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forum abclf » Le français et les autres langues » Poésie traduite . Brentano et Apollinaire

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Messages [ 31 ]

1 Dernière modification par regina (22-10-2024 10:50:10)

Sujet : Poésie traduite . Brentano et Apollinaire

Comme je l’indiquais, le poème d’Apollinaire " La Loreley   est une traduction adaptée du poème de Clemens Brentano ( poète romantique allemand ) , composé en 1802 : " Lore-Lay"

Apollinaire ne traduit pas tout ,raccourcit le poème, en ce sens, c’est une adaptation mais il s’agit pourtant bien d’une transposition française de ce poème allemand, par la plume d’une grand poète qui crée ainsi également de la poésie.

BR = Brentano

TL = traduction littérale voire littéraire

Apo= Apollinaire


1) BR

Zu Bacharach am Rheine
Wohnt' eine Zauberin
Sie war so schön und feine
Und riß viel Herzen hin.
  Und brachte viel zu Schanden
Der Männer ringsum


TL

A Bacharach sur le Rhin
Demeurait une ensorceleuse ;
Elle était si belle et si délicate
Qu’elle séduisait tous les cœurs.
Bien des hommes, à l’entour,
Elle mena au déshonneur ;
Nul ne put jamais échapper
A l’emprise de son amour.

APO

A Bacharach il y avait une sorcière blonde
Qui laissait mourir d'amour tous les hommes à la ronde

" Wer fremde Sprachen nicht kennt, weiß auch nichts von seiner eigenen."   J.W.v.Goethe

2 Dernière modification par regina (21-10-2024 16:08:03)

Re : Poésie traduite . Brentano et Apollinaire

Suite :

2 )

BR  :

Der Bischof ließ sie laden
Vor geistliche Gewalt -
Und mußte sie begnaden,
So schön war ihr’ Gestalt.

Er sprach zu ihr gerühret:
»Du arme Lore Lay!
Wer hat dich denn verführet
Zu böser Zauberei?«

TL


L’évêque la fit mener
Devant le tribunal de l’Eglise
Mais il dut la gracier
Tant sa beauté était grande.
« Pauvre Lore Lay !
Lui dit-il d’une voix fort émue :
Qui donc t’a conduite
Sur la pente néfaste de la magie ?

APO

Devant son tribunal l'évêque la fit citer
D'avance il l'absolvit à cause de sa beauté

Ô belle Loreley aux yeux pleins de pierreries
De quel magicien tiens-tu ta sorcellerie

" Wer fremde Sprachen nicht kennt, weiß auch nichts von seiner eigenen."   J.W.v.Goethe

3 Dernière modification par regina (21-10-2024 16:08:28)

Re : Poésie traduite . Brentano et Apollinaire

Suite 3


BR

Herr Bischof laßt mich sterben,
Ich bin des Lebens müd,
Weil jeder muß verderben,
Der meine Augen sieht.

Die Augen sind zwei Flammen,
Mein Arm ein Zauberstab -
O legt mich in die Flammen!
O brechet mir den Stab!«

Tl

Monseigneur, de grâce, laissez-moi mourir,
Je ne tiens plus à la vie
Car celui qui voit mes yeux
Est condamné à périr.
Mes yeux sont pareils à des flammes
Et mon bras est une baguette magique ;
Ah, jetez-moi dans les flammes
Brisez donc ce pouvoir maléfique ! »

APO

Je suis lasse de vivre et mes yeux sont maudits
Ceux qui m'ont regardée évêque en ont péri

Mes yeux ce sont des flammes et non des pierreries
Jetez jetez aux flammes cette sorcellerie



Suite 4 )

BR

Ich kann dich nicht verdammen,
Bis du mir erst bekennt,
Warum in diesen Flammen
Mein eigen Herz schon brennt.

Den Stab kann ich nicht brechen,
Du schöne Lore Lay!
Ich müßte dann zerbrechen
Mein eigen Herz entzwei.«

TL

Je ne saurais te condamner
Avant de savoir pourquoi
Mon cœur lui-même
Se consume dans tes flammes.

