Passer au contenu du forum

forum abclf

Le forum d'ABC de la langue française

Mise à jour du forum (janvier 2019)

Remise en l'état – que j'espère durable – du forum, suite aux modifications faites par l'hébergeur.

(Page 5 sur 5)

forum abclf » Réflexions linguistiques » Mots de couleur

Flux RSS du sujet

Messages [ 201 à 217 sur 217 ]

201

Re : Mots de couleur

Travail admirable. Texte enrichissant. Merci.
Notre logique moderne demande qu'un adjectif de couleur qualifie une couleur précise. Une fois de plus, avec inde, ce n'est pas exactement le cas, bien que les bleus dominent dans ses emplois.
Une fois de plus aussi, je suis sans doute en cause en ce qui concerne un passage de votre exposé : je ne comprends pas bien son premier paragraphe. Si inde « dérive du latin indicus, « originaire d’Inde » [...], en raison de la provenance d’un colorant pour étoffes bien connu : l’indigo », comment les « origines des mots inde et indigo » peuvent-elles ne pas être « strictement identiques » ? Les deux mots n'ont-ils pas du côté du grec ancien ou du latin un étymon commun ressemblant à *India ?

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement… (Nicolas BOILEAU). Si possible !

202 Dernière modification par Lévine (05-11-2020 14:45:28)

Re : Mots de couleur

Merci Chover.

Oui, l'origine lointaine est bien indicus dans les deux cas, mais le processus de dérivation n'est pas le même vu le passage par des langues différentes. De plus, dans le cas de inde, il y a dérivation adjectivale, dans le cas d'indigo, la dérivation est nominale (adj. substantivé). Vous me direz que c'est bien ténu, et éponymie serait d'accord avec vous sans doute.
J'ajoute que inde ne peut être directement dérivé de indicus que si l'on admet une syncope très tardive du i bref, comme dans les mots apôtre, image, etc..., mais mes sources n'en parlent jamais. S'il y avait eu syncope, on eût obtenu quelque chose comme **inge.

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

Re : Mots de couleur

Dans le fil
https://www.languefrancaise.net/forum/v … 44#p196144

Lévine a écrit:

[moi] Qui courais, taché de lunules électriques,
Planche folle, escorté des hippocampes noirs,
Quand les juillets faisaient crouler à coups de triques
Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ;

                          Rimbaud, Le Bateau ivre.

Lévine a écrit:
vh a écrit:

Sont-ce les cieux bleu outremer ?

Je n'ai jamais posé la question à Rimbaud. C'est un  peu les deux : la couleur du ciel, mais aussi les contrées mystérieuses situées dans un espace mystique, très au-delà des cordes des haleurs, juste entrevues dans leur magnificence...

... et qui feront dire au poète (pardon, au bateau) :

Et j'ai vu quelquefois ce que l'homme a cru voir !
 

Ylou a écrit:

Ce n'est évidemment pas par hasard que Rimbaud a choisi "ultramarins" qui évoque, au-delà de la couleur, des espaces inconnus à explorer, mieux que le ferait '"outre-mer", terme plus courant.
Sans doute aussi les sonorités s'accordent-elles à  la rugosité de ces espaces sauvages.



Il est certain que Rimbaud aime forger des mots ou utiliser des mots rares, rassembler des images de couleurs surprenantes. Pas loin, on trouve les "azurs verts" puis les "bleuités".
Où a-t-il pêché "ultramarin(s)" ?
Le mot existait avant lui, mais le connaissait-il ? C'était en français un mot peu employé. En revanche, il existait en anglais et en allemand pour traduire la couleur de bleu d'outremer.
C'est par une paresse de traduction de l'anglais qu'on trouve le mot dans les Annales de Chimie et Physique, tome 17, publiées en 1821 par Gay-Lussac et Arago.

L'eau de l'Océan , dit M. Scoresby, est, comme on sait, aussi transparente et aussi dépourvue de toute couleur que celle des sources les plus pures. C'est uniquement dans les lieux où la mer est très-profonde que l'eau paraît acquérir une teinte déterminée et permanente. Cette teinte est ordinairement un bleu ultramarin (ultramarine), qui diffère très-peu du bleu que nous offre l'atmosphère quand elle est dégagée de nuages et de vapeurs.

https://books.google.fr/books?id=fcj-OD … mp;f=false
Le traducteur a collé au plus près au texte anglais et a mis l'expression en italiques.
Je doute que cela fît partie des lectures du jeune Rimbaud. En revanche, on trouve dans la revue scientifique Les Mondes, des années 1870-1871 (celles de la rédaction du Bateau ivre), ceci par exemple :

J'ai donc dû être parfaitement libre de préventions dans mes observations faites ici; elles établissent d'une manière indubitable que quand l'eau de la mer est verte, elle contient de la matière fine en suspension, et que si elle a une couleur ultra-marine, et plus spécialement une couleur indigo foncé, elle ne contient pas de cette matière en suspension.

