné par les liens du présent forum.

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