Je ne peux briser ta baguette magique,
Car mon propre cœur
Je briserais ! »

APO

Je flambe dans ces flammes ô belle Loreley
Qu'un autre te condamne tu m'as ensorcelé

" Wer fremde Sprachen nicht kennt, weiß auch nichts von seiner eigenen."   J.W.v.Goethe

4 Dernière modification par regina (21-10-2024 16:12:48)

Re : Poésie traduite . Brentano et Apollinaire

Suite 5

BR

Herr Bischof, mit mir Armen
Treibt nicht so bösen Spott
Und bittet um Erbarmen
Für mich den lieben Gott!

Ich darf nicht länger leben
, Ich liebe keinen mehr. -
Den Tod sollt Ihr mir geben,
Drum kam ich zu Euch her!

TL

Monseigneur l’évêque, ne vous moquez pas
Si cruellement d’une pauvre créature ;
Implorez plutôt Dieu
Qu’il m’accorde sa miséricorde !

Je ne saurais vivre plus longtemps
Car je n’aime plus personne ;
C’est la mort que je sollicite,
C’est elle que je viens chercher.

APO

Evêque vous riez Priez plutôt pour moi la Vierge
Faites-moi donc mourir et que Dieu vous protège


Suite 6


BR


Mein Schatz hat mich betrogen
, Hat sich von mir gewandt,
Ist fort von mir gezogen,
Fort in ein fremdes Land.

Die Augen sanft und wilde,
Die Wangen rot und weiß,
Die Worte still und milde,
Das ist mein Zauberkreis.

Ich selbst muß drin verderben,
Das Herz tut mir so weh,
Vor Schmerzen möcht’ ich sterben,
Wenn ich mein Bildnis seh’.


Tl

Mon bien-aimé m’a trompée,
Il s’est détourné de moi,
Il s’est éloigné de ces lieux
Pour aller vers un pays lointain.
Les yeux doux et farouches,
Les joues enfiévrées et blanches,
La parole légère et tendre
C’est là mon pouvoir magique :

Il cause ma propre perte,
Mon cœur est si meurtri ;
Je voudrais mourir de douleur,
Lorsque je vois mon image.


APO

Mon amant est parti pour un pays lointain
Faites-moi donc mourir puisque je n'aime rien


Mon cœur me fait si mal il faut bien que je meure
Si je me regardais il faudrait que j'en meure

Mon cœur me fait si mal depuis qu'il n'est plus là
Mon cœur me fit si mal du jour où il s'en alla



Viendront ensuite les trois chevaliers, etc...

" Wer fremde Sprachen nicht kennt, weiß auch nichts von seiner eigenen."   J.W.v.Goethe

5 Dernière modification par Chover (21-10-2024 14:50:54)

Re : Poésie traduite . Brentano et Apollinaire

Excusez-moi, vous parlez de traduction, puis d'adaptation et de transposition, or ces trois mots n'ont pas le même sens. Je ne suis d'accord qu'avec les deux derniers.
Tout comparer demanderait des pages. Je me tiens à un détail : vous traduisez Fort in ein fremdes Land par « Pour aller vers un pays lointain ». Je crains que le vers d'APOLLINAIRE, Mon amant est parti pour un pays lointain, vous ait influencée. Or ein fremdes Land ne signifie pas « un pays lointain » mais « un pays étranger ».

Avatar : statue de Bruno Catalano

Re : Poésie traduite . Brentano et Apollinaire

Un seul "p" et deux "l" s'il vous plaît (cf. Apollon) ! C'est la première fois que je fais une remarque d'orthographe, mais s'agissant de Kostro, ça me gêne.

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

7

Re : Poésie traduite . Brentano et Apollinaire

Merci, j'ai copié sottement. Et je ne vois aucun inconvénient à ce qu'on me signale ce genre de chose.

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Re : Poésie traduite . Brentano et Apollinaire

Vous avez copié sur quoi ???

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

9 Dernière modification par Chover (21-10-2024 14:54:23)

Re : Poésie traduite . Brentano et Apollinaire

Lévine a écrit:

Vous avez copié sur quoi ???