Le mot était dans l'air... ou dans la mer ! Au sens de la couleur.
Dans le Tableau de l'Angleterre pour 1780, publié en 1783, je vois l'autre sens d'ultramarine apparaître :

Les forces de mer de la Grande Bretagne. [...]
Depuis ce tems elle s'est aggrandie par degrés. Olivier Cromwell fut le premier qui se servit de bons Amiraux, et la conquête de la Jamaique avec les établissemens en Amerique continuerent de former d'excellens Marins pour les Flottes de l'Angleterre; et c'est encore à son commerce immense qu'elle doit ses forces de mer. Rétrécissez les possessions ultramarines de l'Angleterre, et vous lui oterez la pépinière des Matelots pour l'équipement de ses Flottes, qui naturellement se fondront.

https://books.google.fr/books?id=5sVbAA … mp;f=false
Il est bien possible que ce soit aussi un anglicisme car je trouve "ultramarine possessions" à des dates antérieures dans des livres anglais. Une influence de l'espagnol n'est pas non plus à exclure.
Mais bien sûr, Rimbaud a pu aisément recréer le mot, dans l'un ou l'autre sens, même s'il ne l'a pas pris tout fait dans ses lectures.

204

Re : Mots de couleur

L'histoire de l'ultramarin a commencé il y a environ 6 000 ans, lorsque la pierre précieuse vibrante et semi-précieuse dont elle était fabriquée - le lapis-lazuli - a commencé à être importée par les Égyptiens des montagnes d'Afghanistan. Cependant, les Égyptiens ont essayé et n'ont pas réussi à le transformer en peinture, chaque tentative aboutissant à un gris terne. Au lieu de cela, ils l'ont utilisé pour fabriquer des bijoux et des coiffes.
Aussi connu sous le nom de «vrai bleu», le lapis-lazuli est apparu pour la première fois comme pigment au 6ème siècle et a été utilisé dans les peintures bouddhistes à Bamiyan, en Afghanistan. Il a été rebaptisé outremer - en latin: ultramarinus, signifiant «au-delà de la mer» - lorsque le pigment a été importé en Europe par des commerçants italiens aux XIVe et XVe siècles. Sa qualité d'un bleu royal profond signifiait qu'il était très recherché parmi les artistes vivant dans l'Europe médiévale. Cependant, pour l'utiliser, il fallait être riche, car il était considéré comme tout aussi précieux que l'or.

https://mymodernmet.com/shades-of-blue- … uNdCVyBNmE

version google translate.

205

Re : Mots de couleur

Merci à vous deux. Je suis particulièrement admiratif de vos recherches, Abel.

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement… (Nicolas BOILEAU). Si possible !

206

Re : Mots de couleur

Il manque à l’appel le Vert-de-gris ou verdet (couleur de brochantite). Le vert réséda pâle (de chez Ripolin) est assez proche de la couleur vert-de-gris. Peut-être a-t-on voulu, en peignant de cette couleur le dôme du Grand Palais, rendre invisibles les désordres à venir.
Mais vert-de-gris reste dans la mémoire des anciens l’un des sobriquets donné aux soldats allemand de la seconde guerre mondial à cause de la couleur de leur uniforme. Je ne connais pas le nom de cette couleur en allemand.

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

Re : Mots de couleur

Feldgrau : j'ignore la langue allemande mais j'ai des lectures !

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

208

Re : Mots de couleur

P'tit prof a écrit:

Feldgrau : j'ignore la langue allemande mais j'ai des lectures !

Et vous connaissez probablement l'anglais field, champ, pré ! Feldgrau, uniquement adjectif, signifie gris champêtre, donc gris tirant sur le vert, gris verdâtre. En effet, il a parfois été francisé pour désigner les soldats allemands et la couleur de leur uniforme.

L'adjectif graugrün, vert grisâtre, est courant dans d'autres domaines que celui de la tenue militaire. Je ne me souviens pas d'avoir lu ou entendu *grüngrau, qui n'aurait toutefois rien d'incongru.

Merci, glop, de m'avoir fait découvrir la brochantite.

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement… (Nicolas BOILEAU). Si possible !

Re : Mots de couleur

Le vert-de-gris ou anciennement "vert de Grèce" !
Quand il désigne la couleur, il se rend par blue-green en anglais et graugrün en allemand. Quand il s'agit de la patine d'hydrocarbonate de cuivre, il semble qu'on utilise verdigris en anglais et Grünspan en allemand.

