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forum abclf » Histoire de la langue française » étrange conjugaison (A la bataille, je combattions) ; je sommes

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Messages [ 12 ]

Sujet : étrange conjugaison (A la bataille, je combattions) ; je sommes

Bonjour à tous,

j'ai lu ou entendu à plusieurs reprises des conjugaisons étranges, par exemple dans une chanson de Tri Yann:

"A la bataille, je combattions
Les ennemis de la nation"

Je m'interroge sur cette pratique, et j'ai imaginé diverses explications:
- c'est la langue d'une époque où on se souciait peu des formalités grammaticales et orthographiques, faute de cadre imposé;
- c'est une question d'esthétisme, l'auteur a considéré que "je combattions" est plus agréable à entendre que "je combattais";
- cette pratique reflète la rudesse du peuple (breton?) qui maniait la langue à sa guise sans toujours respecter les règles du "bon français".

Vous voyez, des explications bien naïves mais si vous en avez de plus... scientifiques je suis preneur!

merci.

ps: si ce sujet a déjà été abordé ici, merci de me transmettre le lien.

Re : étrange conjugaison (A la bataille, je combattions) ; je sommes

Première personne du singulier suivie d'une première personne du pluriel. C'est comme ça que les gens de la ville font parler ceux de la campagne pour faire couleur locale quand i zécrivent. Il y en a des foules d'exemples, que j'ai la flemme de rechercher. Mais je pense qu'on doit déjà trouver ça chez Molière.
Maintenant, que ça corresponde à une réalité quelconque, c'est possible mais je n'en jurerais pas…

Au-delà du lit de lait de l'Aude élue, un énorme orme étendait sa sombre ombre.

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Re : étrange conjugaison (A la bataille, je combattions) ; je sommes

Bonjour,

En disant "je combattions"  le soldat raconte  une action  générale. S'il parlait  seulement de lui, il dirait "je combattais"  :  c'est du  langage populaire.  De plus "combattions" rime avec "nation"  et  c'est peut-être une des  raisons  de cette forme de conjugaison.

Une chanson me revient en tête où un petit berger disait " Quand j'étions chez mon père apprenti pastouriau..."  langage d'autrefois.

(Dans "Google books" voir "Patois de la Saintonge,... de A. Boucherie - 1865 - Page 108)

4 Dernière modification par DB (16-08-2010 16:51:12)

Re : étrange conjugaison (A la bataille, je combattions) ; je sommes

Ces formes sont des conjugaisons censés être populaires qu’on trouve dans beaucoup d’œuvres et de chansons anciennes et modernes pour caractériser le parler paysan. Par exemple, Molière fait parler Pierrot dans Don Juan ainsi :
Enfin donc, j’estions sur le bord de la mar, moi et le gros Lucas, et je nous amusions à batifoler avec des mottes de tarre que je nous jesquions à la teste: car comme tu sais bian, le gros Lucas aime à batifoler, et moi par fouas je batifole itou. […]
Enfin donc, je n’avons pas putost eu gagé que j’avons  vu les deux hommes tout à plain qui nous faisiant signe de les aller quérir, et moi de tirer auparavant les enjeux. « Allons, Lucas, ç’ai-je dit, tu vois bian qu’ils nous appelont: allons viste à leu secours. Non, ce m’a-t-il dit, ils m’ont fait pardre. » Oh donc tanquia, qu’à la parfin pour le faire court, je l’ai tant sarmonné, que je nous sommes boutés dans une barque, et pis j’avons  tant fait cahin, caha, que je les avons tirés de gliau, et pis je les avons menés cheux nous auprès du feu, et pis ils se sant dépouillés tous nus pour se sécher ...

Cette page vous donne des extraits de Maupassant, qui a souvent mis en scène des paysans normands, par exemple :
- Allons, viens-t'en, Jérémie. J'allons passer l'temps aux dominos.
C'est mé qui paye.

Autre dialogue paysan de Lécluse ici :
La Jacquelaine : J'sommes contente, j'les aurons toujours ben.
Maré-Jeanne : Ouin ! quand j't'aurons encore donné le bal.
La Jacquelaine : Tu n'oserais venir avec moi ?
Maré-Jeanne : Pourquoi pas ? j'vons par-tout la tête levée ; toujours
faisant bien, rien n'craignons.

Enfin, dans cette chanson de Désaugiers sur :
J'en savons un passé maître
     Qu' j'avons vu l'aut' soir ;
     Gn'y a qu'un moyen de l' connaître
     Et c'est d'aller l' voir.

