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Revue du sujet (plus récents en tête)

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A.Breton pensait aussi à Jacques Vaché, mort d'une overdose d'opium à l'hôtel de France, Place Graslin, où était descendu Stendhal un siècle plus tôt. C'est dans cette ville qu'ils s'étaient rencontrés, dans un hôpital militaire (annexe du lycée Guist'hau), où Breton était médecin auxiliaire.

Nantes n'existe plus qu'à l'état de songe ? Mais tout n'est que songe, figurez-vous...

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Bonsoir Lévine,
Je m'accorde un temps de réflexion (et de digestion... ah ! les nourritures de l'esprit...) car votre réponse soulève des questions essentielles que je souhaite pouvoir formuler avec précision et surtout n'en oublier aucunes !

Cette phrase de Breton laisse rêveur... Ce Nantes là n'existe plus qu'à l'état de songe.

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Bonjour Anastasia,

Étant donné que Freud se réfère à la peinture, et que d'autre part Dali ne représente pas tout le Surréalisme (il a même été désavoué par Breton qui avait forgé l'anagramme Avida Dollars pour se moquer de lui) je ne peux faire qu'une réponse partielle, concernant l'écriture automatique, puisqu'elle est au plus près du sujet qui unit Freud et Breton : le problème de la part de l'inconscient dans l'œuvre d'art.
En l'occurrence, Freud avait un a priori en matière d'art, bien mis en valeur par votre source : l'œuvre suppose nécessairement un refoulement, masqué par l'activité préconsciente ou consciente du poète. Or si l'écriture automatique n'est que la libération de cet inconscient (ce qu'elle ne peut jamais être totalement, mais passons), l'art ne saurait exister ; c'est pourquoi il parle d'un "rapport quantitatif" nécessaire entre la part d'ombre refoulée et la conscience de l'artiste, son dessein lucide et ses procédés, si l'on veut. Ce rapport varie avec les périodes de l'Histoire et avec les artistes, mais il existe depuis l'origine de l'art. L'exemple le plus célèbre de découverte de cette part d'ombre insoupçonnable au premier abord est l'analyse que fait Freud du Moïse de Michel-Ange, que vous connaissez sûrement.
Mais c'est oublier que le Surréalisme n'a justement aucun a priori, et qu'il bannit l'"art", le travail, l'intention consciente de l'artiste (même si le mouvement a évolué, en témoignent les nombreuses exclusions, volontaires ou non ; je ne parle ici que de ses principes). Pour Breton, le surréalisme doit accomplir la "révolution de l'esprit" et nous faire découvrir la "vraie vie" : celle que nous côtoyons dans les rêves, la demi-conscience (au début, il ne parle d'ailleurs presque jamais de l'inconscient), le hasard, subjectif ou objectif (s'il associe plusieurs sujets, comme dans Nadja ou l'Amour fou), le merveilleux, l'amour, même la folie !... C'est dire qu'il se veut un procédé , un "automatisme psychique par lequel on se propose d'exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée" (premier Manifeste). Il n'est pas du tout question ici de faire de l'art... Certes, je n'épuise pas la question en disant cela parce que le Surréalisme a incontestablement débouché sur une production artistique variée : poétique, picturale, cinématographique. Il faut donc bien envisager le problème de l'art avec lui, mais c'est un autre problème.
Je pense donc que Freud a mal perçu, ou rejeté d'emblée l'originalité foncière du Surréalisme ; pour lui, si ce dernier ne produisait pas un art susceptible d'analyse, il s'engageait dans une impasse. Or on ne voit pas en quoi ses productions écrites ou ses tableaux ne recèleraient pas elles-mêmes leur part d'ombre ; les dialogues "automatiques" de Poisson soluble et les tableaux de Dali (pourtant à l'opposé des premiers) semblent au contraire un terrain de choix... Force des préjugés ? Amateurisme reproché aux surréalistes dans l'exploration de l'inconscient ? Soupçons d'inauthenticité ? Je pense aussi qu'il n'aimait pas l'esprit provocateur et dérangeant du mouvement, si visibles dans l'attitude même de Dali...

____________________

Puisque Nantes nous réunit :

Nantes : peut-être avec Paris la seule ville de France où j'ai l'impression que peut m'arriver quelque chose qui en vaut la peine [...]

