Sujet : Quels sont les défenseurs de la langue et que font-ils ?
La discussion sur le sujet a d'abord commencé là . Pour plus de clarté, on la poursuivra ici.
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La discussion sur le sujet a d'abord commencé là . Pour plus de clarté, on la poursuivra ici.
Je pense que vous simplifiez la question du "purisme" lorsque vous identifiez cette attitude à un avatar de "fixisme", "passéisme" etc. Milner (parlant moins en générativiste qu'en lacanien dans l'Amour de la langue et les Noms indistincts, éd. du Seuil) dit des choses intéressantes sur cet affection quasi-névrotique envers sa langue maternelle. [..] Je me demande si le purisme ne serait pas une excroissance quasi obligée de tout idiome écrit (cf. l'étymologie du mot "grammaire", et la grammatologie derridienne)
Je n'ai pas lu ces ouvrages de Milner, donc je ne vais pas pouvoir m'appuyer dessus. Mais d'abord je ne crois pas du tout qu'on puisse assimiler «amour de sa langue» et «purisme». Ce n'est pas parce qu'on aime sa langue qu'on devient puriste ; l'inverse est encore moins fondé.
Aujourd'hui (c'était évidemment très différent quand Vaugelas et Balzac pensaient la langue à la place de Druon), les puristes sont des sectaires et des fanatiques. Je ne crois pas du tout qu'ils aiment la langue française, ou alors il faut dévoyer le terme et dire qu'ils l'aiment à la façon dont les jaloux aiment leur femme, comme une propriété et une chasse gardée. J'imagine que Milner parle d'autre chose. D'ailleurs, ce serait surprenant si Milner s'intéressait à eux qui n'intéressent personne.
Et les motivations les plus claires de leur engagement sont d'abord politiques au sens large : ils ne sont pas contents parce que la société évolue. Ce serait facile à démontrer. Le purisme, ici, c'est toujours un alibi ; soulevez le voile aux mots et vous verrez dessous un profil politique pas vraiment joyeux. Remettez le voile pendant qu'il en est encore temps ! On peut ajouter une pincée d'explication psy pour corser le portrait : tout le monde sait que les puristes n'aiment pas les grossièretés, même avec subjonctif («Encore eut-il fallu que je le suce» ne se dit pas chez les puristes bien élevés). Ça aussi c'est assez parlant. Milner y pourrait jeter un œil.
Ce sont des fixistes, des passéistes, des conservateurs, sinon ce ne seraient pas des puristes . Quand on ménage la chèvre et le chou, on dit qu'il en faut pour éviter d'aller trop vite. C'est juste.
«Encore eut-il fallu que je le suce»
Oh, gb ! N'est-ce pas "encore eût-il fallu que je le susse", sinon c'est "suçasse".
Quels sont les défenseurs de la langue et que font-ils ?
Que font-ils ? Ils me font fuir !
Il me semble qu'il faudrait écrire : « Qui sont les défenseurs de la langue ? » mais c'est une simple question pour nos puristes, que j'aime bien, au fond.
Ils me font fuir !
Et chez vous, sauf erreur, c'est nettement plus tendu que chez nous.
Il me semble qu'il faudrait écrire : « Qui sont les défenseurs de la langue ? »
Pas seulement pour les puristes là, plutôt pour ceux qui voudraient ne pas faire trop de fautes. Donc, honnêtement, je n'en sais rien. J'ai hésité avec «qui», et puis j'ai trouvé que «quels» était mieux ici, avec un brin de doute. Vivons dangereusement. Si j'apprends que c'est fautif je ferai amende honorable :)
"encore eût-il fallu que je le susse", sinon c'est "suçasse"
et si j'en avais fait exprès ?
Mais glissons là-dessus...
Glisser sur ... ? Une peau de banane ?