L’auditeur français moderne a tendance à voir dans ces façons de parler une conjugaison à la première personne du singulier (« je ») assortie d’une terminaison empruntée au pluriel (« -ons » ou « –ions »).  Et c'est ainsi que les parodies modernes sont écrites. Mais c’est peut-être le contraire qu’il faut comprendre : le « je » serait mis en fait pour le « nous » du pluriel. Ainsi, le « j’estions » doit s’interpréter « nous étions ». Ce qui soutient en partie cette interprétation, c’est que la langue acadienne a conservé cette conjugaison.
Ou encore la conjugaison du patois de Retz.
D'ailleurs, le premier passage de Molière peut s'interpréter au pluriel.
Dans les autres, c'est un parler paysan plus fantaisiste.

5 Dernière modification par Me-K (19-08-2010 19:12:26)

Re : étrange conjugaison (A la bataille, je combattions) ; je sommes

Jusque dans les années 50, il y a au moins une petite région, vers Chinon, où les vieux paysans, qui ne voyageaient encore pratiquement jamais, parlaient comme ça. Il est certain ensuite que le phénomène a été énormément amplifié pour imiter le parler paysan.

Vers le Mans aussi, peut-être bien.

J'n'en savons guère plus.

a contribué ensuite sous yd

Re : étrange conjugaison (A la bataille, je combattions) ; je sommes

merci à tous. je suis bien content d'avoir ces éléments pour résoudre une énigme qui me trotte dans la tête depuis longtemps.

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Re : étrange conjugaison (A la bataille, je combattions) ; je sommes

«I' s'foutions d'moi parce que j'sommes Morvandiau... » (dans Barbusse, Le Feu).

(En allemand, mais incomplet, il y a quelques réflexions ici : http://books.google.fr/books?id=We6Wcdh … p;f=false)

8 Dernière modification par greg (03-09-2010 22:41:02)

Re : étrange conjugaison (A la bataille, je combattions) ; je sommes

nanor76 a écrit:

Je m'interroge sur cette pratique, et j'ai imaginé diverses explications:
- c'est la langue d'une époque où on se souciait peu des formalités grammaticales et orthographiques, faute de cadre imposé

Je ne connais pas vraiment le groupe Tri Yann. Il faudrait voir si leur répertoire fait dans le médiéval façon XXe siècle — genre le film Les visiteurs et ses dialogues en vrai-faux ancien français. Peut-être que leurs ritournelles et la parlure qui va avec sont inspirées de la vieille langue du XVIIe. No sé.

En tout cas le linguiste Gaston Zink mentionne les tournures suivantes en moyen-français :
   (1) MF <j'avons> ? <j'ai> en français moderne
   (2) MF <j'avons> ? <nous avons> en français moderne.

Voici ce que dit Zink sur le cas (1) :
« Par distension des limites de la personne jusqu'aux dimensions du groupe, le moi se projette dans le nous qui l'inclut. Le mécanisme d'engendrement est le même que pour le nous d'auteur, la connotation d'humilité en moins, car le je, personne unique, s'affiche ici non seulement sans fausse modestie, mais "dilaté", grandi par l'accord au pluriel : j'avons = "j'ai". »

Et sur le cas (2) :
« La langue va plus loin encore. Par une manière de choc en retour, la désinence de personne 4 charge je de la pluralité du nous qu'il a engendré : j'avons = "nous avons". »

Il ne semble pas que des syntaxies telles que <j'avons> soient réductibles à des libertés prises avec la grammaire. En acadien (voir DB plus haut), par exemple, <j'avons> est équivalent à notre <nous avons> hexagonal. Certains attribuent ce phénomène à une influence des parlers saintongeais et/ou poitevins (langues d'oïl entre Loire et Gironde) que pratiquaient des émigrants à l'époque de la colonisation française de l'Amérique du Nord. Apparemment le fait s'est maintenu en saintongeais du XXIe siècle :

   jh'ae — j'ai
   t'as — tu as
   il at — il a
   jh'avun (= j'avons) — nous avons
   vous avéz — vous avez
   il avant — ils ont

   jhe seù — je suis
   t'és — tu es
   il ét — il est
   jhe sun (= je sommes) — nous sommes
   vous étéz — vous êtes
   il sant— ils sont

Du saintongeais (un peu francisé ?) trouvé sur la toile :
« In qui sait point songhé, l'oute qui sait point causé et les deusse nighé de vinasse. T'othiupe pas d'zeux, jh'avons yière de temps por les barjhodries ! »
Ça doit vouloir dire :
L'un ne sait pas penser, l'autre ne sait pas parler et les deux sont imbibés de vinasse. Ne t'occupe pas d'eux, nous n'avons guère de temps pour les ???.

