yd a écrit:Un joli cas - mais comment se nomme-t-il ? - est entre personne subst. fém. (on fuit encore le « neutre féminin », alors qu'une personne peut sans problème représenter un homme) et personne pronom, que le TLFi ne veut pas davantage dire « neutre masculin » :
Rem. 1. Personne n'a pas de marque de genre: Je ne connais personne d'aussi heureux que cette femme (Ac. 1935); Littré cite cependant: Personne n'était plus belle que Cléopâtre.
On ne peut mettre le substantif personne et le pronom personne sur le même plan car ils relèvent de catégories grammaticales distinctes.
D'autre part le substantif personne est un féminin grammatical (la personne) qui admet deux nombres (les personnes). Alors que le pronom personne est un neutre grammatical (personne n'était plus belle/beau que...) qui ne tolère que le nombre singulier ([s]personne[s] n'étaient plus belles/beaux que[/s]...).
Donc le substantif et le pronom ne sont pas énantiosémiques du fait qu'ils ne sont pas la même chose.
Mais le pronom constitue à lui seul un cas d'énantiosémie :
il est incapable d'aimer personne ? il est incapable d'aimer quelqu'un
il aime personne ? nul n'est aimé de lui
La phrase :
je ne connais personne d'aussi heureux que cette femme
peut très bien commuter avec :
je ne connais personne d'aussi heureuse que cette femme
sans préjudice pour la neutralité grammaticale du pronom personne.
Dans la première phrase, l'adjectif est un masculin grammatical qui sert de neutre morphologique pour rendre le neutre sémantique : personne est susceptible de recevoir les sèmes ? et ? et n'en retient donc aucun des deux. Car retenir un des deux sèmes sexuatifs reviendrait à exclure l'adverse du sème retenu.
Dans la seconde phrase, l'adjectif est de forme grammaticale féminine, soit l'antineutre morphologique : personne, toujours grammaticalement neutre, voit son signifié augmenté du sème ?, ce qui implique l'exclusion du sème ? opposé. L'élément femme, un féminin sémantique, est comparé à un ensemble d'éléments eux aussi dotés du sème ?.
Retour à la première phrase : la forme grammaticalement masculine de l'adjectif ne peut rendre le masculin sémantique. Si c'était le cas, l'élément femme, chargé du sème ?, serait comparé à un ensemble d'éléments de sème sexuatif ? uniquement. Et non pas à un ensemble d'éléments de sème sexuatif ? ou ?.
Or ? (sexuation masculine) est une hypothèse plus contrainte que ?/? (animation) et rien dans le sémantisme de l'adjectif n'invite à resserrer l'animation sur la sexuation.
Avec la phrase :
personne n'était plus belle que Cléopâtre
la commutation de l'adjectif sur le genre masculin paraît délicate :
?? [s]personne n'était plus beau que Cléopâtre[/s] ??
Si la forme masculine de l'adjectif semble poser problème, cela implique que les deux valeurs associées à cette forme masculine, elles aussi, posent problème :
? neutre morphologique (valeur de neutre sémantique) : on compare Cléopâtre de sème ? à une collectivité ?+? sur le critère de la beauté
? masculin grammatical (valeur de masculin sémantique) : on compare la beauté de Cléopâtre à celle d'une collectivité ?.
Si on admet — ce qui peut être contesté — l'indisposition de <belle> à commuter avec <beau> bien que leur sémantisme commun soit {beauté}, il faut alors postuler l'existence d'un sémantisme adjectival {beauté?} distinct de {beauté?} quand en discours l'adjectif se rapporte à un animé humain.
Ici, si l'hypothèse initiale de non-commutation est valide, l'adjectif serait peut-être muni d'un sémantisme compatible avec le resserrement discursif de l'animation sur la sexuation.