Votre question se veut-elle humoristique ? Le titre de ce fil, Poésie traduite . Brentano et Appolinaire, figure au-dessus de chacun de nos messages.

Avatar : statue de Bruno Catalano

10

Re : Poésie traduite . Brentano et Apollinaire

Lévine a écrit:

   Un seul "p" et deux "l" s'il vous plaît (cf. Apollon) ! C'est la première fois que je fais une remarque d'orthographe, mais s'agissant de Kostro, ça me gêne.

L’erreur est rectifiée partout, du moins je l’espère, Levine , et je vous prie de bien vouloir m’en excuser.
C’est une erreur , hélas,  récurrente,  qui n’a rien à voir avec le poète puisque j’hésite systématiquement lorsqu’il me faut citer le dieu Apollon. L’âge n’aidant pas, il y a peu de probabilités pour que je puisse désormais acquérir le bon réflexe.

Ceci étant, je suis surprise par votre irritation. Il n’y aucun sacrilège,  aucun manque de respect dans ce qui n’est qu'une faute d’orthographe d’usage .
Le poète est mort depuis longtemps,   ce n’était que son cinquième prénom avant qu’il ne choisisse cette nouvelle identité lors de sa naturalisation française et vous même usez d’une abréviation hypocoristique  que certains pourraient juger irrespectueuse.

Vous avez entièrement raison de souhaiter que l’orthographe de son nom soit respectée,  comme pour tout autre patronyme , mais gardons-nous des réactions subjectives voire affectives smile

Je précise d’ailleurs que ma démarche qui souhaite montrer qu’il y a eu de la part d’Apollinaire un travail , et de traduction et de réécriture ,  associés à une réelle création poétique ne lui enlève rien.
Pour ma part, je suis plus touchée,  enchantée par la Loreley d’Apollinaire que par celle de Brentano.
Pour autant la filiation et la parenté sont proches et non lointaines comme vous le laissiez entendre.
Si je n’ai à vos yeux pas la compétence qui vous permettrait au moins de douter, il vous suffit d’effectuer une recherche personnelle en cherchant la relation Apollinaire-Brentano et vous trouverez nombre d’analyses littéraires sur ce poème qui l’évoquent.
Vous pouvez imaginer que je n’ai, à titre personnel, rien inventé.

" Wer fremde Sprachen nicht kennt, weiß auch nichts von seiner eigenen."   J.W.v.Goethe

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Re : Poésie traduite . Brentano et Apollinaire

Excusez-moi, vous parlez de traduction, puis d'adaptation et de transposition, or ces trois mots n'ont pas le même sens. Je ne suis d'accord qu'avec les deux derniers.
Tout comparer demanderait des pages. Je me tiens à un détail : vous traduisez Fort in ein fremdes Land par « Pour aller vers un pays lointain ». Je crains que le vers d'APOLLINAIRE, Mon amant est parti pour un pays lointain, vous ait influencée. Or ein fremdes Land ne signifie pas « un pays lointain » mais « un pays étranger ».

Chover, on parle de " traduction libre" , surtout dans le domaine de la poésie et dans ce cas, cela implique transposition, réécriture, adaptation..On obtient une nouvelle œuvre , pour laquelle il reste important d’indiquer quelle en est la source

Et c’est bien le cas dans cet exemple. Parfois Apollinaire reprend certains vers de Brentano presque littéralement,  parfois il donne le sens évoqué avec d’autres images,  le poète-traducteur créant ainsi sa propre poésie...mais à partir de l’œuvre d’un autre dans une autre langue. .

Il est impossible de nier  la parenté immédiate entre la Lore-lay de Brentano et la Loreley d’Apollinaire. Et d'autres que moi, bien avant moi ne s’en sont pas privés.

Sinon, le vers d’Apollinaire  auquel vous faites allusion ne m’a  nullement influencée . Je n’ai nulle part écrit que la traduction littérale ( litteraire) était la mienne. Les œuvres de Brentano ont été traduites en français et publiées. J’ai simplement pris une de ces traductions. Que vous pouvez trouver vous-même sur la Toile.


