Cette fois vous allez dire que j’exagère, mais j’ai cru remarquer une chose : les mots commençant par une voyelle, ou par un son vocalisé, sont de plus en plus souvent attaqués par un petit coup de glotte, façon Christophe Lambert dans Greystoke.
Par exemple ce matin même à la radio : « (…) il ne tient qu’à !eux (…) », au lieu de « il ne tient qu’à-eux », plus fluide, assumant pleinement le hiatus du « a » et du « e ». (l’attaque gutturale en question sera symbolisée ici par un point d’exclamation avant la voyelle.)
D’où vient ce phénomène ? J’ai trois hypothèses :
1- L’influence des boîtes vocales et des messages SNCF qui, constitués de fragments préenregistrés et combinés, rendent parfois la continuité vocale du hiatus irréalisable, comme dans cette phrase : « Pour confirmer la suppression de ce message, faites le !un. »
2- L’influence de notre rap hexagonal qui, il me semble, pratique couramment le coup de glotte dans sa recherche d'un français plus percutant. ("On a le même contrôle judiciaire mais pas le même !âge", La Fouine, Tous les mêmes)
3- L'influence de Christophe Lambert dans Greystoke. Non, je plaisante.
En vrac, quelques autres exemples que j’ai relevés :
« Il est huit heures trente et !une » (radio)
« (…) un amas de deux bons mètres de !haut » (infos radio)
« Tout le monde en a !un ? » (vraie vie)
Il y a quelque temps j’ai même entendu sur France culture une interprète espagnol/français prononcer par deux fois « pai !is » (pays).
Ce phénomène se produit aussi à la suite des consonnes nasales, comme dans « en !haut », très fréquent, ou dans « mille neuf-cent quatre-vingt !un », ou encore « il vous suffit d’envoyer un !SMS » (exemples authentiques).
Cela arrive également après une consonne, surtout cette année. En effet, nous sommes en 2011 ("deumilonze"), mais presque tout le monde dit « deux-mille !onze » (ce problème ne se posera plus en 2012). On pense peut-être que cela clarifie l’énoncé du nombre, comme dans le cas de cette phrase entendue à Paris : « On prend la ligne !un ? ». Admettons. Mais est-il bien nécessaire de se fatiguer à articuler « un millier de visiteurs par !an » (infos télé), alors que « paran » coule si bien, et de dire « le ministre des affaires !étrangères » (infos radio) au lieu d’enchaîner « affairétrangères » ?
Noter que dans ce dernier cas on pourrait même faire la liaison « affaires z-étrangères ». Oui, si l’on était en 1956. Mais cela ne risque pas d’arriver aujourd’hui où les liaisons disparaissent, comme je l'ai fait remarquer dans un précédent article. Aussi admirons le paradoxe : alors même que l’on se met à attaquer brutalement les voyelles, mettant de la percussion là où la fluidité était de mise, dans le même temps on abandonne les liaisons, réintroduisant la continuité vocalique ailleurs. Cé-a n'y rien comprendre !