Sujet : Lieux étrangers, noms français
Ce qui est dit sur un autre fil à propos de la prononciation des toponymes étrangers me suggère un sujet voisin.
Je ne sais si on n’a jamais étudié les noms français attribués à des entités géographiques situées hors de France. (Je dis « entités » faute d’un meilleur mot.) Beaucoup de pays étrangers sont connus en français par des noms à consonance plus ou moins française : on leur donne par exemple une terminaison féminine, Irlande, Slovaquie, Malte, Ukraine, Syrie, Chine, Malaisie, Australie, Argentine, Colombie, Guinée, Tunisie, Abyssinie ; ou bien on les francise légèrement à l’aide d’accents : Brésil, Israël, Pérou, Kowéit, Népal ; parfois on les traduit entièrement : Afrique du Sud, Royaume-Uni, République dominicaine, Emirats arabes unis…
Cela vaut aussi pour certaines grandes régions ou chaînes de montagnes : la Patagonie, la Sibérie, la Mélanésie, les Antilles, les Apennins, les Andes, les Rocheuses. C’est très courant pour les noms maritimes, ceux des océans, des mers, des golfes ; plus rare apparemment pour les fleuves : le Tigre, l’Amazone, le Danube… Enfin, il y aurait là toute une cartographie à faire.
Il serait plus intéressant encore d’y ajouter les noms de villes. Ces occurrences permettraient de tracer, me semble-t-il, quelque chose comme une zone intermédiaire entre le familier (les noms français de France) et l’inconnu total (les noms « barbares »). On trouve de telles francisations pour tous les pays limitrophes de la France, évidemment. Peut-être moins en Espagne qu’en Italie (de Gênes à Palerme et de Trente à … Otrante !) ; beaucoup en Allemagne, mais peut-être moins à mesure que l’on va vers l’est ; en Suisse et en Belgique, évidemment ; nettement moins en Grande-Bretagne, Douvres, Londres, Edimbourg (mais il y en avait plus au siècle de Louis XIV).
Plus loin au nord, La Haye, Copenhague, Elseneur, Gothembourg ; à l’est, Salzbourg, Vienne, Varsovie, Cracovie, Ratisbonne, Athènes... et puis Moscou, Saint-Pétersbourg...
Ailleurs encore, en vrac : Samarcande, Pékin, Alexandrette, Pernambouc, Philadelphie, Le Caire, Le Cap, Téhéran, Singapour, combien d’autres ?
Les noms provenant d’entreprises colonisatrices ou exploratrices, au Canada, aux Etats-Unis et en Afrique du Nord surtout, n’appartiennent pas vraiment à cet ensemble, puisqu’il s’agit, la plupart du temps, de création et non de francisation : les pingouins n’ont pas de nom pour la Terre Adélie… Mais on pourrait ajouter au recensement les noms français donnés temporairement à des villes conquises – surtout, je pense, au moment des guerres napoléoniennes, quand il y avait des départements français jusqu’en Dalmatie.
Le phénomène, qui a commencé en ancien français, appartient surtout au passé plus ou moins récent. On ne francise plus beaucoup de nos jours, et on va même dans l’autre sens, appelant Sri-Lanka et Belarus ce qui s’appelait auparavant Ceylan et Biélorussie. Mais il y a là de quoi faire un mémoire intéressant, sinon une thèse. Je ne me propose nullement de recenser toutes ces données, mais il pourrait être amusant, quand quelque lecteur découvrira d’autres exemples (par exemple dans un récit de voyage), de les noter et, s’il le veut, de les commenter ici.