210

Re : Mots de couleur

Abel Boyer a écrit:

Le vert-de-gris ou anciennement "vert de Grèce" !
Quand il désigne la couleur, il se rend par blue-green en anglais et graugrün en allemand. Quand il s'agit de la patine d'hydrocarbonate de cuivre, il semble qu'on utilise verdigris en anglais et Grünspan en allemand.

Et que devient le vert anglais dans tout ça? neutral

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

Re : Mots de couleur

La couleur reste assez imprécise, si je lis bien :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Vert_anglais
C'est bien compliqué, ces noms de couleurs ! Il y a dans le vert anglais un peu de bleu de Prusse !

212

Re : Mots de couleur

Abel Boyer a écrit:

Le vert-de-gris ou anciennement "vert de Grèce" !
Quand il désigne la couleur, il se rend par blue-green en anglais et graugrün en allemand. Quand il s'agit de la patine d'hydrocarbonate de cuivre, il semble qu'on utilise verdigris en anglais et Grünspan en allemand.

Oui, Grünspan ! J'ai failli en parler hier. Ce mot m'a toujours interrogé… jusqu'au 19 janvier 2021 : der Span, le nom qui est (apparemment !) à sa base, signifie le copeau.
J'y reviens, parce que vous mentionnez l'ancienne expression « vert de Grèce », qui me rappelle ce que j'ai appris ce mardi : Grünspan est, me semble-t-il, à la fois une traduction, pour grün, et un emprunt, pour Span, du latin tardif viride Hispanicum, vert espagnol. Rien à voir avec un copeau. Mais, comme dans notre vieux « vert de Grèce », une référence à un pays, certes différent…
En allemand contemporain, espagnol, adjectif, se dit spanisch.

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement… (Nicolas BOILEAU). Si possible !

Re : Mots de couleur

C'est amusant, ces échanges incessants de couleurs et de noms de pays.
Il semble que "Grünspan" ait été doublé d'un "Spangrün" qui va bien dans le sens de l'emprunt à l'adjectif. Il semble qu'on ait aussi utilisé "Griechisches Grün".

214 Dernière modification par Lévine (21-01-2021 10:45:48)

Re : Mots de couleur

Oui, les noms de couleur nous font toujours voyager.

J'étais juste en train de lire un article sur la ярь-медянка (yar' m'ed'anka) russe. Dans ce nom composé, qui peut aussi servir d'adjectif, pas d'allusion à la couleur, uniquement aux composants chimiques.
En revanche, un passage rapproche cet "oxyde de cuivre" du "vert de Brême".

Un nouveau nom géographique...

Bon, retour au travail sérieux.

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

215 Dernière modification par pfinn60 (15-02-2021 18:40:28)

Re : Mots de couleur

Voici un extrait du magazine SCIENCE.  Excusez-moi, "google translate" l'a traduit en français.

L'AUTORITÉ ANTIQUITÉS ISRAËL
À l'époque biblique, le violet était le nouveau noir
Par Sofia MoutinhoJan. 29, 2021 à 17h30
Dans l'ancien Moyen-Orient, le pourpre/murex était un symbole de prestige: pour produire un colorant de cette couleur «royale», les gens devaient ramasser et écraser les escargots de mer pour obtenir leur jus. Les prêtres et la royauté, y compris les rois David et Salomon, sont souvent décrits dans la Bible portant des vêtements teints avec ces extraits. Aujourd'hui, les archéologues ont mis au jour le plus ancien exemple de ce colorant pourpre jamais trouvé dans le sud du Levant, daté de 1000 avant notre ère, rapporte le Times of Israel. Les fragments de laine teints ont été trouvés dans une ancienne mine de cuivre dans la vallée de Timna, dans le sud d'Israël, et remontent à l'époque du roi David, rapportent les chercheurs cette semaine dans PLOS ONE. Les analyses chimiques ont révélé que le colorant provenait d'escargots de mer en Méditerranée, à plus de 300 kilomètres du site. La découverte ouvre une nouvelle fenêtre sur les tendances de la mode et les relations commerciales de l'élite de la région au début de l'âge du fer.

Re : Mots de couleur

le violet était un symbole de prestige: pour produire un colorant de cette couleur «royale», les gens devaient ramasser et écraser les escargots de mer pour obtenir leur jus.

Je crois qu'en bon français, il s'agit plutôt de pourpre et de murex.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Pourpre

217

Re : Mots de couleur

Abel Boyer a écrit:

le violet était un symbole de prestige: pour produire un colorant de cette couleur «royale», les gens devaient ramasser et écraser les escargots de mer pour obtenir leur jus.

Je crois qu'en bon français, il s'agit plutôt de pourpre et de murex.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Pourpre

Merci Abel.  Rectification faite.

Messages [ 201 à 217 sur 217 ]

forum abclf » Réflexions linguistiques » Mots de couleur