Deuxième type d'interprétation du noeud au mouchoir:liée aux superstitions, croyances....
1) Toujours en relation avec la mémoire, on trouve une autre utilisation du noeud au mouchoir chez des peuples fort différents:
- Vie Quotidienne à Moscou au XVII ème siècle de Zinaïda Schakovsky ( paru chez Hachette ) page 71:
pour retrouver un objet: faire un noeud à une serviette ou à un mouchoir , puis quand on le dénouera , on retrouvera l'objet
J'ai retrouvé des croyances similaires concernant l'Afrique du Nord ( particulièrement la Tunisie) Pour retrouver un objet égaré.:
on prend une pièce de tissu( chiffon, mouchoir,) on fait un noeud,, on le jette avec une formule magique à terre et lorsqu'on le dénoue, on retrouve l'objet
Sur Google, on trouve directement des témoignages de gens qui ont vu des grands-parents , des gens de leur famille pratiquer cette coutume.
C'est le fait de dénouer le noeud, qui ,dans ces croyances, permettait de trouver la solution, comme si le noeud avait gardé la mémoire.
2) Faire un noeud à un tissu pour conjurer , empêcher quelque chose, éloigner le mauvais sort:
-1992: Dictionnaires des rutes de Hermann Hochegger:
"
faire un noeud au mouchoir, lorsqu'on heurte le mauvais pied pour retenir la malchance dans le noeud
- 1939: Revue Politique et Parlementaire (chez A.Colin) de marcel Fournier et F. Faure , page 63:
les enfants font des noeuds au mouchoir pour que l'instituteur ne les interroge pas
1946: Littérature populaire de toutes les Nations de Marie Louise Dubodoz-Laffin ( Maisonneuve) page 36:
concernant la Tunisie:
faire un noeud à un fil ou un morceau de tissu pour empêcher quelque chose: pour empêcher une fille de se marier, on prenait un morceau de tissu de son vêtement pour y faire un noeud.
Cette coutume est à rapprocher delier l'aiguillette ( littérature abondante sur l'expression).
- 1903: Religionsgeschichtliche Versuche und Vorarbeiten ( essai sur l'histoire des religions) de Walter Buckert page 106:
concernant les peuples indiens:
faire un noeud à un tissu pour éloigner les mauvais esprits ( suivi d'une formule magique)
- 1911: Otto Berthold: Unverwundbarkeit in Sage und Aberglaube der Griechen" page 106:
là, il s'agit des croyances des Grecs ,pour conjurer les maladies ou le mauvais sort.
Elle met un noeud au mouchoir en prononcant " Wollf ade( loup vas -t-en) pour éloigner le mauvais esprit du malade
On retrouve là aussi une pratique identique ,allant donc, des grecs aux indiens.
- En liaison avec le texte pré-cité qui racontait une coutume d'Islande, il existait chez les peuples nordiques une croyance, selon laquelle, on pouvait enfermer les vents dans un mouchoir noué , et disant qu'au premier noeud défait, s'échapperait une brise légère accompagnant le marin... Gare à celui qui dénouerait tous les noeuds ( analogie boite de Pandore...)
Enfin, dernière découverte :
1925: Alt-palästinensischer Bauernglaube in religionsvergleichender Beleuchtung ( études de religion comparée au sujet des croyances en milieu paysan chez les habitants de l'Ancienne Palestine) Editions Lafaire, page 101:
Durch einen magischen Knoten vermag man im altpalâstinensischen Volksglauben sogar einen Gedanken festzuhalten, damit er dem Gedâchtnis nicht entschwinde
Traduction: selon la croyance populaire des Palestiniens de l'Antiquité, on pensait pouvoir grâce à un noeud magique, même retenir une pensée , pour qu'elle n'échappe pas à la mémoire.
Cette dernière référence est troublante, car elle ramène directement à l'origine de ce fil et à la question posée. Mais, n'ayant pas ce livre à disposition, je ne sais sur quoi se base cet auteur pour attester de cette coutume chez les anciens Hébreux, à moins qu'il ne reprenne le texte de la Bible?
Pour moi,après avoir constaté ces croyances, rites, coutumes qui se rejoignent et se recoupent à travers des civilisations fort différentes et éloignées les unes des autres, je me demande si le passage de la Bible évoquant la nécessité de faire des noeuds pour se souvenir, ne reprend pas des croyances encore plus anciennes . Avec notre noeud au mouchoir, nous pourrions bien , sans le savoir, véhiculer ce souvenir de ces anciennes croyances venues de la nuit des temps...
Quel sac de noeuds