Papy a écrit:Je crois que, comme de coutume, ce questionnaire ne vous sera pas difficile à traiter.
Que tu crois, Papy, que tu crois ! Car une fois de plus tes questions apparemment anodines en soulèvent une foule d'autres. L'expression Se mettre sur son trente-et-un, par exemple, est particulièrement difficile à traiter.
On trouve pas moins de trois ou quatre explications différentes, et divergentes, pour cette simple expression :
* celle qu'apporte Bounigne et qui, pour être validée, doit être assortie d'une autre : pourquoi sur son trentain, on ne se couche pas sur le tissu ? Cela fait référence à une ancienne tournure "se mettre sus = mettre sur soi, se couvrir de". Il faut donc remonter à la première construction et comprendre : se vêtir de trentain. Pourquoi pas ? on a vu d'autres locutions victime de l'attraction paronymique (s'en moquer comme de l'an quarante, remède de bonne femme ... voir ici).
Bien, mais les difficultés commencent, car on trouve aussi "Se mettre sur son trente-six et sur son trente-deux" (respectivement chez Labiche et Goncourt), alors ?
* TLFi explique trente-six, en référence à un tissu neuf, par une argumentation faisant appel aux mesures canadiennes en pouces, dont le moins qu'on puisse dire est qu'elle est un peu tirée par les fils de chaîne. En tout cas peu convaincante à mes yeux.
* Se mettre sur son trente-deux pourrait venir du fait que, les mois n’ayant que trente-et-un jours au maximum, ce serait s’habiller de façon tout-à-fait extraordinaire.
* Une autre interprétation, basée sur la même observation calendaire (Robert), voudrait que Se mettre sur son trente-et-un reviendrait à s’habiller comme pour un jour de paye, jour du mois où l’on sort parce qu’on a quelqu’argent. Mais cela est contredit par le fait que, à l’époque où cette expression est née, la paie était le plus souvent hebdomadaire, sauf à considérer qu’elle s’applique au petit-bourgeois fonctionnaire, ce qui n’est pas exclu à l’origine.
* Une autre version de l’expression se base sur le jeu de cartes dit Trente-et-un (TLFi, Robert), maximum de points à aligner pour gagner, et signifierait donc : Faire le maximum (cf. mettre le paquet).
* D’autres hypothèses encore sont avancées sur le dernier jour du mois : jour de relève, jour du rab (Littré) ...
La difficulté pour choisir entre ces diverses explications, souligne Robert le Grand, vient du fait qu’aucune des dates d’apparition de chacune des variantes n’est formellement attestée : probablement 1833 pour trente-et-un et trente-six, et 1834 pour trente-deux, mais aussi 1867 pour trente-et-un et 1885 pour trente-deux.
Robert l’Historique et Robert des Locutions sont muets sur le chapitre.
Voilà pourquoi, mon cher Papy, une question simplissime devient extraordinairement complexe à débrouiller ! Et je n’ai pas de réponse assurée à te transmettre.