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forum abclf » Réflexions linguistiques » Remettons en question l'orthographe

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Messages [ 51 à 100 sur 103 ]

51 Dernière modification par coco47 (28-02-2012 05:21:02)

Re : Remettons en question l'orthographe

P'tit prof a écrit:
BakaGajin a écrit:

L'essentiel des 8 pages concerne seulement les cas particuliers. Il me que le but de Grevisse était d'expliquer en détail les règles du français "Academique" (qui reste le mètre étalon de toute production écrite)

Et vous demandez ce qu'est la grammaire mentaliste ? C'est ça, la grammaire mentalisme ! Délayer huit pages de cas particuliers, au lieu de chercher à dégager la loi générale. Quand on l'a trouvée, la loi générale, on se rend compte qu'il n'y a pas de cas particuliers.

BakaGajin a écrit:

Si la règle de la semi-invariabilité du p.passé avec l'aux. avoir était si simple, pourquoi tant d'erreur dans les copies, les messages sur le net, etc..

Vous avez mis le doigt dessus : si les faits étaient expliqués nettement et brièvement, sans cas particuliers qui n'en sont pas, tout le monde comprendrait et appliquerait aisément le mécanisme. Ce n'est pas la machine qui est compliquée, c'est son mode d'emploi qui est illisible.

D'accord à 100 % avec P'tit Prof.

A la lecture de ce message de BakaGajin, le 19 février :
« Bizarre ! Quand j'ouvre mon petit grevisse, grammaire française à la page "Accord du participe passé", je vois "Règles générales"  et un peu plus loin "Règles particulières" !
M'est avis que s'il n'y avait qu'une règle, il n'y aurait pas 8 pages qui y soient consacrées »

j'avais d'ailleurs écrit une réponse, sans la publier. Je le fais maintenant :

Eh bien votre Petit Grevisse s’exprime mal ! Sans l’avoir en main, je vous fiche mon billet que ses huit pages ne sont pas consacrées à l’énoncé de la règle générale (il n’en existe qu’une, et elle tient en deux ou trois lignes), mais aux multiples exemples qui peuvent illustrer l’application de cette règle selon les cas de figure que la langue peut présenter.
Le principe qui dit que la Terre tourne sur elle-même en vingt-quatre heures et autour du Soleil en trois cent soixante-cinq jours s’écrit en deux lignes. Mais les écrits qui traitent des conséquences de ce principe occupent des dizaines de kilomètres de rayonnages de bibliothèques.
Connaissant LA règle de l’accord du participe, n’importe quel individu normalement constitué peut, en faisant jouer son intelligence, en déduire les différentes modalités d’application (un peu de pratique du jeu facilitera la chose, c’est à cela que servait jadis l’école). Pour la Terre et le Soleil, c’est un peu plus complexe…

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Re : Remettons en question l'orthographe

Si vous connaissez des linguistes qui étirent sur 80 pages un mécanisme dont l'exposé tient en trois lignes, sachez que ce ne sont pas des linguistes...

La plupart de linguistes que j'ai rencontrés en sont justement capables big_smile

Connaissant LA règle de l’accord du participe, n’importe quel individu normalement constitué peut, en faisant jouer son intelligence, en déduire les différentes modalités d’application

Faut-il en déduire que la grande majorité d'individus ne sont pas normalement constitués ?

Malgranda pezo, sed granda prezo ;-)

Re : Remettons en question l'orthographe

skirlet a écrit:

Si vous connaissez des linguistes qui étirent sur 80 pages un mécanisme dont l'exposé tient en trois lignes, sachez que ce ne sont pas des linguistes...