L’exemple que vous donnez montre juste que, en l’occurrence,  le traducteur de Brentano , tout comme Apollinaire , a interprèté ainsi  le vers de Brentano. Et juge bon, de parler de " lointains" dans sa traduction, tout comme l’a fait Apollinaire.

Cela rejoint  ce que j’essaie de montrer .

" Wer fremde Sprachen nicht kennt, weiß auch nichts von seiner eigenen."   J.W.v.Goethe

12 Dernière modification par Chover (22-10-2024 07:12:23)

Re : Poésie traduite . Brentano et Apollinaire

J'ai cru que vous étiez l'autrice de la traduction que vous nommez TL.
Je l'ai dit, je ne veux pas tout reprendre.
Un point important, cependant. BRENTANO écrit Mein Schatz hat mich betrogen, traduit correctement par « Mon bien-aimé m'a trompée ». Vous ne pouvez pas ne pas avoir observé qu'APOLLINAIRE, dans le passage correspondant de sa Loreley, ne fait aucune allusion à cette tromperie.
Je regrette, pour moi, quand on oublie autant le texte d'origine, quand « on obtient une nouvelle œuvre », ce n'est pas une traduction.

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Re : Poésie traduite . Brentano et Apollinaire

Un seul "p" . Si vous l'avez fait exprès, veuillez m'excuser.

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

Re : Poésie traduite . Brentano et Apollinaire

Chover a écrit:

Je regrette, pour moi, quand on oublie autant le texte d'origine, quand « on obtient une nouvelle œuvre », ce n'est pas une traduction.

En effet, l'Énéide n'est pas la traduction de l'Iliade ni de l'Odysée.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

15 Dernière modification par Chover (22-10-2024 07:17:02)

Re : Poésie traduite . Brentano et Apollinaire

Lévine a écrit:

Un seul "p" . Si vous l'avez fait exprès, veuillez m'excuser.

Non, j'ai des moments de fatigue ! Je corrige.
Regina, dans le titre de ce fil, vous êtes revenue aussi sur le nom du poète mais il fallait lui garder ses deux L.

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Re : Poésie traduite . Brentano et Apollinaire

Chover a écrit:
Lévine a écrit:

Un seul "p" . Si vous l'avez fait exprès, veuillez m'excuser.

Regina, dans le titre de ce fil, vous êtes revenue aussi sur le nom du poète mais il fallait lui garder ses deux L.


Et voilà un bel exemple d’acte manqué ...
Ces remarques chargées d’’affect sur mon irrespectueuse graphie de ce patronyme m’ont coupé les ailes ????
Je vais vite rectifier de peur qu’on ne me compare à Perec et à sa célèbre " Disparition"

" Wer fremde Sprachen nicht kennt, weiß auch nichts von seiner eigenen."   J.W.v.Goethe

17 Dernière modification par regina (22-10-2024 10:58:42)

Re : Poésie traduite . Brentano et Apollinaire

Chover a écrit:

J'ai cru que vous étiez l'autrice de la traduction que vous nommez TL.
Un point important, cependant. BRENTANO écrit Mein Schatz hat mich betrogen, traduit correctement par « Mon bien-aimé m'a trompée ». Vous ne pouvez pas ne pas avoir observé qu'APOLLINAIRE, dans le passage correspondant de sa Loreley, ne fait aucune allusion à cette tromperie.
Je regrette, pour moi, quand on oublie autant le texte d'origine, quand « on obtient une nouvelle œuvre », ce n'est pas une traduction.

Apollinaire, je l’ai indiqué dès le début, choisit volontairement ce qu’il juge bon de traduire et va à l’essentiel.
Lorsqu’un bien-aimé abandonne la pretendue aimée,  la tromperie peut-etre sous-entendue.
Si la formulation  " traduction, traduction libre"  vous dérange à ce point, disons qu’il s’agit d’une réécriture poétique,  Tout comme en peinture, certains peintres produisent de magnifiques tableaux d’après une œuvre antérieure.  Mais où l’on reconnaît ou cite l’œuvre première.  Comme un hommage.
Tout en admirant la magnifique Loreley de " Guillaume"  , je regrette qu’il n’ait pas signalé cette " reprise" ...

