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Le forum d'ABC de la langue française

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Revue du sujet (plus récents en tête)

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Lors d'un sommet international, Jacques Chirac dont le sens de l'humour est bien connu, pose à George W. Bush la devinette suivante :
– Qui est le fils d'un père, le frère d'une soeur, le mari d'une femme, et qui en soi n'est rien ?
George Bush sèche lamentablement. Chirac lui donne la réponse :
– C'est moi, je suis le fils de mon père, le frère de ma soeur, le mari de ma femme, et en soi, je ne suis rien.
Lors d'une réunion de travail, George Bush lance à ses collaborateurs :
– Qui est le fils d'un père, le frère d'une soeur, le mari d'une femme, et qui en soi n'est rien ?
Très diplomatiquement, les collaborateurs nedonnent pas de réponse.
Le président Bush s'écrie triomphalement :
– C'est Jacques Chirac !

Cette histoire circule depuis un bon bout de temps, attribuée à  divers personnages, célèbres ou pas.
Je l'ai citée ici car elle démontre avec une clarté aveuglante que les pronoms personnels n'ont pas de référent.

35

greg

Les référents, tu ne les trouves qu'en discours. Aucun mot en langue n'a de référent extralinguistique "concret".

Dictionnaire de linguistique de Jean Dubois (et autres types très bien) :

On appelle référent ce à quoi renvoie un signe linguistique dans la réalité extra-linguistique telle qu'elle est découpée par l'expérience d'un groupe humain. [...]
Enfin l'existence d'un rapport entre le signe et la réalité extra-linguistique ne doit pas être confondue avec l'existence même du référent. Un mot peut référer  à une notion inexistante : le signe hippogriffe a un référent, sans que l'existence des hippogriffes soit pour autant postulée.

34

P'tit prof a écrit:

En grec et en latin, nom masculin + nom féminin +adjectif, l'adjectif se met au neutre, pour bien montrer que l'accord se fait avec les deux noms.
En l'absence de formes grammaticales du neutre en français, la forme la plus neutre, la plus générale, c'est le masculin.

Absolument. On peut en déduire que, dans la langue française, le neutre est morphologiquement "masculin" et l'antineutre est morphologiquement "féminin". En latin et en grec, le neutre est morphologiquement neutre et il existe deux antineutres : le premier est de morphologie masculine, le second de morphologie féminine.



P'tit prof a écrit:

Je précise qu'en grec, où existe le neutre grammatical, la catégorie de  neutre grammatical ne recoupe pas la catégorie sémantique de l'inanimé : le mot signifiant enfant, le mot signifiant  petit esclave sont neutres.

Même situation en allemand où l'enfant = das Kind est neutre comme la fille = das Mädchen.

Mais en français enfant est sémantiquement et grammaticalement neutre tant que le mot n'est pas écrit ou prononcé. Dès que le terme est employé, un genre grammatical non-neutre lui est assigné : un enfant ou une enfant.

Si enfant devient une enfant, alors le sème additif ? est incorporé à la notion. On est face à un féminin complet. On a un antineutre parfait.

Si le mot en langue enfant est employé sous la forme un enfant, la situation se complique. Car le masculin de grammaire porté par l'article (par exemple) est toujours un signe équivoque. Soit ce genre grammatical signale le sème ? à l'exclusion du sème ?, soit il indique la coprésence des sèmes ? et ?. Ici le masculin grammatical est l'indice d'une alternance entre masculin sémantique et neutre sémantique faible.



P'tit prof a écrit:

Le neutre sémantique fort concerne les signifiants dont le référent est inanimé.
Le neutre sémantique faible concerne les signifiants dont le référent est animé, soit non humain (otarie), soit humain collectif (famille,cohorte).
Toi, moi, je n'ont que des signifiés, mais pas de référents, ils forment donc une catégorie à part.