La plupart de linguistes que j'ai rencontrés en sont justement capables big_smile

Alors ce ne sont pas des linguistes mais des faiseurs d'esbrouffe, tant pis c'est dit !
Ce petit jeu peut durer longtemps...
Delphine Denis et Anne Sancier-Chateau s'en tirent en... trente-deux (32) lignes ! Avec renvoi  à une page, une seule page, concernant les verbes pronominaux.
J'en reviens à mon inoxydable critère de validité des règles et autres descriptions : plus elles sont longues et détaillées, plus elles admettent d'exception... plus grandes sont les chances qu'elles soient totalement erronées.
À cette aune, il n'y a pas photo, comme on dit, entre Grevisse et Denis/Sancier-Chateau.

Ces catalogues de cas particuliers me font penser à ce personnage de Ionesco, l'élève dans la Leçon, qui ne sait pas faire les multiplications et qui en conséquence a appris par cœur tous les résultats de toutes les multiplications possibles.

skirlet a écrit:
coco47 a écrit:

Connaissant LA règle de l’accord du participe, n’importe quel individu normalement constitué peut, en faisant jouer son intelligence, en déduire les différentes modalités d’application

Faut-il en déduire que la grande majorité d'individus ne sont pas normalement constitués ?

Il faut surtout en déduire qu'une certaine façon de présenter les faits à l'école (et je pense aux ouvrages de l'estimable, ô combien estimable couple Bled, ces cordonniers qui ont voulu monter plus haut que la sandale) a tellement traumatisé la majorité de nos contemporains, qu'ils en ont perdu tout bon sens et toute autonomie intellectuelle.
On leur a tellement dit qu'ils étaient des nuls et des incapables qu'ils se croient incapables de résoudre par eux-mêmes ces questions d'accord qu'on leur a inculquées à coup de règle sur les doigts.

LI-BÉ-RONS-LA-GRAM-MAIRE ! LI-BÉ-RONS-LA-GRAM-MAIRE ! LI-BÉ-RONS-LA-GRAM-MAIRE !

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

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Re : Remettons en question l'orthographe

Alors ce ne sont pas des linguistes mais des faiseurs d'esbrouffe, tant pis c'est dit !

Ben, y sont diplômés... Et puis, un linguiste n'est point bâtisseur mais descripteur smile

On leur a tellement dit qu'ils étaient des nuls et des incapables qu'ils se croient incapables de résoudre par eux-mêmes ces questions d'accord qu'on leur a inculquées à coup de règle sur les doigts.

À ce point-là ?.. Je n'ai pas fait ma scolarité en France, alors j'en sais rien.

Malgranda pezo, sed granda prezo ;-)

Re : Remettons en question l'orthographe

skirlet a écrit:

Alors ce ne sont pas des linguistes mais des faiseurs d'esbrouffe, tant pis c'est dit !

Ben, y sont diplômés... Et puis, un linguiste n'est point bâtisseur mais descripteur smile!

Ils sont diplômés aussi les fabricants de grammaire latine qui impriment que le latin compte cinq déclinaisons. N'empêche que diplôme ou pas diplôme, le latin ne compte que deux déclinaisons.
Ce n'est pas tout de décrire, il faut prendre une bonne vue d'ensemble : les quinquistes, si j'ose ce néologisme, n'ont tenu compte que des différences, les dualistes ont surtout observé les ressemblances.
Le linguiste est un descripteur, entièrement d'accord, mais avant de décrire il faut observer et bien voir. La bonne description, iterum, derechef et da capo est brève, claire et ne fait aucune place aux exceptions.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

56 Dernière modification par coco47 (29-02-2012 05:44:46)

Re : Remettons en question l'orthographe

skirlet a écrit:

Connaissant LA règle de l’accord du participe, n’importe quel individu normalement constitué peut, en faisant jouer son intelligence, en déduire les différentes modalités d’application

Faut-il en déduire que la grande majorité d'individus ne sont pas normalement constitués ?