" Wer fremde Sprachen nicht kennt, weiß auch nichts von seiner eigenen."   J.W.v.Goethe

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Re : Poésie traduite . Brentano et Apollinaire

Tout simplement, tout le monde ne donne pas exactement le même sens au mot traduction.
Je vous remercie de m'apprendre qu'APOLLINAIRE ne signale pas sa source d'inspiration, j'étais persuadé du contraire, tant cela est connu des germanistes.

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Re : Poésie traduite . Brentano et Apollinaire

Il n'a pas jugé bon parce qu'il ne faisait pas un travail de philologue. Depuis l'Antiquité, les auteurs se sont inspirés de leurs devanciers, voire les ont "traduits" (cf. les poètes de la Pléïade). Je dis souvent, à propos des poètes du Moyen Âge, que ce ne sont pas les thèmes qui importent, mais leur mise en œuvre. L'innutrition est un fait majeur de l'art : c'est comme cela qu'il progresse, même quand il y a apparemment rupture.

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

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Re : Poésie traduite . Brentano et Apollinaire

L'innutrition est un fait majeur de l'art : c'est comme cela qu'il progresse, même quand il y a apparemment rupture.

Certes, Lévine, mais pour pouvoir imiter ,se nourrir, faire siens certains des vers d'autres auteurs précédents, lorsqu'on change de langue, il faut bien passer par la phase " traduction" ,on ny coupe pas ...

Et je n'ai pas dit qu'il n y avait pas enrichissement ou que l'Art en pâtirait. Bien au contraire ...

" Wer fremde Sprachen nicht kennt, weiß auch nichts von seiner eigenen."   J.W.v.Goethe

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Re : Poésie traduite . Brentano et Apollinaire

Bonjour tout le monde ! J'arrive un peu en décalé, mais le sujet est particulièrement intéressant.

Regina a écrit:

Apollinaire ne traduit pas tout, raccourcit le poème, en ce sens, c’est une adaptation mais il s’agit pourtant bien d’une transposition française de ce poème allemand, par la plume d’une grand poète qui crée ainsi également de la poésie.


     Regardons ce texte : Brentano a présenté son poème en vingt-six strophes de quatre vers, plus un envoi. Les strophes sont versifiées en 7-7-7-6, rimes alternées. Il faudra rester au plus près de ce choix.

     Selon moi, si l’on veut traduire, on se doit de respecter un ou plusieurs de ces paramètres :

  -  garder l’architecture originelle ? c’est envisageable, mais peut ne délivrer qu’une coquille froide et vide ;
  -  traduire en rimes ? rien n’est plus hasardeux car rapidement va se présenter le choix entre la sémantique et la versification ;
  -  il ne reste guère que la fidélité au sens pour recréer et transmettre l’émotion.

    C’est à partir de ce moment seulement qu’on pourra pinailler sur la meilleure traduction. Avantages ? un travail honnête, qui ne risque pas la trahison.
    En tout état de cause, la production d’Apollinaire ne peut prétendre au titre de traduction.

    Cela dit, l’exercice est plus facile avec certains textes que d’autres :

Wer reitet so spät durch Nacht und Wind?
Es ist der Vater mit seinem Kind;
Er hat den Knaben wohl in dem Arm,
Er faßt ihn sicher, er hält ihn warm.

Qui chevauche si tard dans la nuit et le vent ?
C'est un homme, un père, avec son enfant.
Il le tient contre lui, bien serré dans ses bras,
Il le tient bien serré afin qu'il n'ait pas froid.

J. W. Goethe, Erlkönig

elle est pas belle, la vie ?

22

Re : Poésie traduite . Brentano et Apollinaire

Piotr a écrit:

    En tout état de cause, la production d’Apollinaire ne peut prétendre au titre de traduction.

Bien sûr : on peut même dire que le débat traduction ou non n'a pas lieu de se poser.

