Toute occasion est bonne pour relire Sylvie, merci !
Dès le premier chapitre, je vois ce que vous voulez dire :
Il jetait de l'or sur une table de whist et le perdait avec indifférence. — Que m'importe, dis-je, lui ou tout autre ? Il fallait qu'il y en eût un, et celui-là me paraît digne d'être choisi. — Et toi ? — Moi ? C'est une image que je poursuis, rien de plus.
L'utilisation des tirets, ici, sert à distinguer les différentes phases du dialogue intérieur du narrateur. Rien que de classique.
Mais nous avons aussi, dès le premier paragraphe :
Peu m'importait d'arrêter mes regards sur un parterre peuplé seulement d'une trentaine d'amateurs forcés, sur des loges garnies de bonnets ou de toilettes surannées, — ou bien de faire partie d'une salle animée et frémissante couronnée à tous ses étages de toilettes fleuries, de bijoux étincelants et de visages radieux.
Selon l'usage moderne, le tiret suffirait.
Je risque une hypothèse, sur une question qui n'a pas retenu à ma connaissance, l'attention des commentateurs professionnels :
Peu m'importait
d'arrêter mes regards sur un parterre peuplé seulement d'une trentaine d'amateurs forcés,
sur des loges garnies de bonnets ou de toilettes surannées,
— ou bien
de faire partie d'une salle animée et frémissante couronnée à tous ses étages de toilettes fleuries, de bijoux étincelants et de visages radieux.
Le tiret souligne le passage d'un terme de l'alternative à l'autre :
peu m'importait
une chose
— ou l'autre.
Nerval met une virgule à la fin du premier groupe sans doute par automatisme d'écriture, il place le tiret pour renforcer l'opposition.
Même remarque pour la phrase suivante :
Indifférent au spectacle de la salle....
—excepté lorsque...
Un peu plus bas, le tiret ne souligne plus une opposition, mais introduit une conclusion :
Ce n'était plus...;
c'était un mélange d'activité, d'hésitation....;
d'ennuis des discordes passées, d'espoirs incertains ;
— quelque chose comme l'époque de Pérégrinus et d'Apulée.
Je m'arrête là, je suis parti pour recopier Sylvie en entier !
Concluons : Nerval utilise le tiret non pas comme un équivalent de la virgule, mais pour souligner une opposition, une phase du raisonnement dans le cours d'une même phrase ce qu'il n'obtiendrait pas avec un simple point et virgule, et encore moins un point.
Il use également de ce tiret pour renforcer le point :
Quelques uns d'entre nous néanmoins prisaient peu ces paradoxes platoniques, et à travers nos rêves renouvelés d'Alexandrie agitaient parfois la torche des dieux souterrains, qui éclaire l'ombre un instant des ses traînées d'étincelles. — C'est ainsi que...
Je me fais grâce de la suite.
Les tirets marquent une articulation forte.
... ne supra crepidam sutor iudicaret. Pline l'Ancien