Il faut en déduire que, sur cette question, ils ne font pas l'effort de se servir de leur intelligence. Ils n'essayent même pas. Même pas en rêve ! Et pourquoi ? Parce qu'on les a persuadés que c'était inutile, sans espoir. Qu'ils ne s'en sortiraient jamais, avec ces participes. On leur a dit que c'était trop complexe, qu'il n'y avait là aucune logique, qu'il y avait des tas d'exceptions, et d'exceptions aux exceptions. Que cette activité ésotérique était réservée à quelques vieilles barbes portant manches de lustrine et monocle. Et ils l'ont cru. On les a ainsi amputés.
Bon, en même temps, on peut vivre avec cette amputation-là. Mais c'est quand même s'être bien fait couillonner.
P.S. : OK, je doublonne un peu avec P'tit Prof, mais on ne sera pas trop de deux sur ce coup-là…

57

Re : Remettons en question l'orthographe

J'ai essayé de percer les subtilités de cette règle (ou plutôt de ses nombreuses exceptions) pendant des années. Sans un véritable succès, je l'avoue. Je connais pas mal de natifs qui ont essayé, et pourtant ces personnes s'intéressent au français et se servent de leur intelligence. Donc, je rejoins le club des alternativement doués, comme on le dit en politiquement correct.

(Mais une pensée me titille : si on laisse tomber une règle introduite par une seule personne voulant les grâces d'un roi - est-ce vraiment une amputation ? Ou, si s'en est une, ne l'agit-il pas d'amputer une partie gangrenée ?)

Malgranda pezo, sed granda prezo ;-)

58 Dernière modification par yd (29-02-2012 11:16:30)

Re : Remettons en question l'orthographe

Connait-on bien, en amont et en aval de la décision prise sous François Ier, les usages ou leur évolution concernant l'accord du participe ? Cette décision tombe-t-elle comme un simple fait du prince, ou la question faisait-elle débat, les avis étaient-ils inconciliables, la confusion régnait-elle ?

En fait je serais surpris du succès historique d'une telle décision si elle n'avait procédé que du simple fait du prince ou du seul avis de Clément Marot, d'une part, et je trouve d'autre part la règle dite de Clément Marot simple et logique : c'est étonnant si le contexte historique est bien celui que l'on nous dit, à savoir celui d'un simple fait de prince, et c'est encore étonnant s'il s'agit d'une simple marotte de Clément Marot.

Fille légère ne peut bêcher.

59 Dernière modification par skirlet (29-02-2012 14:35:06)

Re : Remettons en question l'orthographe

J'ai lu qu'il a eu des adversaires (je n'ai pas la référence sous la main). N'oublions pas qu'à cette époque, l'influence d'un homme ou d'un groupe d'hommes sur une langue en pleine mutation était très importante - un type qui plaît au roi et à sa soeur peut beaucoup, il trouve des imitateurs, et si on ajoute la volonté délibérée de complexifier l'orthographe pour se démarquer des simples femmes...
En tout cas, je suis contente de ne pas être seule dans mon cas :
http://www2.unine.ch/files/content/site … ANEL37.pdf
http://books.google.fr/books?id=zimWdo4 … mp;f=false

Malgranda pezo, sed granda prezo ;-)

Re : Remettons en question l'orthographe

N'oublions pas qu'à cette époque, l'influence d'un homme ou d'un groupe d'hommes sur une langue en pleine mutation était très importante - un type qui plaît au roi et à sa soeur peut beaucoup, il trouve des imitateurs, et si on ajoute la volonté délibérée de complexifier l'orthographe pour se démarquer des simples femmes...

N'oublions pas non plus que tout cela ne concerne qu'une poignée d'individus : au sein de l'ensembe assez réduit des locuteurs du français, l'ensemble de ceux qui savent lire et écrire !
Savoir lire et écrire allait de pair avec savoir le latin et le grec.
Le résultat des recherches menées par ces érudits ne dépassait pas le cercle savant : on en avait des échos à la cour de Londres (exemples pris au hasard, compte tenu du fait que le roi Henri VIII était humaniste et francophone)  mais pas dans les rues de Marseille, terre occitane.

P.S. Humaniste signifie locuteur des trois langues hébreu, latin et grec...