Les référents, tu ne les trouves qu'en discours. Aucun mot en langue n'a de référent extralinguistique "concret". Par contre tout mot en langue est doté d'une mode linguistique de référence. Le mot parapluie est muni d'une référence qui exclut de pendre un animé pour référent.

C'est pareil pour toi et moi : ils n'ont aucun référent en langue mais des milliards de référents en discours.

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yd a écrit :

Dans tous les cas, le neutre (ou les neutres) est plus faible (sont plus faibles). Je parle bien strictement de ce qui concerne le genre, et pas d'autre chose.

Pas plus faibles, mais moins caractérisés, aux marques moins évidentes. La forme du neutre est tout-terrain, c'est qui lui permet de l'emporter dans les cas litigieux.
En grec et en latin, nom masculin + nom féminin +adjectif, l'adjectif se met au neutre, pour bien montrer que l'accord se fait avec les deux noms.
En l'absence de formes grammaticales du neutre en français, la forme la plus neutre, la plus générale, c'est le masculin.

Je précise qu'en grec, où existe le neutre grammatical, la catégorie de  neutre grammatical ne recoupe pas la catégorie sémantique de l'inanimé : le mot signifiant enfant, le mot signifiant  petit esclave sont neutres.

C'est pourquoi il me semble contre-productif de faire appel à la notion de neutre sémantique pour justifier un point d'accord grammatical.

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P'tit prof a écrit:

Résultat des courses : je ne pige que pouic à ce que vous voulez dire...

M'est avis que greg va très mal le prendre si vous lui faites dire ce que j'ai dit. Surtout qu'il a pris soin de n'entrer ni dans mon charabia, ni dans mon raisonnement.

Quant à NON-ÊTRE/ÊTRE et INANIMÉ/ANIMÉ. Ce pourrait tout aussi bien être A1/A2 et B1/B2. Ce n'est pas le nom qui compte mais le comportement concret qui lui est associé au niveau des pronoms.

On pourrait aussi dire C1/C2/C3 pour NEUTRE/MASCULIN/FÉMININ. Ce serait probablement mieux d'ailleurs : les préjugés sur le sens seraient oubliés.

Pris par les mots en o (mais on arrive à la fin), je n'ai pas le temps de relire, de me plonger dans la logique greguienne pour me plier à sa terminologie et voir ce que je peux en faire par rapport à mes misérables observations. On verra plus tard si ce fil ne dérive pas trop entretemps.

31

Oui, et les seuls genres qui se soient imposés à toute langue chez les humains, c'est, l'un à côté de l'autre, l'un n'allant pas sans l'autre, le genre masculin et le genre féminin : c'est donc eux qui décident de toute la classification, et de toutes les règles attachées au genre, qui viennent ensuite. Dans tous les cas, le neutre (ou les neutres) est plus faible (sont plus faibles). Je parle bien strictement de ce qui concerne le genre, et pas d'autre chose.

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Merci, greg, d'avoir fait un exposé clair et précis.

Cependant, je ne puis pas ne pas partager la perplcxité d'yd devant :


niveau 1  : Le NON-ÊTRE impose son comportement à l'ÊTRE

niveau 2 : L'INANIMÉ impose son comportement à l'ANIMÉ

Le non-être, catégorie philosphique, ne peut rien imposer à qui que se soit. Comme l'indique le nom que les êtres pensants lui ont donné, le non-être... n'est pas ! J'ai eu un professeur de philosophie qui professait qu'il est impossible de conceptualiser le non-être.

L'inanimé n'importe rien et ne se comporte pas, puisqu'il est... inanimé. C'est l'animé qui s'impose à l'inanimé, ou à un autre animé : le chien ronge l'os, le maitre dresse le chien.

Vous me direz que nous sommes sur le terrain grammatical.
C'est justement : être et non être sont des catégories philosophiques, qui n'ont rien à faire avec la grammaire.

Résultat des courses : je ne pige que pouic à ce que vous voulez dire...