Pour le reste, votre réponse est trop idéaliste pour moi. Les puristes que j'ai lus, càd tous ceux qui passent leur temps à vous reprendre, rarement à bon escient, dès que vous ouvrez la bouche, ne méritent pas tant de savoir. Je ne pense pas qu'on parle exactement de la même chose Et ce ne sont pas de doux rêveurs, d'aimables utopistes. Généralement, on ne sent pas le rêve que vous dites chez les puristes, mais on lit souvent cette interprétation sommaire chez les linguistes qui les lisent, hélas trop rarement.
Car les linguistes devraient mieux les lire et leur répondre. De ce point de vue, louées soient H. Walter et M. Yaguello qui mettent à la disposition des amateurs éclairés des livres de qualité, savants et accessibles (en linguistique, ça se remarque tout de suite, un livre lisible). Car, si personne n'occupe le terrain de la vulgarisation scientifique, les connaissances sur la langue seront données aux amateurs par d'aussi tristes sires que Dutourd, Collignon et autres maîtres Capellovici), qui connaissent sans doute parfaitement des règles d'accord, mais guère plus. C'est leur boulot aux linguistes de faire passer des informations sérieuses, et pas seulement quand il s'agit de réformer l'orthographe, et pas seulement dans des revues ronéotypées. Pour des gens de gauche, on ne peut pas dire qu'ils communiquent ni qu'ils instruisent beaucoup. En ayant laissé s'installer sur le terrain de la connaissance linguistique la récitation des règles d'orthographe ils sont aussi responsables, par leur inaction, des rapports conflictuels avec la langue. Là, il faut prendre exemple sur Dutourd, ou Druon, bonnet blanc, blanc bonnet, qui publie(nt?) un article tous les 6 mois dans le Figaro ou dans Paris Match pour répéter le précédent (dégradation du langage...). Comme tous les activistes, ils sont présents. Les linguistes devraient en faire autant et penser à se rendre accessibles, penser aussi que, comme fonctionnaires, ils pourraient rendre au peuple qui les paie une partie du savoir qu'ils accumulent, et qu'ils ne sont pas payés pour garder dans les facs leurs connaissances. Toutes choses égales par ailleurs, il devraient s'engager plus activement pour lutter contre les idées fausses, comme le font d'autres savants ailleurs (on les appelle parfois des «intellectuels» et il n'y a pas d'intellectuels dans les bureaux). Et pour cela, il ne suffit pas de dire rapidement que les puristes rêvent d'une langue qui n'a jamais existé. Il faut montrer pourquoi, prosaïquement, ils ont tort, pourquoi ce que le puriste reconnaît naïvement comme une faute est souvent autre chose qu'une «faute», pourquoi il est normal que les gens disent «fruste» et pas «frustre». Il faut leur mettre le nez dedans.
Ils seraient alors beaucoup plus utiles qu'en disant ce que tout le monde sait plus ou moins, soit des truismes dans le genre : «la langue évolue», soit des contre-vérités dans le genre : «les fautes d'aujourd'hui sont les règles de demain» (car ce n'est pas vrai ).
Bonsoir Oarsman,
gb a écrit:Pour des gens de gauche, on ne peut pas dire qu'ils communiquent ni qu'ils instruisent beaucoup.
Oups, dans votre emportement, vous faites un amalgame étrange entre "linguistes" et "gens de gauche".
Disons que tous ceux que j'ai lus n'étaient manifestement pas de droite (je m'intéressais essentiellement aux défenseurs des langues régionales, et je peux vous assurer qu'il n'y avait pas besoin d'être un grand clerc pour voir qu'il n'y avait que des gens de la gauche, saignante : R. Balibar, p.e.) ; quand je me suis intéressé à l'argot et au «français populaire» rebelotte (Gadet pour le FP, p.e. ou Cohen pour l'argot -très bon lui- qui écrivait dans l'Huma). Je ne parle pas des sociolinguistes de Rouen, genre Marcellesi Quand on cite Gramsi dans les 10 premières pages d'un livre qu'on a publié chez Maspéro et qu'on enseigne à Nanterre ou à Jussieu en 1975 on n'est de droite que dans ses cauchemars (toujours pas de «d» à cauchemar?).