Pour en revenir à la langue française, on y rencontre l'emploi du signifiant <nous avons> avec pour signifié {j'ai} : c'est le <nous> de majesté ou au contraire de modestie. André Joly, un linguiste guillaumien, a effectué une excellente analyse du mécanisme associé à ces deux emplois ? (im)modestie. Et au-delà, c'est toute la perspective de la personne grammaticale qu'il a su efficacement reformuler. Je tiens les références à ta dispo si ça t'intéresse.

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Re : étrange conjugaison (A la bataille, je combattions) ; je sommes

gb a écrit:

«I' s'foutions d'moi parce que j'sommes Morvandiau... » (dans Barbusse, Le Feu).

(En allemand, mais incomplet, il y a quelques réflexions ici : http://books.google.fr/books?id=We6Wcdh … p;f=false)

Supposant que le nombre de germanoréticents dépasse  ici celui des anglosceptiques wink, je donne ci-joint un résumé des quelques réflexions dues à un linguiste suisse , Ernest Tappolet,  spécialiste des dialectes du francoprovençal et de la Suisse romande.

En 1922, il réalise une étude après enquète dans divers villages du Valais ( valais savoyard et Valais épiscopal , à l'époque) et constate avec étonnement deux tournures dialectales inverses , selon les variantes régionales, pour s'exprimer à la première personne.

Dans l'une, c'est le pronom personnel première personne du pluriel qui est employé, suivi d'un verbe au singulier ( première personne) , soit l'équivalent en français moderne de " nous vais, nous bois " et ailleurs la tournure évoquée dans ce fil, avec un pronom première personne singulier et un verbe pluriel, équivalent de j'avons, j'allons.

Il constate ensuite que ans le premier cas évoqué, cela ne mache pas dans des phrases interrogatives ou exclalatives. Le locuteur utilise alors systématiquement le pronom yo ou dans des comparaisons , où le yo équivaudrait au moi. Idem dans les verbes à forme pronominal, réfléchie, où c'est bien le pronom première personne singulier  qui est utilisé.

Il constate donc, ce que disait greg dans le post prévédent, à savoir que le je et le nous ne sont pas trés difféenciés dans ces formes dialectales particulières.

Après ces descriptions suivent quelques considrations sur le pourquoi de la chose. le Nous royal est écarté, bien sûr. Il constate que certains linguistes ont proposé un nous de solidarité le pendant de notre pluriel médical: " Comment allons-nous, ce matin?"

L'auteur compare ensuite ces deux formes ( nous viens et je venons) et constate qu'on trouve trace de cette dernière dès le 16ème siècle.  Pas seulement dans la littérature érudite qui se moquerait ainsi des paysans incultes.

Par exemple, l'Anglais Palsgrave relate en 1530 qu'il a entendu la phrase suivante à Paris: « Cependant que j'irons au marché» Et là, il ne s'agit pas de parler dialectal en campagne, mais du français de l'époque. C'est d'ailleurs ainsi que Molière fait parler valets et servantes; A l'époque classique, c'était une tournure considérée comme vulgaire, mais il semble qu'elle était employée dans le parler populaire des patois du nord, de l'est et de l'ouest de la France.

Suivent des exemples:

- De ce que je berons  cella chôpina:  pendant que ( nous/ je boirons cette chopine) ,parler lyonnais


Tappolet, le linguiste en question, constate qu'en France la forme je+ verbe au pluriel a prévalu sur la tournure valaisienne nous+ verbe au singulier.

Il suppose que ces tournures étaient d'abord utilisées dans des situations où le contexte numérique n'était d'aucune importance: “  j'ai perdu un frère = nous avons perdu un frère" , d'autant que les familles étaient nombreuses ll pense donc que par contamination, on obtient en France: j'avons perdu un frère et dans le Valais: nous ai perdu un frère .

L'auteur signale que la vie rurale était collective, que le paysan utilisait souvent le nous , comme le on.


En conclusion, il avance l'idée qu'il y avait peu de différence de sens marquée entre le je et le nous , dans le monde paysan et comparecela avec un même absence de différenciation en ancien français pour la troisième personne ( il aile, ils aiment). Pour finir, constatant que ces tiurnures n'existent dans aucune autre langue romane, il en déduit qu'elles nous viennent de fort loin et sont un héritage  des dialectes gallo-romains.