C'est ici qu'on peut distinguer deux neutres sémantiques. Le neutre sémantique fort concerne les inanimés. Le neutre sémantique faible regarde les animés du type :   toi   moi   tu   je    otarie   sentinelle   famille   témoin   tortue   tigre   cohorte   clientèle   etc.

Je suis, mais il manque des mots, ici.
Le neutre sémantique fort concerne les signifiants dont le référent est inanimé.
Le neutre sémantique faible concerne les signifiants dont le référent est animé, soit non humain (otarie), soit humain collectif (famille,cohorte).
Toi, moi, je n'ont que des signifiés, mais pas de référents, ils forment donc une catégorie à part.

29

yd a écrit:

1) À partir du moment où, s'agissant de deux sœurs, toi et moi sommes morts de peurs ne serait en effet pas correct, ma tentative d'explication par une distanciation provenant de la non répétition du pronom sujet nous tombe à l'eau.

Les pronoms toi et moi sont grammaticalement neutres. Il n'existe pas de *toie ou *moie, ni aucune autre forme particulière, qui serait le féminin grammatical. Il n'y a d'ailleurs aucune forme qui marque spécifiquement le masculin de grammaire. Il en va de même pour tu et je. Les quatre formes sont épicènes.

En langue, c'est-à-dire avant tout emploi effectif, les quatre pronoms précédents ont la faculté de correspondre avec tout animé des deux sexes (? et ?). En discours, c'est-à-dire quand on parle ou écrit, les quatre pronoms exercent cette faculté.

Dès lors, en discours, si le sexe de l'animé en correspondance est connu, le sème additif ? ou ? est incorporé au sème de la personnalité, le tout étant signifié sans changement de signe puisque les quatre signes   toi   moi   tu   je   sont neutralisés quant au genre grammatical.
De là les accords en discours tels que :
   toi et moi sommes mortes de peurs (2 filles)
   [s]toi et moi sommes morts de peurs[/s] (2 filles)
   [s]toi et moi sommes mortes de peurs[/s] (2 garçons)
   toi et moi sommes morts de peurs (2 garçons)

Si, au contraire, le sexe du correspondant est inconnu, les sèmes adversatifs ? et ? ne sont pas joints à celui de la personnalité. Le genre sémantique en discours est alors neutre : la personne constitue l'entier du sémantisme de    toi   moi   tu   je. Dans ce cas les accords en syntaxe exigent le neutre morphologique (le masculin de grammaire) qui convient tant au neutre sémantique qu'au neutre grammatical des quatre pronoms : 
   [s]toi et moi sommes mortes de peurs[/s] (2 animés, sexe inconnu)
   toi et moi sommes morts de peurs (2 animés, sexe inconnu)

Reste le cas où plusieurs correspondants présentent une différence de sexe connue du locuteur. Les sèmes individuels ? et ? sont collectivement neutralisés. Il n'y a pas de sème collectif ? ni de sème collectif ? à incorporer au sème de la personne pronominale car, si tel était le cas, l'ensemble des correspondants ne diffèreraient pas quant au sexe. Ici les pronoms    toi   moi   tu   je   sont sémantiquement et grammaticalement neutres. Les accords syntaxiques réclameront le neutre de morphologie qui est le masculin grammatical :
   [s]toi et moi sommes mortes de peurs[/s] (1 garçon, 1 fille)
   toi et moi sommes morts de peurs (1 garçon, 1 fille)

Pour résumer, les quatre pronoms sont toujours grammaticalement neutres, en langue et en discours.

Les quatre pronoms sont toujours sémantiquement neutres en langue.

Ils sont sémantiquement neutres en discours si le sexe des référents est inconnu ou hétérogène. L'accord syntaxique exige le neutre morphologique.

Ils sont sémantiquement soit masculins soit féminins en discours si le sexe est connu et homogène. L'accord syntaxique demande soit le masculin morphologique soit le féminin morphologique.






