Aujourd'hui je vais faire une visite commentée, la troisième et dernière, dans la série inaugurée par l'article/cours de Thibault, et ayant pour thème la recherche des phonèmes.
Après Paris et la Californie, notre voyage culturel nous emmène en Angleterre :
http://www.cs.bham.ac.uk/~pxc/nlp/NLPA-Phon1.pdf
est un cours qui émane de l'université de Birmingham, apparemment un département de robotique/intelligence-artif...
Bien que le point de départ soit très différent des deux autres (faire parler ou apprendre à écouter un ordinateur) la matière étudiée est très semblable, car les professeurs estiment que "nous avons besoin d'étudier un peu de la théorie linguistique sous-jacente" (ma traduction, mdr).
Je dirai tout d'abord, c'est la continuation de ma dernière devinette, que ce cours est comme celui de Rowe/Levine et pas comme celui de Thibault, pourquoi ? (on gagne un voyage pour deux à Miami).
L'auteur commence par une bonne contradiction, le langage est fait d'une "séquence de sons", puis immédiatement après, il est composé de "sons continus". Bon mais ce n'est qu'une petite erreur de rédaction, on comprend bien que c'est la deuxième phrase qui est importante et que toute l'analyse du langage revient à comprendre comment on peut segmenter cette matière "informe". On verra que c'est très simple :
C'est une tendance de l'auteur de commencer par se contredire, immédiatement après avoir émis l'idée que le mot anglais "cat" est composé de trois phonèmes correspondant aux lettres c, a et t (qui l'eut cru ?) il nous dit que l'orthographe anglaise est une langue notoirement "non-phonémique".... mais là encore, il s'agit d'un départ, assez mauvais pour moi, mais d'une bonne réflexion : comment savons nous que cette décomposition est bonne ?
L'auteur définit ensuite le phonème d'une manière un peu différente de ce que nous avons vu précédemment, mais l'analyse est globalement parallèle aux précédentes, peut-être encore plus circulaire :
Un phonème est une unité parce que si on l'enlève complètement, ou si on la remplace complètement, alors elle n'est plus là, ou bien elle est remplacée par une autre. Ca marche avec les roues de ma voiture, un objet construit, est-ce que ça tient la route en parlant d'un objet continu, comme un litre de sang dans mon corps ?
L'auteur nous explique ensuite comment noter les phonèmes, en anglais cette langue si peu phonématique. Il prend pour cela l'exemple de 4 mots notés phonématiquement : cad, bat, kit, cad.... bon j'arrête de lire le texte à ce niveau, car cela prendrait trop de temps. Mais je ne peux m'empêcher de me demander si ce gars là peut faire une démonstration ?
Par contre, contrairement aux précédents, ce texte commence par le phonème, et il fait les sons plus tard, c'est clairement une perspective différente. On ne cherche pas ici à trouver des phonèmes à partir des sons. Les phonèmes sont dans les mots, il ne reste plus qu'à savoir comment ils se transforment en sons. Les informaticiens, c'est pas des rêveurs, je suis sûr qu'ils pensent même que les 10 commandements étaient déjà codés en ASCII avant que Moïse écrive les tables de la loi.
Et hop, on est parti dans les voyelles, et très rapidement, dans les diphtongues (et moi qui affirmait bêtement que les articles sur le phonème ne parlaient jamais de la diphtongue, j'ai vraiment l'air de quelqu'un qui a besoin qu'on lui mette les points sur les i, pardon sur les <i>).
J'entends un soupir de soulagement dans l'assistance, des diphtongues ! Il est très intéressant de voir que l'auteur lance même une définition pour elles, ce serait la suite de "deux voyelles prononcées ensemble pour former un seul phonème". Une définition très évoluée je dirais (qui ne signifie quelque chose que si on attribue au mot "voyelle" un sens purement phonétique, mais OK) .
Le seul ennui c'est que l'auteur balance ça sans dire d'où ça vient (si ça vient de lui, on aimerait aussi le savoir). On apprend immédiatement après qu'une ou plusieurs de ces "voyelles" dans la diphtongue peuvent même ne pas exister à l'état libre, indépendamment. Accrochez vous, car il fallait déjà avoir compris que chez d'autres diphtongues, les "voyelles" auraient pu exister aussi à l'état libre, en tant que phonèmes indépendants, vous pouvez décrocher votre harnais et descendre du toboggan de la mort.
Moi je trouve ce texte très créatif quand même, on apprend au passage que les voyelles existent dans un ensemble de dimensions complètement continues, ce qui les rend particulièrement difficile à reproduire dans une langue apprise, peut-être aussi à définir phonétiquement (non, là je m'avance).
Ensuite on passe aux consonnes. Toujours très créatif, on note au passage l'existence d'occlusive glottale en anglais, rarement mentionnées (mais j'ai une autre référence).
Finalement, on arrive à la notion de phone, je rêve ou ils ont exactement la même définition que les phonèmes ? (parce qu'on peut les remplacer complètement etc.)
Tiens un peu de technique, non seulement cet auteur a probablement étudié sur des sonogrammes ce qui différencie un p d'un b (mettez les crochets vous même, j'en ai marre de me battre contre cet éditeur) mais il a programmé une machine pour les prononcer. On apprend au passage que le décalage dans le voisement est de 30 ms en anglais, en français ce n'est pas donné mais on comprend qu'il doit s'agir de millisecondes également. Au lieu qu'il se fasse caguer à faire tout ce travail avec de l'électronique, on devrait lui suggérer de mesurer ces différences en millisecondes sans chichi, en mettant sa main sur sa gorge (en serrant plus fort, on peut définitivement faire taire les impertinents).
Après un ou deux passage que je ne discuterai pas, car cela ne concerne plus la reconnaissance des phonèmes, on arrive enfin, comme dans tout bon cours, aux exercices, avec une magnifique transcription de Lewis Caroll pour les amateurs. Pourquoi ne pas avoir travaillé directement sur :
Twas brillig, and the slithy toves
Did gyre and gimble in the wabe;
All mimsy were the borogoves,
And the mome raths outgrabe. ?
L'exercice 10 est intéressant : sachant que l'orthographe de l'espagnol nous donne apparemment le phonème /d/ (oui, je sais, l'auteur le "suppose" seulement, mais pourquoi est-ce la seule notation phonologique de l'exercice alors ?) il faut expliquer les règles de la prononciation, toujours de mots en orthographe normale... ça ressemble furieusement à un exercice de grammaire !
Enfin "si nous savons le français", l'auteur nous propose d'écrire les règles gouvernant la prononciation des séquences : "petit enfant, petit livre or petit oiseau". Cool, en plus il précise que ça l'intéresse vraiment de voir ça (je ne sais pas s'il parle toujours de son petit oiseau).
Finalement on trouvera un appendice des sons utilisés en anglais, avec une définition "partielle" (très partielle même) de leur traits phonétiques (toutes les voyelles ont les mêmes traits).
Fin de la visite, si vous trouvez une présentation des phonèmes plus exotique, merci de nous la faire partager.