Roland de L. a écrit:... je crois avoir trouvé un nouveau terrain de jeu : l'histoire des propriétaires du 57 rue Galande.
On verra que elle est simple, mais remonte assez loin (suspense !).
Je commence d'ici peu... par la fin.
Comme annoncé.
A qui appartenait le 57 rue Galande au fil du temps ?
C’est à cette question que je vais tenter de répondre, si Gallica veut bien reprendre ses esprits.
Je commence par la fin, avec un arrêt de justice de 1900, c’est-à-dire postérieur à la destruction de l’immeuble.
1900, 26 janvier : Arrêt du Tribunal civil de la Seine, Pandectes françaises périodiques, 1901, tome 16, page 30, règlement d’un litige entre propriétaires et locataires du 57 rue Galande
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k … alande%22)
Texte du jugement
[Dans cet arrêt, Debrabant est orthographié « Delvabant », mais j’ai vérifié sur d’autres sources, et il s’agit bien de Debrabant]
TRIB.-civ: SEINE, 26 janvier 1900.
BAIL A LOYER, RÉPARATIONS LOCATIVES, PRENEUR, OBLIGATION, EXPROPRIATION DE L'IMMEUBLE.
L'obligation pour le preneur d'entretenir les lieux loués en bon état de réparations prend naissance dès son entrée en jouissance et se continue pendant toute la durée du bail ; elle lui impose le devoir de faire ces réparations au fur et à mesure qu'elles deviennent nécessaires et, en tout cas, de les exécuter à la fin du bail pour rendre les locaux dans l'état prescrit par les conventions. Cette obligation, à défaut d'offres faites par le locataire de l'accomplir à sa sortie, se transforme de plein droit et sans mise en demeure, en une dette d'argent représentant l’estimation des abus de jouissance. Et la circonstance que, par suite d'une expropriation, le bailleur ne pourra plus louer ses locaux à l'avenir ne lui lait pas perdre le droit d'en exiger le payement. (C. civ., art. 1754)
(Consorts Delvabant c. consorts Poupinel.)
"ARRET
LE TRIBUNAL : — Attendu que, suivant acte reçu par Surault et son collègue, notaires à Paris, le 19 février 1876, Poupinel, auteur des demandeurs, a fait bail et donné à loyer à Amédée-Gabriel Cadoux et à Delvabant, preneurs solidaires, la totalité de deux maisons sises rue Galande, 57 et 59, pour une durée de douze années entières et consécutives, et moyennant un loyer annuel de 14,000 francs; — Qu'à la date du 23 mai 1882, Poupinel a consenti une prorogation de bail à Delvabant et aux ayants droit de Cadoux décédé, pour une durée de huit années, du 1er janvier 1889 au 1er janvier 1897, le loyer annuel étant porté à 18,000 fr., et ce aux mêmes charges et conditions que celles du bail originaire; — Attendu qu'aux termes desdits actes, les preneurs s'engageaient à entretenir les lieux à eux loués pendant toute la durée du bail, en bon état de réparations de toute nature, à l'exception des grosses réparations définies par l'art. 606 C. civ., et de les rendre à la fin du bail en bon état et conformes à l'état des lieux dressé par l'architecte du bailleur lors de l'entrée en jouissance ; — Attendu que, après l'expiration du bail, la veuve Poupinel et les héritiers de Poupinel, précédemment décédé, ayant prétendu que les locataires n'avaient pas exécuté toutes les obligations qui leur incombaient et n'avaient pas rendu les lieux dans l'état qui leur était imposé par les stipulations, une ordonnance de référé du 16 février 1897 commit Magne, expert, à l'effet de visiter les lieux et d'évaluer le préjudice causé aux propriétaires par l'inobservation des conventions; — Attendu que l'expert a estimé à la somme de 9,627 fr. 59, le montant des réparations qui devaient être mises à la charge des locataires; que les consorts Poupinel demandent l'entérinement du rapport, -tandis que les défendeurs, sans contester les appréciations de l'expert, entendent établir une distinction entre les deux immeubles, en ce .qui touche les sommes qui peuvent leur être réclamées; qu'ils reconnaissent seulement être débiteurs de 470 francs, s'appliquant, d'après l'expert, aux réparations de la maison sise rue Galande, 57; — Attendu qu'ils ont fait offres réelles de ladite somme aux consorts Poupinel; que ces offres ayant été refusées ont été