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

61 Dernière modification par yd (01-03-2012 15:03:28)

Re : Remettons en question l'orthographe

[Merci à Skirlet pour les deux liens. J'y ai reconnu le nom de Danielle Leeman dont j'avais parcouru Le sujet grammatical : le cas particulier des pronoms personnels http://www.google.fr/url?sa=t&rct=j … mp;cad=rja.]

Je voudrais bien avoir votre avis : dans le cas de mignonne, allons voir si la rose qui ce matin avait éclose, Ronsard n'aurait-il pas pu écrire, sans appauvrissement ou « distorsion » poétique, ... la rose que ce matin avait éclose, ou à la rigueur... la rose qui ce matin s'était éclose ?

édité à 13h55 : il manque la suite de la phrase de Ronsard, cf. le message de Glop qui suit.

J'essaie de mieux cerner le choix de Ronsard, qu'a priori je ne comprends pas du tout.

Concernant la règle de Clément Marot, si j'ai bien compris elle ne fait strictement que réduire l'accord avec le « complément direct » (terminologie qui essaie d'éviter les difficultés posées pas la notion de COD) aux seuls cas où il est antéposé, contre ceux qui voulaient l'accord dans tous les cas avec le complément. *

Ce qui me semble justifier, par sa simplicité et par sa logique, la règle de Clément Marot, c'est que dans presque tous les cas de conjugaison avec être, qui exige donc l'accord avec le sujet, celui-ci est toujours soit antéposé, soit immédiatement attaché au verbe dans le cas d'un pronom-sujet. La seule exception qui me vienne à l'esprit - mais je peux en oublier -, ne me paraît pas devoir compter : étaient présents : Pierre, Paul et Jacques ; était absente : Jeanne. Je pense qu'il n'y a pas ici de problème, car l'accord en nombre, touchant donc la conjugaison, est lui-même en jeu. Du point de vue de l'accord du participe, cet exemple ne serait donc qu'une fausse exception.

Je suis assez d'accord avec P'tit prof et Coco47 : la machine est simple, c'est le mode d'emploi qui est complexe, et en effet la complexité me paraît venir tantôt des grands auteurs comme Aragon, parce qu'on ne veut pas qu'ils aient fait de fautes, tantôt de grammairiens, tantôt des problèmes avec les pronoms, tantôt du caractère contestable de la notion de COD, tantôt des imperfections ou des hésitations dans l'analyse de trop nombreux verbes. 

On fait grand cas d'infractions à la règle des accords de la part de François Mitterrand ou Jacques Chirac, etc., pour justifier le revendication d'une simplification, or d'une part, oui, tout le monde se trompe, et pas seulement à l'oral, par simple inattention, et d'autre part, s'agissant des difficultés réelles, on se trompe d'origine.

Pour ce qui est de l'influence de la cour, qui à mon avis continue de nos jours, car la cour sévit toujours, on devrait pouvoir dans le temps la réduire à un simple effet de mode : il faut bien que certains trouvent leur importance et s'occupent à quelque chose, ça ne devrait pas plus nous déranger que les concours canins ou certains festivals.

* j'ai supprimé Ronsard relevant encore d'une autre école, sans objet.

Fille légère ne peut bêcher.

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Re : Remettons en question l'orthographe

Le verbe éclore est intransitif.

Ronsard à employé le verbe déclore (ouvrir).

— Mignonne, allons voir si la rose
    Qui ce matin avoit desclose
    Sa robe de pourpre au soleil,
    A point perdu ceste vesprée
    Les plis de sa robe pourprée

L’accord du verbe au féminin ne me choque pas car la rose et la robe pourprée ne font qu’une.