" Wer fremde Sprachen nicht kennt, weiß auch nichts von seiner eigenen."   J.W.v.Goethe

10 Dernière modification par greg (07-09-2010 16:35:08)

Re : étrange conjugaison (A la bataille, je combattions) ; je sommes

regina a écrit:

Après ces descriptions suivent quelques considérations sur le pourquoi de la chose. le Nous royal est écarté, bien sûr. Il constate que certains linguistes ont proposé un nous de solidarité le pendant de notre pluriel médical: " Comment allons-nous, ce matin?"

J'utilise le symbole <xxx> pour les signifiants et {XXX} pour les signifiés.

Ce <nous> médical tranche avec <on> :
   on a bien pris ses cachets, Mme Michu ?
où le locuteur se distingue de l'allocutaire.
Le remplacement de <on> par <nous> semble improbable :
   ?? [s]nous avons bien pris nos cachets, Mme Michu ?[/s] ??
alors que <vous> (= <tu> + politesse) fonctionne très bien :
   vous avez bien pris vos cachets, Mme Michu ?
{TOI} ? <vous> & <on>.

Transposé à ta phrase :
    comment allons-nous ce matin, Mme Michu ?
    comment va-t-on ce matin, Mme Michu ?
    comment allez-vous ce matin, Mme Michu ?

les trois personnes grammaticales sont formellement interchangeables : {TOI} ? <vous>, <on> & <nous>.

La question qui vient, c'est le statut de <nous>/<wir>. Non seulement en français et en allemand où le signifiant ne se confond pas avec <je>/<ich>, mais aussi dans une langue comme le saintongeais où le signifiant unique et commun <jhe> admet deux acceptions distinctes signalées par la morphologie verbale postposée :
   <nous>             <je>
   <wir>                <ich>
   <jhe> ?sun        <jhe> ?seù.
En français et en allemand, la variation personnelle déborde la morphologie verbale pour investir le pronom tandis qu'en saintongeais la forme du verbe suffit à exprimer cette variation de signifiés : sun/seù (sommes/suis, sind/bin).

Qu'y a-t-il dans nous ?
A priori il y a {MOI} et {non-MOI}. Quand {non-MOI} est l'allocutaire, il est {TOI}. Quand il ne l'est pas, {non-MOI} est alors {LUI}.
C'est-à-dire qu'on a :
   {NOUS} = {MOI}+{TOI}
   {NOUS} = {MOI}+{LUI}
Et par suite, quand on pluralise {non-MOI} :
   {non-MOI} = {TOI}+{TOI}+...+{TOI} = a fois {TOI}
   {non-MOI} = {LUI}+{LUI}+...+{LUI} = b fois {LUI}
Au final, on peut combiner les allocutaires et les référents auxquels le locuteur ne s'adresse pas :
   {NOUS} = {MOI} + a{TOI} + b{LUI}
   {NOUS} = {MOI} + {non-MOI}

a et b varient entre zéro et une valeur entière quelconque sans pouvoir être nuls simultanément.

Comparons le <nous> médical ou de solidarité avec le <nous> de modestie et le <nous> de majesté :
   (1) comment allons-nous ce matin, Mme Michu ?
   (2) nous nous proposons d'aborder ce point dans une 3e partie
   (3) nous, Louis, roi de France, décidons que...
En (1) <nous> = {TOI} = {non-MOI} tandis qu'en (2) et (3) <nous> = {MOI}.
Autrement dit :
(1) <nous> n'est pas {NOUS} : il manque {MOI}
(2)&(3) <nous> n'est pas {NOUS} : il manque {non-MOI}

Ajoutons une autre phrase :
(4) nous pourrons y aller demain avec ton frère

On a alors :
<nous>(1) = ? + {non-MOI}
<nous>(2)(3) = {MOI} + ?
<nous>(4) = {MOI} + {non-MOI}
{NOUS} = {MOI} + {non-MOI}

L'intérêt de <nous>(1), c'est que l'esprit maintient l'association de deux termes dont l'un est vide ou fictif :
? + {non-MOI}
alors que <tu> ou <vous> (= <tu> + politesse) aurait simplement posé :
{TOI}.
C'est-à-dire que l'altérité foncière de l'allocutaire (TOI) est démentie par une désignation centrée sur le locuteur : absence de MOI avec présence de non-MOI. Dans ce <nous>(1), l'inclusion de MOI en creux génère un lien interlocutif qui peut correspondre dans la réalité à une sollicitude attendue, à une démonstration de bienveillance, à la recherche d'un effet de proximité, à la volonté de réduire une distance etc.