On compare à présent la série pronominale    toi   moi   tu   je   avec le couple de substantifs    table   avion.

À la différence des quatre pronoms qui sont sémantiquement et grammaticalement neutres en langue seulement, table et avion sont sémantiquement neutres et grammaticalement non-neutres tant en langue (avant emploi) qu'en discours (en emploi).

Grammaticalement non-neutres : *le table et *une avion sont interdits, la table et un avion sont obligatoires.

Sémantiquement neutres : ni table ni avion ne comprennent le sème ? ou ? car aucun des deux noms n'a la faculté de correspondre à un animé sexué.

C'est ici qu'on peut distinguer deux neutres sémantiques. Le neutre sémantique fort concerne les inanimés. Le neutre sémantique faible regarde les animés du type :   toi   moi   tu   je    otarie   sentinelle   famille   témoin   tortue   tigre   cohorte   clientèle   etc.

On peut toujours penser qu'il existe aussi deux neutres grammaticaux.

Le neutre grammatical fort se retrouve, en langue, dans :  toi   moi   tu   je    élève   secrétaire   dentiste   responsable   quoi   que   qui   y   etc. Sachant qu'en discours des noms tels que élève   secrétaire   dentiste   responsable  perdent leur neutralité grammaticale de langue pour devenir soit masculin grammatical soit féminin grammatical.

Le neutre grammatical faible serait le masculin grammatical toutes les fois "qu'il l'emporte sur le féminin", c'est-à-dire un neutre morphologique de forme masculine exclusivement discursif car réservé aux accords syntaxiques.

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L'important là-dedans n'est pas de se disputer sur les mots, c'est de voir quel type de mot à quelle influence sur la construction. Il me semble évident qu'en passant par les pronoms associés

1) on dégage des générations de pronoms différentes
2) on dégage une hiérarchie à trois niveaux (cf. message précédent)
3) on en voit les conséquences au niveau du genre et du nombre

Regardez les pronoms COI, les pronoms toniques, le pronom Y et les pronoms COD (4 types de pronom au singulier et au pluriel)

(1) (manger) : ça, ça, y,le, -, -, -, -
(2) (tableau) : lui, lui/ça, y, le, leur, eux/ça, y, les
(3) (table) : lui, elle/ça, y, la, leur, elles/ça, y, les,
(4) (groupe familial/clan) : lui, lui/ça, y/à lui, le, leur, eux/ça, y/à eux, les
(5) (famille/équipe) : lui, elle/ça, y/à elle, la, leur, elles/ça, y/à elles, les
(6) (homme) : lui, lui, à lui, le, leur, eux, à eux, les
(7) (femme) : lui, elle, à elle, la, leur, elles, à elles, les

L'usage du ça permet de voir les deux catégories du premier niveau, l'usage plus ou moins exclusif du y les catégories du deuxième niveau, l'usage des pronoms personnels COI donne les catégories du troisème niveau.

Quand on trouvera une solution qui marche pour tout. Elle ne pourra que graviter autour de ces 7 "classes" et de cette hiérarchisation sur 3 niveaux. Sinon, elle rencontrera des exceptions. Il ne manque que l'Autorité pour mettre les noms qui vont bien et pontifier la "règle".

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La question de terminologie et de la définition des classes, qu'on peut dire philosophique, joue probablement beaucoup, et on risque la digression en en discutant : personnellement j'ai du mal avec la notion de non être, ou encore entre être et animé. J'en suis là.

Pour les pronoms, les grammairiens m'ont semblé encore hésiter au moins sur la terminologie, et peut-être donc également un peu sur la classification. Et en effet, ils m'ont paru avoir du mal à progresser ensemble sur ces questions - mais j'ai vu aussi qu'ils y travaillent.

Tant qu'un consensus ne se dégage pas, nous avons du mal à nous comprendre, et c'est déjà bien si chacun arrive à se forger sa propre logique et à atteindre sa propre cohérence.