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

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Re : Remettons en question l'orthographe

Je ne m'avancerai pas dans la jungle des accords du participe avec le verbe "être", mais je voudrais bien savoir : où est la logique d'accorder "les fleurs que j'ai cuellies" et ne pas le faire dans "j'ai cueilli les fleurs" ? Si on rendait possible de ne pas accorder les participes avec le verbe "avoir", c'aurait été un grand soulagement pour tout le monde, d'autant plus que les quelques exemples de la prétendue utilité de cet accord ne m'ont guère convaincue smile

Malgranda pezo, sed granda prezo ;-)

64 Dernière modification par yd (01-03-2012 13:45:25)

Re : Remettons en question l'orthographe

Les fleurs que j'ai cueillies, parce que ces fleurs ont été cueillies par moi. J'y vois une logique, ou du moins une équivalence.

Merci à Glop, j'avais dû mal écouter en classe, déclore est transitif, avec le sens d'ouvrir, la robe serait donc COD, et Ronsard se rangerait ainsi parmi ceux qui accordaient le participe avec le COD - sous réserve de la notion qu'ils avaient du COD à leur époque -, sans considération de la position de ce COD dans la phrase. Je parle au conditionnel car je ne comprends pas bien la suite : Rabelais précède Ronsard d'une bonne génération, et son français m'avait paru plus moderne.

Fille légère ne peut bêcher.

Re : Remettons en question l'orthographe

skirlet a écrit:

Je ne m'avancerai pas dans la jungle des accords du participe avec le verbe "être", mais je voudrais bien savoir : où est la logique d'accorder "les fleurs que j'ai cuellies" et ne pas le faire dans "j'ai cueilli les fleurs" ? Si on rendait possible de ne pas accorder les participes avec le verbe "avoir", c'aurait été un grand soulagement pour tout le monde, d'autant plus que les quelques exemples de la prétendue utilité de cet accord ne m'ont guère convaincue smile

Où est la loique ?
Il faut le demander à Clément Marot : Ronsard écrit la rose a déclose se robe de pourpre, et Marot, (Marot lui-même !) ils ont sur mes deux bras la  main posée (Je cite de mémoire...).

Autrement dit, la règle qui  vous chiffonne représente une simplification.
Quant à rendre possible de ne pas accorder les participes avec le verbe "avoir , cela dépend de vous : vous n'avez qu'à ne plus accorder, ni vous ni vos amis ! Vous n'avez donc pas remarqué que c'est ce qui se passe ? L'accord est en train de tomber, tout seul.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

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Re : Remettons en question l'orthographe

Les fleurs que j'ai cueillies, parce que ces fleurs ont été cueillies par moi.

Ce n'est pas la même tournure. Je demande : pourquoi une inversion induit un accord ? Où est l'utilité ?

J'aurais voulu le demander à Marot, mais quelque chose me dit que ce ne sera pas efficace smile

Quant à rendre possible de ne pas accorder les participes avec le verbe "avoir , cela dépend de vous

Moi perso, si je le fais pas écrit, je suis aussitôt soupçonnée de ne pas bien maîtriser la belle langue française, ce qui est une honte pour un immigré. Les enfants ne le peuvent pas, car la note sera moins bonne. Etc., etc... Le cercle vicieux se maintient à peu près, et les honorables grammairiens, ainsi que les académiciens, au lieu de constater l'usage qui change, s'accrochent à la soi-disant pureté de la langue.

Malgranda pezo, sed granda prezo ;-)

Re : Remettons en question l'orthographe

yd a écrit:

Ronsard se rangerait ainsi parmi ceux qui accordaient le participe avec le COD - sous réserve de la notion qu'ils avaient du COD à leur époque -, sans considération de la position de ce COD dans la phrase.

Le faisait-il systématiquement ou inférez-vous de ce seul exemple ? M'est avis que si vous relisez Ronsard le crayon à la main, vous verrez que Ronsard n'agit de la sorte que quand il y a un bénéfice pour la rime ou le rythme de la phrase, sinon il n'accorde pas. Voyez par exemple dans les Sonnets pour Hélène :

Quand tu as reverdi mon écorce ridée
    De l’éclair de tes yeux, ainsi que fit Médée
    Par herbes et par jus le père de Jason,
         Je n’ai contre ton charme opposé ma défense :
    Toutefois je me deuls de rentrer en enfance,
    Pour perdre tant de fois l’esprit et la raison.