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

23 Dernière modification par Lévine (22-10-2024 21:13:50)

Re : Poésie traduite . Brentano et Apollinaire

regina a écrit:

Comme je l’indiquais, le poème d’Apollinaire " La Loreley   est une traduction adaptée du poème de Clemens Brentano ( poète romantique allemand ) , composé en 1802 : " Lore-Lay"

Apollinaire ne traduit pas tout ,raccourcit le poème, en ce sens, c’est une adaptation mais il s’agit pourtant bien d’une transposition française de ce poème allemand, par la plume d’une grand poète qui crée ainsi également de la poésie.

BR = Brentano

TL = traduction littérale voire littéraire

Apo= Apollinaire


1) BR

Zu Bacharach am Rheine
Wohnt' eine Zauberin
Sie war so schön und feine
Und riß viel Herzen hin.
  Und brachte viel zu Schanden
Der Männer ringsum


TL

A Bacharach sur le Rhin
Demeurait une ensorceleuse ;
Elle était si belle et si délicate
Qu’elle séduisait tous les cœurs.
Bien des hommes, à l’entour,
Elle mena au déshonneur ;
Nul ne put jamais échapper
A l’emprise de son amour.

APO

A Bacharach il y avait une sorcière blonde
Qui laissait mourir d'amour tous les hommes à la ronde

Rien que dans ces deux vers, la supériorité d'Apollinaire éclate...

Voici l'adaptation en russe :

https://www.youtube.com/watch?v=kogxGO1q5Lk

Je vous transcris les premier vers :

К белокурой колдунье из прирейнского края
Шли мужчины толпой, от любви умирая.
И велел её вызвать епископ на суд,
Всё в душе ей прощая за её красоту.

Un mérite : ce sont des vers au sens métrique du terme.

Mais par ailleurs, c'est plutôt prosaïque :

A une sorcière à la chevelure blonde des bords du Rhin
Venaient les hommes en foule, mourant d'amour.
L'évêque la fit citer en justice
Tout en lui pardonnant tout dans son âme pour sa beauté.

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

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Re : Poésie traduite . Brentano et Apollinaire

A Bacharach il y avait une sorcière blonde
Qui laissait mourir d'amour tous les hommes à la ronde


Rien que dans ces deux vers, la supériorité d'Apollinaire éclate...


Là, Levine, vous enfoncez une porte ouverte smile

Qui pretendrait le contraire ? Ce n’était pas l’objet de cette discussion ou alors, vous auriez bien mal interprèté  tout ce que j’ai pu écrire ici.

" Wer fremde Sprachen nicht kennt, weiß auch nichts von seiner eigenen."   J.W.v.Goethe

25 Dernière modification par Chover (23-10-2024 10:44:36)

Re : Poésie traduite . Brentano et Apollinaire

Lévine a écrit:

1) BR

Zu Bacharach am Rheine
Wohnt' eine Zauberin
Sie war so schön und feine
Und riß viel Herzen hin.
  Und brachte viel zu Schanden
Der Männer ringsum


TL

A Bacharach sur le Rhin
Demeurait une ensorceleuse ;
Elle était si belle et si délicate
Qu’elle séduisait tous les cœurs.
Bien des hommes, à l’entour,
Elle mena au déshonneur ;
Nul ne put jamais échapper
A l’emprise de son amour.

Regina, vous fournissez là la traduction de deux vers qu'on n'a pas dans le texte source et que voici :
Aus ihren Liebesbanden
War keine Rettung mehr.

Mot à mot strict (et ridicule !) :
De ses liens d'amour
Était aucun sauvetage plus.

Mieux, peut-être !
De son emprise amoureuse
Impossible à jamais de se défaire.

Bien sûr, la « TL » s'éloigne encore davantage du mot à mot mais elle me convient.

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26

Re : Poésie traduite . Brentano et Apollinaire

Oui, bien sûr, Chover. C’est juste qu’avec tous ces copiés/collés , j’ai omis involontairement de sélectionner les deux vers en question.

Pour le reste, l’objet de la discussion n’était assez d’apprécier ou non, de discuter de la traduction de Brentano , telle qu’elle apparaît dans un de ces recueils de poésies traduites.
Mais de montrer que Apollinaire reprenait " à sa façon personnelle" le poème  de Brentano pour en faire un autre poème.

