Quant au processus de phonétique historique en jeu, il est régulier, et simple à comprendre. En laissant les détails de côté :
- on part de W-E-W (une "triphtongue"), lui-même issu d'une forme avec un "O";
- l'initiale W et la finale W, deux sonantes identiques, vont être distinguées (on parle de "dissimilation"; exemple classique de dissimilation: COUROIR a donné COULOIR). On passe ainsi de WEW à YEW.
Observez (le "U" note partout le son "OU" de "cou", et je saute des étapes) :
LOCU > LWOCU> LWOU>LWEW => dissimilation LYEW> LYEU ... > fr. lieu
OCULOS > ... WOWTS > WEWTS > WEWS => dissimilation YEWS>YEUS ....> fr. yeux
Mais l'histoire a eu une suite:
le pluriel de oeil est soit la forme secondaire OEILS dans des expressions figées (ou dans le très bel exemple d'Hippocampe), soit... "ZIEUX". En effet, il est assez difficile d'imaginer des contextes où l'on prononcerait YEUX sans Z initial. "Entre quatre z'yeux" n'est plus une bizarrerie - s'il l'a jamais été.
Edit. Je pense qu'on s'en fout, mais moi cela me travaillait, pendant que je faisais mon marché ce matin, de ne pas avoir ajouté cela: pour le singulier OEIL, il s'est passé autre chose, à savoir la perte du W initial, comme dans "coeur" (<kW...):
WOW => OW (puis palatalisation de la finale). Parce que l'-s de l'ancien cas régime modifiait le découpage en syllabes.