suivies de consignation régulière; qu'en conséquence ils demandent reconventionnellement au Tribunal d'en prononcer la validité; -— Attendu, en ce qui concerne la maison portant le numéro 57, de la rue Galande, qu'elle a été expropriée et acquise à l'amiable par la ville de Paris au mois de juillet 1898 ; — Que, pour se soustraire au payement des réparations afférentes à cet immeuble, les consorts Cadoux et Delvabant soutiennent que les réparations ayant pour but de permettre au bailleur de relouer les locaux sans qu'il ait à subir aucun dommage résultant des abus de jouissance des locataires, les demandeurs sont mal fondés à en réclamer le montant, en tant qu'il s'applique à un immeuble destiné à disparaître et qui, par suite, ne pouvait être l'objet d'une location nouvelle; — Que, suivant les consorts Cadoux et Delvabant, l'allocation d'une indemnité de ce chef serait pour le bailleur une cause d'enrichissement aux dépens d'autrui, puisqu'il n'aurait subi de leur fait aucun préjudice, les sous-locations, dans l'espèce, ayant été maintenues après le départ des locataires principaux; — Mais attendu que l'obligation pour Delvabant et les consorts Cadoux d'entretenir les lieux loués en bon état de réparations a pris naissance dès l'entrée en jouissance et s'est continuée pendant toute la durée du bail ; qu'elle leur imposait le devoir de faire ces réparations au fur et à mesure qu'elles devenaient nécessaires et, en tout cas, de les exécuter à la fin du bail pour rendre les locaux dans l'état prescrit par les conventions; — Que cette obligation, à défaut des offres faites par les locataires de l'accomplir à leur sortie, s'est transformée, de plein droit et sans mise en demeure, en une dette d'argent, représentant l'estimation des abus de jouissance; — Que la destination donnée à l'immeuble dix-huit mois après le bail expiré, en juillet 1898, n'a pu faire perdre aux copropriétaires le droit qu'ils avaient acquis d'exiger le prix des réparations non exécutées, bien qu'une nouvelle prorogation ait été refusée par eux, en vue même de l'expropriation; — Attendu, d'ailleurs, qu'il est admissible que le mauvais état de réparations dans lequel l'immeuble a été laissé par les locataires ait été pris en considération dans les éléments du calcul du prix auquel l'immeuble a été vendu à la ville de Paris par les consorts Poupinel; qu'il s'ensuit que la somme allouée par l'expert peut être considérée comme la représentation du préjudice causé par l'inaccomplissement des prescriptions du bail ; qu'au surplus Delvabant et les consorts Cadoux ne peuvent s'en prendre qu'à eux-mêmes de n'avoir pas exécuté en temps utile les obligations qui leur incombaient et ne sauraient bénéficier de leur non-exécution;
Par ces motifs : —Recevant Delvabant et les consorts Cadoux reconventionnellement demandeurs, les déclare mal fondés en leurs demandes, fins et conclusions, les en déboute; entérine le rapport de l'expert comme faisant une appréciation des droits des parties; condamne, en conséquence, conjointement et solidairement, Delvabant et les consorts Cadoux à payer aux consorts Poupinel, la somme de 9,627 fr. 59 pour les causes sus-énoncées avec les intérêts de droit, les condamne sous la même solidarité aux dépens, qui comprendront les frais de référé et d'expertise.
MM. Blanc, prés.; Morise, subst.; Chenu et Louchet, av."
Conclusions tirées de la lecture de cet arrêt
- Au 5 mars 1900, les propriétaires du 57 rue Galande sont : la veuve Poupinel et les héritiers de Poupinel
- Au 5 mars 1900, les locataires du 57 rue Galande sont : Debrabant et les consorts Cadoux, selon le bail de location, signé en 1876 pour 12 ans, et prolongé en mai 1882 jusqu’au 1er janvier 1897
- Debrabant semble bien vivant en mars 1900
- Cadoux est décédé quelque part entre 1876 et 1882
- Rien n’est indiqué par le juge pour la période du 1er janvier 1897, fin du bail, à juillet 1898, date de l’acquisition par la ville
- Poupinel était propriétaire des 57 et 59 rue Galande le 19 février 1876, jour de signature du premier bail de location
Quelque chose me dit que vous allez entendre reparler de ce Poupinel.
A suivre...