                                                                                            A. Breton, Nadja.

A signaler que Nadja se présente comme une relation, un "compte-rendu", non comme un texte d'écriture automatique. En aucun cas il ne faut réduire le Surréalisme à cela.
On y retrouve parfois l'esprit du Flâneur des deux rives d'Apollinaire.

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Avec plaisir !
Bonne soirée également...

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Intéressant, mais nous remettrons cela à demain, si vous le voulez bien.

Bonne soirée !

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Merci infiniment pour ces éclaircissements.

J'ai souvent lu chez Jean Clair que les surréalistes auraient accordé une part trop importante à l'automatisme (l'inconscient), ce qui témoignerait d'une interprétation divergente, sinon erronée, des idées initiales de Sigmund Freud, qui a d'ailleurs écrit dans une lettre à Zweig du 20 juillet 1938, à la suite de sa rencontre avec Dalí : « La notion d'art se refuse à toute extension lorsque le rapport quantitatif entre le matériel inconscient et l'élaboration préconsciente ne se maintient pas dans des limites déterminées. »

Êtes-vous de cet avis ?

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Non, vous ne trahissez pas le principe général de Claudel, surtout si vous n'envisagez pas la co-naissance comme une simple série de rapports entre choses, mais comme une conscience de chaque être à saisir ces rapports à la lumière de ce qu'il n'est pas lui-même, car seul Dieu est l'Être, infini et incréé, alors que l'univers est mouvement (cf son premier "article"). Cette conscience "intelligente" est du reste la mesure de toutes choses sur cette terre ; on rejoint pas là la croyance des Symbolistes en la toute-puissance de la conscience pour arriver à entrevoir l'autre monde (chrétien ou non), ou du moins à en donner une image. La psychanalyse peut être rapprochée de ce ce type de connaissance, mais elle est davantage destinée à lever les voiles intimes de l'être. En ce sens, c'est avec le Surréalisme qu'elle a le plus d'affinité (cf. l'écriture automatique, l'hypnose chère à Desnos...).

Et cependant, quand tu m'appelles, ce n'est pas avec moi seulement qu'il faut répondre, mais avec tous les êtres qui m'entourent.
                                      Cinq grandes Odes, la Muse qui est la grâce (Pléiade).

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Claudel m'en voudrait certainement d'utiliser ce terme pour parler de la psychanalyse à laquelle il faisait discrètement et inopinément référence dans son texte sur la cathédrale de Strasbourg : « n'avons-nous pas tous connu un grand penseur qui a déclaré que nous pourrions nous attendre désormais à vivre du parfum d'un vase vide et qu'il n'y a rien de plus nourrissant ? »

« Una frecciatina ! » comme disent les italiens.

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Pardonnez le retard avec lequel je reviens vers vous.

Pour ma défense, je suis en plein travail de rédaction de mon mémoire de fin d'étude, ce qui ne me laisse pas une minute de libre pour répondre correctement à vos commentaires très détaillés... Mais j'y remédierai une fois que la soutenance sera derrière moi.

Pour autant, je me permettrai de vous poser une question supplémentaire s'agissant de Claudel auquel vous vous intéressez également. Dans le paragraphe ci-dessous, l'interprétation que je fais du terme « co-naissance » (que Claudel utilise dans son Art Poétique), vous semble-t-elle correcte ?

« À cet égard, est-il nécessaire de rappeler la parfaite co-naissance du symbolisme et de la psychanalyse ? Co-naissance historique mais aussi co-naissance au sens claudélien du terme, à savoir l’établissement et la constatation des rapports qui sont entre les choses : « Nous ne naissons pas seul. Naître, pour tout, c’est co-naître. Toute naissance est une connaissance. » La méthode psychanalytique entre ainsi en résonance avec le caractère saturnien du symbolisme, l’attention portée au recueillement, au regard intérieur. Comme le fait remarquer Jean Clair :

« Quand paraît L’interprétation des rêves, au tournant du siècle, on peut dire qu’avec cet ouvrage s’achève le règne d’Hypnos. […] Mais on pourrait aussi voir dans la Traumdeutung, le monument théorique du symbolisme, le chef-d’œuvre d’une herméneutique qui, pour fonctionner, postule l’existence du symbole, sans jamais s’interroger sur la validité heuristique de ce dernier. » »

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Anastasia K a écrit:

« Je n’ai jamais dit : l’Art pour l’Art ; j’ai toujours dit : l’Art pour le Progrès. » !!! Magnifique formule de Hugo, bien que je sois totalement allergique à cette idée.