Avec <nous>(2)(3), comme avec <nous>(1), il y a toujours appariement de deux éléments — dont l'un n'est que trace et virtualité. Mais cette fois-ci le locuteur évide celui des deux termes qui n'est pas lui :
{MOI} + ?
Ce faisant, l'unicité fondamentale du locuteur (MOI) est contrecarrée par une évocation qui repose sur un couple d'unités conjointes : présence de MOI avec absence de non-MOI. Ce qui différencie (2)modestie de (3)majesté, c'est qu'en (2) l'absence de non-MOI semble primer sur la présence de MOI, contrairement à (3) — l'inverse ne se pouvant guère. En poussant ce déséquilibre à la limite, on aurait :
<nous>(2) ? epsilon + ?
<nous>(3) ? {MOI} + epsilon
Ce qui semble suggérer en effet que <nous>(2) est tendanciellement moins que {MOI} (modestie conventionnelle). Par contre <nous>(3) est, livré à son dynamisme propre, bien davantage que {MOI} (majesté conventionnelle).

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Re : étrange conjugaison (A la bataille, je combattions) ; je sommes

Salut DB,

Ce qui soutient en partie cette interprétation, c’est que la langue acadienne a conservé cette conjugaison.

Effectivement. J'ai passé 4 ans chez les Acadiens du Nouveau-Brunswick dans les années 50. Certaines personnes âgées disaient "J'avons". Peut-être n'est-ce plus très courant aujourd'hui, sauf dans d'autres  régions où l'école française n'est que récente.

On dit que les Acadiens sont originaires des bords de la Loire.

Verbum

In principio erat Verbum

12 Dernière modification par DB (11-09-2010 21:06:16)

Re : étrange conjugaison (A la bataille, je combattions) ; je sommes

Tiens, en regardant les livres sur la prononciation dans ma bibliothèque, je tombe sur ce vieux bouquin, pas très épais, que j'avais complètement oublié : Observations sur la prononciation et le langage rustique des environs de Paris, par Émile Agnel, 1855. Il contient des observations fort intéressantes sur notre sujet, à partir de la page 53 sur les verbes, qui confirment ce qui a déjà été dit. Je m'apprêtais à le recopier, mais finalement Google Livre m'épargne cette peine :
http://books.google.fr/books?id=AeATAAA … mp;f=false
On y donne la conjugaison "rustique" des verbes, notamment à la première personne du pluriel :
avoir : j'ons ou j'avons au présent ; j'avions ou j'aviens à l'imparfait, j'ons évu ou j'avons évu au passé composé, j'aurons ou j'arons au futur, etc.
être : j'sommes ou nous sons ; j'étions ou j'étiens ; j's'rons, etc.
nous laisserons : j'lairons.
nous ouvrirons : j'ouveurrons
nous verrons : j'voirons
nous allons : j'allons ou j'vons, etc.
Pages 72 et 73, il y a un savoureux rappel des Dialogues du nouveau langage français italianisé, 1579, d'Henri Estienne :

» Philalethe. — Ce n'est pas en cela seulement que trouble leur est faict par les courtisans, mais aussi en plusieurs autres façons de langage, et notamment en ceste-ci : j'allions, je venions ; et, je disnions, je soupions; pareillement j'allons, je venons ; je disnons, je soupons. Mais encore ce sont les mieux parlant entre plusieurs qui prononcent ainsi. Car les autres font une autre faute en ne prononçant point la lettre s, mais disans : j'allion, je venion; et je disnion, je soupion.
» Celtophile. — Or ça, Marot toutefois les en avait repris, car il me souvient qu'il dit eu son premier coq à l'asne :
« Je di qu'il n'est point question
« De dire, j'allion ne j'estion,
« Ni se renda, ni je frappi,
« Tesmoin le comte de Carpi
« Qui se fit moine apres sa mort. »
» Philalethe. — Ils veulent montrer que ce qu'a dit Ovide est vray : Nitimur invetitum.
» Celtophile. — Mais encore ne puis-je croire qu'autre que des souillards de cuisine ou autre racaille de la cour usent de ces mots : j'allion, je venion.
» Philalethe. — Si vous ne le pouvez pas croire, je n'en puis mais, tant y a qu'au contraire on oit ce langage de la bouche aussi d'aucuns des plus grands. Or je vous laisse penser combien les grands trouvent incontinent d'imitateurs, les uns par ignorance, les autres pour leur complaire.

On trouve aussi l'essentiel des Dialogues sur Google Livres :
http://books.google.fr/books?id=cmV7BC1 … mp;f=false
(le passage ci-dessus est pages 209-210), ou chez Gallica dans la version originale :
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k54441n.r=.langFR
Il est intéressant de noter au passage que Estienne note la disparition du "s" sonore dans ce type de conjugaison, qu'il considère comme encore fautive, alors qu'elle est aujourd'hui la norme.

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