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forum abclf » Réflexions linguistiques » Quoique + indicatif

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Messages [ 5 ]

Sujet : Quoique + indicatif

Au cours de mes lectures, je tombe, pas souvent mais quand même assez pour que je les remarque, sur des phrases où quoique est suivi d`un indicatif, généralement au conditionnel « pour marquer l'éventualité », selon Grevisse, qui ajoute qu'il s'agit d'un « tour surtout populaire ou très familier ». On voudra bien éclairer ma lanterne.

L'escrivaillerie semble estre quelque symptome d'un siecle desbordé

Re : Quoique + indicatif

D'une manière générale, l'indicatif, et en particulier le conditionnel, est loin d'être rare après quoique et analogues.
Marco1971 citait à ce propos déjà Grevisse, déjà :

Et Grevisse (Le bon usage 9e édition, § 1032, Rem. 2) :
« Après bien que, quoique, encore que, malgré que, pour ... que, si ... que, on emploie parfois, en dépit de la syntaxe rigide, l'indicatif pour marquer la réalité, ou le conditionnel pour marquer l'éventualité. »

L'autre Marco du forum indique sur son site :

En un seul mot, quoique (suivi ou non d'un verbe conjugué) est une conjonction de subordination qui exprime une concession, une réserve au sens de « bien que », « encore que ». Le verbe qui suit est généralement au subjonctif (même si l'on trouve des exemples d'emploi avec l'indicatif ou le conditionnel).
[...]Je passerai te voir ce soir, quoique je préférerais venir demain. Quoique, dans ce cas, il serait bien inspiré de ne rien faire (emploi du conditionnel pour marquer l'éventualité).

De son côté, le Robert historique dit :

En dehors des cas d'ellipse du verbe (1656, quoique pieux) et de propositions participiales (1715), quoique se construit le plus souvent avec le subjonctif, par exemple dans quoiqu'il pleuve ; la construction avec l'indicatif est archaïque ou correspond à un cas particulier qui lui donne une valeur de conjonction de coordination adversative « pourtant, cependant » (après une ponctuation forte), par exemple dans je sais, quoique tu m'avoueras, c'est une idée bizarre. Lorsque la concessive-oppositive énonce une éventualité ou fait partie d'un système hypothétique, quoique peut être suivi du conditionnel présent ou passé (quoique je préférerais aller à la montagne).

Le Grand Robert est plus complet :

(Suivi du conditionnel présent ou passé, lorsque « la concessive-oppositive énonce une éventualité, ou fait partie d'un système hypothétique », G. et R. Le Bidois, Syntaxe du franç. mod., §1565).
12 Malgré tout mon amour, si je n'ai pu vous plaire,
Je n'en murmure point, quoiqu'à ne vous rien taire,
Ce même amour peut-être et ces mêmes bienfaits
Auraient dû suppléer à mes faibles attraits.
Racine, Bajazet, V, 4.
13 Mais tu ne vois pas dans la nature le citronnier produire des pommes, quoique, peut-être, cette année-là, elles lui coûteraient moins cher à former que des citrons.
Valéry, Eupalinos, p. 87.
14 Je me trouvais donc à l'intérieur de la salle appelée le billard, quoiqu'on aurait pu y chercher en vain ce meuble.
Ch. Géniaux, les Faucons, in Damourette et Pichon, no 1915.
REM. 1. La difficulté pourrait être tournée, dans les phrases de ce type, par l'emploi du subjonctif imparfait ou plus-que-parfait à valeur de conditionnel; mais le tour apparaîtrait comme recherché et légèrement inadéquat (cf. G. et R. Le Bidois, Syntaxe du franç. mod., §1566).
2. En dehors des véritables concessives, le conditionnel se rencontre après quoique dans des phrases analogues à celles où on trouve l'indicatif, et où la valeur de subordonnant de quoique n'apparaît plus.
15 Loin d'obscurcir la suite de l'histoire des rois de Perse, elle (cette supputation) l'éclaircit; quoiqu'il n'y aurait rien de fort surprenant, quand il se trouverait quelque incertitude dans les dates de ces princes (…)
Bossuet, Discours sur l'histoire universelle, II, IX.
16 Et de peur qu'elle l'enfreignît jamais (cet ordre) j'ajoutai : « Quoique je serais furieux que vous me réveilliez ».
Proust, la Prisonnière, Pl., t. III, p. 120.

Dupré conclut un examen des opinions des différents grammairiens par :

On trouve après quoique le conditionnel pour marquer l'éventualité, le futur, quand l'opposition intervient en vertu d'une action qui se place dans l'avenir.

mais il préconise néanmoins l'emploi du futur.
Je suis un peu surpris de ce « tour surtout populaire ou très familier » selon Grevisse. Parle-t-il spécifiquement de "quoique", ou plus généralement de "bien que" et analogues ? Ce doit être un vieux Grevisse, car je ne vois rien de tel dans la 12e édition du Bon Usage. Il est certain que même Hanse, d'habitude au moins aussi indulgent que Grevisse, donne à la rubrique "Bien que" une règle intransigeante sur l'emploi du mode après "bien que, quoique, malgré que" : hors du subjonctif, point de salut, même s'il admet qu'on peut expliquer, mais non justifier, certains emplois de l'indicatif et en particulier du conditionnel. Colin, dans le Robert des Difficultés est bien moins sévère, et l'emploi assez large dans la littérature moderne du conditionnel après "quoique" fait à coup sûr échapper cet emploi au grief de « tour surtout populaire ou très familier ».

Re : Quoique + indicatif

Je vous remercie de cette réponse très complète. Je me sers du Grevisse 10e édition, §1032. Si je comprends bien, si quoique peut être remplacé par mais, il pourrait se faire suivre du conditionnel (et Grevisse de citer à ce propos F. Brunot selon lequel « il n'y a ici subordination qu'en apparence : la conjonction équivaut à et pourtant, cependant »).

L'escrivaillerie semble estre quelque symptome d'un siecle desbordé

Re : Quoique + indicatif

Je pense que Grevisse ou vous-même faites référence à la Pensée et la Langue, Chapitre VI, Les modalités et les oppositions, de Brunot. Dans mon exemplaire (3e édition), au sous-chapitre "Comment la langue s'affranchit de cette contrainte", Brunot étudie successivement l'emploi de l'indicatif pour les faits positifs (paragraphe A) et du conditionnel pour marquer une éventualité (paragraphe B). C'est dans le paragraphe A qu'il dit que « la subordination n'est qu'apparente, le sens est : malgré tout, cependant. » Il ne le dit pas dans le paragraphe B, qui nous intéresse.
Je ne suis pas sûr que la règle proposée soit si pertinente que ça.
Dans la phrase "je suis généreux, quoique je ne sois pas riche", on remplace aisément quoique par mais ou cependant. Il n'est pourtant pas question d'écrire "je suis généreux, quoique je ne serais pas riche".

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Re : Quoique + indicatif

L'hésitation ne viendrait-elle pas de la polysémie du mot ? J'ai cru voir dans les exemples cités que quoique est suivi du subjonctif quand il marque la concession (comme la majorité des conjonctions de même sens), et de l'indicatif quand il marque l'opposition (comme la majorité des conjonctions de même sens).

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