La pique ne visait pas du tout le choix politique évidemment, mais un décalage entre l'engagement scientifique très favorable au «peuple» et le désert ailleurs. (On peut continuer dans une autre rubrique si vous le souhaitez )
Et que de rancoeurs envers "les" linguistes:
Non, pas du tout. J'ai pu le laisser croire maladroitement pour ne pas alourdir mon message de toute la mesure que j'aurais dû y mettre, mais il n'y a aucune rancœur ; j'ai généralement beaucoup aimé ce que j'ai lu, certains plus que d'autres, rien que de banal. Je regrette seulement que, quand on a tant envie de défendre le «peuple» et ses pratiques, on le laisse sans défense face à Dutourd.
Les vulgarisateurs, dites-vous, sont peu nombreux. Et de concéder Yaguello et Walter, mais que l'on ne croit pas qu'elles sont les seules: Queneau (Bâtons, chiffres et lettres), Hofstadter (une bonne partie de son Gödel, Escher, Bach), Pinker, Hagège etc. etc. (..) Tangente (..)
Oui, enfin Queneau, non. Hofstadter, Pinker, et Tangente je ne connais pas (je devrais sortir plus souvent) ; Hagège ce n'est pas du tout ma tasse de thé. On pourrait ajouter Cohen et ses Regards sur la langue. Il y avait la revue Vie et Langage aussi chez Larousse. Mais je ne concède pas : Walter et Yaguello sont bien. Mais ça ne fait pas lerch
ce n'est pas des linguistes qu'il s'agit ici, mais des puristes
Mais les puristes n'existeraient comme ils existent s'il y avait des contradicteurs compétents, s'il y avait des discussions intelligentes sur la langue, qui dépassent le niveau pipi-caca de cuisseau/cuissot, confiture de groseille/s, et autre choses sans intérêt, qui ne font marcher que la mémoire et qui sont à la portée des otaries (mais savante, l'otarie).
Les puristes (..) sont, eux, dans l'erreur (ça, c'est le petit plus accordé aux linguistes: ils savent... j''envie votre confiance) ; mais en plus, ils trompent le bon peuple! Tout est simple, du coup: il suffit de remettre les victimes des puristes dans un droit chemin éclairé par le vaillant lumignon de la science.
Je ne suis pas chipoteur, je vais dire oui, banco. Oui, il faudrait liquider une bonne fois pour toutes les questions minuscules qui sont tellement ennuyeuses (ou ennuyantes, autre classique) et les linguistes sont sûrement mieux placés pour le faire que mon charcutier : par exemple fonder/baser, le refus de malgré que, etc. Oui, il faut espérer que les linguistes savent quelque chose, et oui encore, je pense qu'il vaut mieux donner à ceux qui parlent français, nous, une approche dynamique et scientifiquement fondée de la langue plutôt que de nous rebattre (hein, rebattre, c'est dans tous les bouquins de ce genre) les oreilles avec des dites/ne dites pas à la Maurice Rat qui datent de plusieurs siècles et qui n'ont rien à voir avec la science, mais tout avec le psitacisme.
