En ancien français, le préfixe r(e)- peut marquer l’itération (refonder = « rebâtir de fond en comble »), le retour à l'état antérieur (revenir ou retorner) ou un renforcement de l’intensité du procès (regarder = « examiner attentivement ») ; autant de valeurs héritées du latin, et qui ont persisté en français moderne.
Mais il peut aussi marquer l’existence d’un procès comparable à celui qui a été évoqué, effectué par un agent différent. Soient les deux débuts de paragraphe suivants (Roman de la Rose, v. 13219 et 13233, éd. Champion) :
(L’auteur cite des cas de femmes délaissées au cours des temps passés)
Que fist Paris de Oenoné
[…]
Que refist Jason de Medee
[…]
Dans le cas présent, Jason ne « refait » pas ce que Pâris avait fait puisque les contextes sont différents : il n’y a pas itération, mais symétrie des procès. Les deux valeurs sont proches, mais néanmoins distinctes ; or comme les verbes relevant de ces deux valeurs forment évidemment une liste ouverte, le dictionnaire ne les enregistre presque jamais, et il convient d’être vigilant.
Une difficulté se pose s’il s’agit de traduire un verbe comme refist dans notre second exemple : il est tentant d’ajouter à la phrase « à son tour » ou « de son côté », mais cela fait beaucoup pour un simple préfixe : une traduction n’est pas une glose (1). Une solution plus simple est peut être de commencer la seconde phrase par « Et », afin de souligner l’accumulation de cas semblables : c’est la solution adoptée par A. Strubel (Le Roman de la Rose, LGF).
A ma connaissance, cette valeur de re- n’a pas persisté en français moderne ; elle ne semble pas non plus avoir dépassé 1250.
Un autre exemple, qu'on rencontre assez fréquemment (Philomena, attribué à CdT, v. 320) :
Lors redist Thereüs au Roi :
[…]
Thérée ne répète pas ses paroles au Roi, il lui répond. C’est la traduction la plus commode ici pour redist.
(1) A l’oral, un jury serait cependant sensible à cette traduction…