Et cela , qu’on emploie ou non le mot traduction, c’est une réalité.

" Wer fremde Sprachen nicht kennt, weiß auch nichts von seiner eigenen."   J.W.v.Goethe

27 Dernière modification par Lévine (23-10-2024 14:37:36)

Re : Poésie traduite . Brentano et Apollinaire

regina a écrit:

A Bacharach il y avait une sorcière blonde
Qui laissait mourir d'amour tous les hommes à la ronde


Rien que dans ces deux vers, la supériorité d'Apollinaire éclate...


Là, Levine, vous enfoncez une porte ouverte smile

Qui pretendrait le contraire ? Ce n’était pas l’objet de cette discussion ou alors, vous auriez bien mal interprèté  tout ce que j’ai pu écrire ici.

Oui, et tout le problème est là, justement : si Apollinaire est reconnu par tous comme étant infiniment supérieur à Brentano, cela prouve bien qu'il ne le traduit pas, une traduction étant au mieux égale au texte source (et encore ce degré est-il presque inatteignable).

Plus objectivement, ce texte n'est pas présenté comme une traduction, il n'est pas destiné à nous faire connaître Brentano, sa fonction est autre. Je ne m'étendrai pas sur ce que Jakobson appelle la fonction poétique...

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

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Re : Poésie traduite . Brentano et Apollinaire

Je crois, regina, que nous commençons à nous connaître un peu mutuellement : en ce qui me concerne, lorsque je signale une omission ou un certain nombre d'autres éléments qui m'étonnent, me gênent, me paraissent contestables dans un message, je le fais au moins autant, sinon plus, à l'adresse de tout lecteur qu'à l'attention spécifique de l'auteur ou de l'autrice dudit message.

Amusant, Lévine : en un premier temps, comme regina, je me suis demandé si la mention de la supériorité d'APOLLINAIRE entrait dans le sujet ; et puis j'ai fini par répondre positivement à cette question, pour la raison que vous venez de dire !

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Re : Poésie traduite . Brentano et Apollinaire

J'ai évité d'en parler avant à cause de la subjectivité de l'argument. Mais je crois qu'on peut faire entrer cette dernière en jeu malgré tout. Pour âtre juste, on peut reprocher à Apollinaire d'avoir "pompé", mais pas celui d'avoir traduit. Je pense que l'argument du statut du texte est finalement le plus fort.

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

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Re : Poésie traduite . Brentano et Apollinaire

Mais je crois qu'on peut faire entrer cette dernière en jeu malgré tout. Pour être juste, on peut reprocher à Apollinaire d'avoir "pompé", mais pas celui d'avoir traduit. Je pense que l'argument du statut du texte est finalement le plus fort.

Là je vous rejoins , mais ... lorsque je parlais de " traduction libre", il n y avait pas de reproche de ma part.

Apollinaire ne cherchait effectivement pas à faire connaître Brentano, il n y a aucune discussion quant à la supériorité d'Apollinaire ( d'ailleurs en littérature allemande , Brentano ne figure pas parmi les " grands" et nul ne le met sur le même plan que Goethe, Schiller, Heine ou Hölderlin, par exemple.)

" Wer fremde Sprachen nicht kennt, weiß auch nichts von seiner eigenen."   J.W.v.Goethe

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Re : Poésie traduite . Brentano et Apollinaire

Ce qui me paraît évident, c'est que le poème originel, en allemand, est rythmé, ce qui est bien normal dans une langue intonée comme l'allemand (ou l'anglais, ou le russe). En français, tout cela est totalement perdu, hélas, c'est pourquoi l'adaptation paraît plate. Pourtant il doit être possible d'élaborer une adaptation (et non bien sûr une traduction mot à mot) qui respecte plus ou moins le rythme de l'original. Comme le disait à peu près Efim Etkind : il n'y a pas de traduction difficile, il n'y a que des traducteurs paresseux.

Wer das liest, ist ein Affe.

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