le domaine d'intervention des puristes est clairement défini comme non scientifique: vous le dites vous-même: leur royaume, c'est la gazette
Justement, s'ils pouvaient écrire leurs élucubrations dans des revues confidentielles et ne jamais les faire connaître ailleurs que dans un minuscule groupe d'initiés masochistes (par exemple, les amis de la confiture de groseilles sur cuissot de chevreuil) ce serait encore mieux. Mais ce n'est pas le cas : le nombre de livres produits sur le sujet (et d'arbres détruits pour rien), c'est effroyable. En France, on ne produit que ça et des grammaires (cf. Chervel) Grâce à eux, et grâce aux dictées de Pivot, plus personne ne sait plus s'il faut choisir pareil que/pareil à, docteur ès/docteur en ou autre chose. Ils sont la première cause d'insécurité linguistique ; on n'ose pas faire de néologisme, ni faire de phrase complexe. Avec eux tout est grave, tout est commination, dénonciation, délation. Rien n'est jamais bien. C'est comme le dictionnaire des maladies : tu as toutes les maladies que tu peux y lire . Je crois pas en avoir trouvé un seul sympathique. Si vous avez accès au bouquin de Muller, d'Orthonet, vous devriez retrouver ça je suppose : tous les gens qui ont la pétoche d'écrire un mot, de prononcer un son, s'y retrouvent comme on va voir le cancérologue le jour du verdict.
Tiens, et si on rajoutait Calvet à la liste des bon vulgarisateurs?
Je l'aurais plutôt mis sur la liste des gauchistes (langage et colonialisme, la glottophagie et la glottopolitique, ..) ; mais dans le dernier article que j'ai lu de lui, il m'a semblé qu'il avait effectué sa «double demi révolution». Mais c'est vrai, il écrit beaucoup, et sur tout.
Et c'est en cela qu'ils peuvent aussi intéresser le linguiste, pas uniquement le sociolinguiste.
Oui, aujourd'hui les sujets d'étude sont assez libres
[…] à tort ou à raison, je préfère me situer par rapport à des options philosophiques plutôt qu'aux engagements partisans […]
Les engagements partisans ne sont-ils pas fondés sur des options philosophiques ?
Bonjour,
Je n'ai pas eu le courage de lire toute cette édifiante conversation.
Je voudrais rebondir sur une des premières interventions de gb: "Les fanatiques et les puristes".
Les fanatiques sont plus proches des terroristes, quant aux puristes, ils ont une certaine idée de la langue française, faut-il les en blâmer ?
D'avoir une certaine idée de la langue ? Sans doute pas. Mais de vouloir l'imposer aux autres, oui. Tels que j'imagine les puristes d'aujourd'hui -Oarsman les voit autrement- ils emploient un discours rapidement terroriste, qui veut faire peur : en culpabilisant le locuteur fautif, en en faisant un «collaborateur» et un «traitre» notamment. Le ton catastrophé pour prédire la fin du monde (la fin du français) : on se croirait dans une série Z. Et l'intérêt porté aux moindres détails, et particulièrement aux plus formels, va dans le même sens. C'est pareil avec tous les fanatiques, au sens large.
GB
On ne peut pas ne pas remarquer la pureté de la langue dans laquelle vous écrivez,et c'est un peu ça le problème :
pour vous ces attaques contre les puristes sont un jeu intellectuel d'élite ultracultivée,dominant sa culture et la moquant mais leurs résultats sur ceux pour qui ils sont la seule nourriture et le seul horizon sont confusion et pauvreté misérable du discours et malheureusement de la pensée;
et stigmatisation immédiate,réflèxe dès qu'ils ouvrent la bouche ou écrivent ou surtout tapent sur leur clavier vous les sentez,classez dans les incultes,les pas de votre monde,les inférieurs;
Cet amour proclamé du peuple est en fait un parfait mépris du peuple l'enfermant dans sa peuplitude.
Intéressant sujet.
Mais une exigence sur la qualité du français à enseigner au "peuple" n'est pas incompatible avec le souhait de réformer, par exemple, les participes passés, en unifiant la règle (les règles serait plus exact... vu qu'il faut d'abord retenir tous les types de verbes pronominaux), une règle bien difficile à assimiler - quoi qu'en disent les puristes. On pourrait très bien ne pas les accorder du tout.
D'ailleurs, les locuteurs eux-mêmes simplifient la langue en fabriquant les nouveaux verbes préférentiellement dans le premier groupe (tchater, clavarder, googler), régulier ; faut-il y voir un nivellement par le bas ?
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