Supposant que le nombre de germanoréticents dépasse ici celui des anglosceptiques
, je donne ci-joint un résumé des quelques réflexions dues à un linguiste suisse , Ernest Tappolet, spécialiste des dialectes du francoprovençal et de la Suisse romande.
En 1922, il réalise une étude après enquète dans divers villages du Valais ( valais savoyard et Valais épiscopal , à l'époque) et constate avec étonnement deux tournures dialectales inverses , selon les variantes régionales, pour s'exprimer à la première personne.
Dans l'une, c'est le pronom personnel première personne du pluriel qui est employé, suivi d'un verbe au singulier ( première personne) , soit l'équivalent en français moderne de " nous vais, nous bois " et ailleurs la tournure évoquée dans ce fil, avec un pronom première personne singulier et un verbe pluriel, équivalent de j'avons, j'allons.
Il constate ensuite que ans le premier cas évoqué, cela ne mache pas dans des phrases interrogatives ou exclalatives. Le locuteur utilise alors systématiquement le pronom yo ou dans des comparaisons , où le yo équivaudrait au moi. Idem dans les verbes à forme pronominal, réfléchie, où c'est bien le pronom première personne singulier qui est utilisé.
Il constate donc, ce que disait greg dans le post prévédent, à savoir que le je et le nous ne sont pas trés difféenciés dans ces formes dialectales particulières.
Après ces descriptions suivent quelques considrations sur le pourquoi de la chose. le Nous royal est écarté, bien sûr. Il constate que certains linguistes ont proposé un nous de solidarité le pendant de notre pluriel médical: " Comment allons-nous, ce matin?"
L'auteur compare ensuite ces deux formes ( nous viens et je venons) et constate qu'on trouve trace de cette dernière dès le 16ème siècle. Pas seulement dans la littérature érudite qui se moquerait ainsi des paysans incultes.
Par exemple, l'Anglais Palsgrave relate en 1530 qu'il a entendu la phrase suivante à Paris: « Cependant que j'irons au marché» Et là, il ne s'agit pas de parler dialectal en campagne, mais du français de l'époque. C'est d'ailleurs ainsi que Molière fait parler valets et servantes; A l'époque classique, c'était une tournure considérée comme vulgaire, mais il semble qu'elle était employée dans le parler populaire des patois du nord, de l'est et de l'ouest de la France.
Suivent des exemples:
- De ce que je berons cella chôpina: pendant que ( nous/ je boirons cette chopine) ,parler lyonnais
Tappolet, le linguiste en question, constate qu'en France la forme je+ verbe au pluriel a prévalu sur la tournure valaisienne nous+ verbe au singulier.
Il suppose que ces tournures étaient d'abord utilisées dans des situations où le contexte numérique n'était d'aucune importance: “ j'ai perdu un frère = nous avons perdu un frère" , d'autant que les familles étaient nombreuses ll pense donc que par contamination, on obtient en France: j'avons perdu un frère et dans le Valais: nous ai perdu un frère .
L'auteur signale que la vie rurale était collective, que le paysan utilisait souvent le nous , comme le on.
En conclusion, il avance l'idée qu'il y avait peu de différence de sens marquée entre le je et le nous , dans le monde paysan et comparecela avec un même absence de différenciation en ancien français pour la troisième personne ( il aile, ils aiment). Pour finir, constatant que ces tiurnures n'existent dans aucune autre langue romane, il en déduit qu'elles nous viennent de fort loin et sont un héritage des dialectes gallo-romains.
" Wer fremde Sprachen nicht kennt, weiß auch nichts von seiner eigenen." J.W.v.Goethe