Contrairement au réalisme naturaliste qui rend compte de la réalité brute, telle quelle, le « réalisme symboliste » ne témoignerait-il pas plutôt d’une recherche de Vérité, « l’intérieur des choses » selon Plotin, à travers les apparences illusoires du monde sensible ?

Le réalisme, même naturaliste, opère toujours sur une réalité choisie du seul fait que l'écrivain ne rédige pas des traités de sociologie ou d'anthropologie, mais des romans. Ce que j'aime dans Zola, c'est moins la réalité "telle qu'elle est" que la puissance de ses mythes (l'Assommoir, Germinal, la Bête humaine, etc...).

Oui, tout à fait, bien que cette "vérité" varie évidemment suivant les auteurs et qu'on hésite toujours entre une quête mystique authentique et une alchimie du langage. La question ne se pose évidemment pas que pour les Symbolistes. En clair : la poésie n'est-elle pas affaire que de mots ? Je n'ai jamais résolu cette question.


Anastasia K a écrit:

La peinture de Louis Welden Hawkins, Le foyer, me semble être une sorte d’équivalent pictural de la suggestion/traduction que vous reprochez à Baudelaire. Le style est réaliste, presque photographique, mais l’œuvre suggère une présence mystérieuse, inquiétante, fantomatique.

Le problème de la peinture, c'est qu'avant l'art moderne, elle propose toujours une "image" reconnaissable par celui qui la voit, que ce soit de l'ordre de la simple "imitation" ou du symbole.

Anastasia K a écrit:

À propos de Van Gogh, Aurier écrivait : « sous cette chair très chair, sous cette matière très matière, gît, pour l'esprit qui sait l'y voir, une pensée, une Idée, et cette Idée, essentiel substratum de l'œuvre, en est, en même temps, la cause efficiente et finale. » Si la peinture de Hawkins, à l'inverse, semble presque immatérielle, désincarnée, elle est aussi énigmatique, rêvée...

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/ … _Foyer.jpg

Il me semble qu'on peut en dire autant de chaque grande œuvre : lisez ce que Huysmans fait dire à Durtal à propos d'une crucifixion de M. Grünewald au début de Là-bas (dont le titre est très évocateur ; "là-bas", c'est ce que j'appelle "l'ailleurs" en poésie.)


Anastasia K a écrit:

Donc selon vous, ce que les symbolistes (certains symbolistes) ne seraient pas parvenus à faire (une transformation totale du langage poétique), les surréalistes l’auraient accompli ?

Accompli, c'est vite dit. La différence, c'est qu'avec l'écriture automatique, ils prétendaient bannir la conscience, le travail, le souci de faire de la "littérature". Autre chose : même si leur recherche s'apparente parfois à une quête mystique, il n'y a pas pour eux de transcendance : la "vraie vie", c'est la nôtre débarrassée du carcan de la raison et des convenances. L'ailleurs est immanent au monde et chacun peut le saisir pour peu qu'il fasse le vide dans son esprit et qu'il accueille, non pour en rendre compte, mais pour y participer pleinement, "la voix qui continue à prêcher au-delà des orages". Dans son premier Manifeste du Surréalisme, A. Breton prend l'exemple d'une image obsédante qu'il avait eue un jour : un homme "coupé en deux par une fenêtre" ; il s'est aperçu qu'elle était née d'un simple redressement de l'image d'un homme accoudé à cette fenêtre... On n'est plus ici dans la symbolique, comme vous le voyez. 

Anastasia K a écrit:

Votre déclaration d’amour à Apollinaire est admirable. Il n'est rien de plus beau que le culte d’un poète, d’un écrivain ou d’un artiste…

J'ai découvert Apollinaire en classe de seconde, et la révélation a été foudroyante et durable.

J'aime aussi beaucoup Reverdy, Claudel, Éluard, Saint-John Perse, Anna Akhmatova... 

Anastasia K a écrit:

Je vous remercie encore pour ces longues explications, qui dépassent très largement mes attentes. Comme Chover, votre érudition me laisse sans voix !

Merci, vous êtes très aimable, ainsi que Chover, mais l'érudition, c'est tout à fait autre chose. Je suis simplement content de parler de ce que j'aime. Et entre nous, de la part d'un prof' de lettres, c'est le moins qu'on puisse attendre...

Merci du lien. Le tableau laisse bien entrevoir ce qu'il peut y avoir au-delà des barrières...