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forum abclf » Réflexions linguistiques » une question stylistique

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Messages [ 14 ]

1 Dernière modification par elielavr1669 (10-10-2016 21:24:10)

Sujet : une question stylistique

Bonjour à tous. je vous invite à lire «l'anneau de gygès » de Fénelon  j’aimerais poser une question qui concerne un passage : « Callimaque ouvre l'urne, trouve l'anneau, le prend, et, dans le transport de sa joie, il laissa l'urne, quoiqu'il fût très pauvre et qu'elle fût d'un grand prix  ou bien il s'assit au pied d'un arbre pour se délasser, il aperçut auprès de lui une ouverture étroite dans un rocher, la curiosité l'engage à y entrer, il trouve une caverne large et profonde, »
EN fait, quel est le sens sémentique de ces deux phrases ?  Fénelon écrit tantôt  en présent  tantôt  en passé simple. je sais que les actions apartiennent au plan du passé, alors pour quelle raison l’auteur introduit le présent ? il aurait pu écrire : il ouvrit par exemple.

"D'abord il s'approche de quelques esclaves qui marchaient devant, et qui portaient des parfums pour les répandre sur les chemins où le roi devait passer. Il se mêle parmi eux après avoir tourné son anneau en dedans, et personne ne l'aperçoit " Pourquoi justement ? Fénelon

2 Dernière modification par yd (11-10-2016 04:21:36)

Re : une question stylistique

Bonsoir Elielavr.

Je ne connais Fénelon que de nom, mais je vois-là un récit sur deux jambes, l'une au présent l'autre au passé, qui devait sans doute pour l'auteur consister en un procédé pour accrocher le lecteur en le promenant sans cesse du présent au passé. J'ignore si ça marche et si d'autres auteurs ont utilisé le même procédé. Mais si mon hypothèse est bonne il faudrait juger sur un passage beaucoup plus long ou sur une très fréquente reprise du procédé. Si ces deux phrases sont les seules dans le genre, cette hypothèse ne vaut rien. Le procédé, si c'en est un, serait presque cinématographique, deux siècles avant le cinéma.

On pourrait encore parler d'un effet stéréophonique, faisant entendre en même temps le présent et le passé, ce qui remplirait pleinement l'espace temporel. Je serais curieux de savoir si ça marche.

Fille légère ne peut bêcher.

Re : une question stylistique

Merci d'avoir pris le temps de me répondre. je vous donne un lien afin que vous puissiez voir que c’est un procédé qui se manifeste dans ce conte «l'anneau de gygès » (1690) c’est un récit à deux jambes justement. (c’est bien dit)

http://www.mediterranees.net/mythes/gyges/fenelon.html

Dans le moment où tous les prétendants eurent achevé leur course, et que Crésus examinait à qui le prix devait appartenir, Callimaque se met dans le char du roi. Il demeure invisible : il pousse ses lions, le char vole. On eût cru que c'était celui d'Achille, traîné par des coursiers immortels,ou celui de Phébus même, lorsque après avoir parcouru les voûtes immenses des cieux, il précipite ses chevaux enflammés dans le sein des ondes

Vous voyez le passé antérieur “ils eurent achevé ” demandent le passé simple, mais l’auteur utelise  le présent justement “ il me met”
je confirme votre hypothèse. le texte est rempli d’exemples de ce genre et  je cherche à savoir pourquoi. Si vous pouviez jeter un coup d’oeil, ça me ferait plaisir

4 Dernière modification par yd (11-10-2016 11:32:19)

Re : une question stylistique

Mieux vaut attendre que des lettrés se manifestent, car sans connaître l'auteur et son œuvre, ainsi que Platon, il faut s'appuyer sur des auteurs qui les ont très bien étudiés et je n'en ai pas trouvé qui abordent cette question.

Autre piste : les alternances entre passages au présent et passages au passé sont classiques dans un récit, mais ici il s'agit de transpositions abruptes, elles paraissent forcées, comme vous-même l'avez ressenti, et ce pourrait être délibéré de la part de l'auteur qui voudrait ainsi qu'on n'échappe pas aux éventuels rapprochements entre le mythe antique et le règne de Louis XIV. On friserait le lèse-majesté, on y pousserait ouvertement le lecteur. Je reste prudent, car la page de Wikipédiala disgrâce) ne parle d'une telle transposition politique qu'à propos de Télémaque :

À partir de 1698, Télémaque commença à circuler à la cour sous forme de copies, et on y vit tout de suite une critique à peine voilée contre la manière autoritaire du gouvernement de Louis XIV, contre sa politique étrangère agressive et belliqueuse et contre sa politique économique mercantiliste, orientée vers l'exportation.

Fille légère ne peut bêcher.

Re : une question stylistique

Il semble que cette perpétuelle énallage de temps entre passé et présent soit une caractéristique du style de Fénelon, par imitation des Grecs.  Je n'en dis pas plus, étant incompétent dans ce domaine.
http://www.persee.fr/doc/igram_0222-983 … _64_1_3067

Re : une question stylistique

L'anneau de Gygès ne figure pas dans Télémaque. C'est une fable, composée pour servir de thème, latin ou grec. La structure des phrases est calculée pour guider l'élève.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

Re : une question stylistique

Je sais bien, merci, mais on y retrouve visiblement les mêmes enallages de temps caractéristiques signalées dans Télémaque.

8 Dernière modification par P'tit prof (11-10-2016 20:18:54)

Re : une question stylistique

Enallages ?  C'est faire bien de l'honneur au présent de narration !

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

9 Dernière modification par florentissime (11-10-2016 20:20:08)

Re : une question stylistique

Peut-être le passé simple est-il ici pour un aoriste grec, c'est-à-dire qu'il ne transporte pas le verbe vers une valeur temporelle passée, mais plutôt vers une valeur aspectuelle perfective ?

Re : une question stylistique

P'tit prof a écrit:

Enallages ?  C'est faire bien de l'honneur au présent de narration !

L'énallage ne concerne pas le présent de narration proprement dit, mais son intrusion dans un récit au passé. Comme l'écrivent les gens savants :

Dans la rhétorique classique, cette intrusion du présent est décrite comme la manifestation d’une énallage de temps, c’est-à-dire comme un emploi décalé par rapport à la valeur de base.

https://www.cairn.info/revue-le-francai … age-87.htm
https://books.google.fr/books?id=km9fCw … mp;f=false
C'est juste mettre un nom sur le phénomène qu'avait parfaitement épinglé 'elielavr1669'.

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Re : une question stylistique

Une remarque très très subjective je sais : je trouve ce mélange de temps particulièrement pénible à la lecture.
On n'est pas, ce me semble dans le cas des écrits médiévaux où par exemple, le passé composé apparaît à côté du passé simple, le présent intervient dans un récit au passé.

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

Re : une question stylistique

Entièrement d'accord. La critique parle beaucoup de la « fluidité » du style de Fénelon, mais le trait  relevé ici me semble y donner plutôt un caractère disjoint (pour ne pas dire agaçant).

L'escrivaillerie semble estre quelque symptome d'un siecle desbordé

Re : une question stylistique

Je conseille la lecture de cet article :
https://dhfles.revues.org/1552
qui discute le style de Fénelon trop souvent donné comme exemplaire.

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Re : une question stylistique

Intéressant. Merci Abel Boyer.

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

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