(certaines éditions ont tu fis reverdir au premier vers)
Pour répondre à votre réserve, Ronsard ne connaissait pas le COD sous ce nom, mais la notion ne lui était pas étrangère sous le nom de "régime" ou éventuellement d'accusatif.
Puisqu'on parle beaucoup de Marot, il est peut-être utile de rappeler que la fameuse "loi" dont on le rend responsable n'est qu'une préférence de goût expliquée dans une lettre de 1558 qu'il est instructif de lire :

ENfans, oyez vne leçon :
Nostre langue à ceste facon,
Que le terme, qui va deuant,
Voulentiers regist le suiuant.
Les Vieilz Exemples ie suiuray
Pour le mieulx : car, a dire vray,
La Chancon fut bien ordonnee,
Qui dit, m’Amour vous ay donnée :
Et du Basteau est estonné,
Qui dit, m’Amour vous ay donné.
Voyla la force, que possede
Le Femenin, quand il precede.
Or prouueray, par bons Tesmoings,
Que tous Pluriers n'en font pas moins :
Il fault dire en termes parfaictz,
Dieu en ce Monde nous a faictz :
Fault dire en parolles parfaictes,
Dieu en ce Monde, les a faictes,
Et ne fault point dire (en effect)
Dieu en ce Monde, les a faict :
Ne nous a faict, pareillement :
Mais nous a faictz, tout rondement.
L’italien, dont la faconde
Passe les vulgaires du monde,
Son langage a ainsi basty
En disant : Dio noi a fatti.

Il n'y a eu aucun complot ni de pression du pouvoir pour que cette préférence soit petit à petit partagée par la plupart des écrivains, et surtout, des imprimeurs (ce sont eux qui ont fait l'orthographe). Vaugelas mit la touche finale en décrétant que là était le bon usage.

Re : Remettons en question l'orthographe

skirlet a écrit:

. Je demande : pourquoi une inversion induit un accord ? Où est l'utilité ?
J'aurais voulu le demander à Marot, mais quelque chose me dit que ce ne sera pas efficace smile

Mais d'autres que lui vous ont déjà répondu, à commencer par l'abbé d'Olivet dans ses  Remarques sur la langue française, 1771 :

Au reste, si l’on demande […] pourquoi le participe se décline lorsqu’il vient après
son régime ; et qu’au contraire, lorsqu’il le précède, il ne se décline pas : je
m’imagine qu’en cela nos Français, sans y entendre finesse, n’ont songé qu’à leur
plus grande commodité. On commence une phrase, quelquefois sans bien savoir
quel substantif viendra ensuite. Il est donc plus commode, pour ne pas s’enferrer par
trop de précipitation, de laisser indéclinable un participe, dont le substantif n’est
point encore annoncé, et peut-être n’est point encore prévu.

Wilmet observe que cette explication est reprise chez Cavanna :

« Quand, à l’horizon du cours de français, se lève pour la première fois, nuage lourd
de menaces, le participe passé conjugué avec l’auxiliaire avoir, l’enfant comprend que ses belles années sont à jamais enfuies et que sa vie sera désormais un combat féroce et déloyal des éléments acharnés à sa perte. L’apparition, dans une phrase que l’on croyait innocente, du perfide participe passé déclenche, chez l’adulte le plus coriace, une épouvante que le fil des ans n’atténuera pas. Et, bien sûr, persuadé d’avance de son indignité et de l’inutilité du combat, l’infortuné qu’un implacable destin fit naître sur une terre francophone perd ses moyens et commet la faute. À tous les coups. […] Pourtant, s'il est une règle où l'on ne peut guère reprocher à la grammaire de pécher contre la logique et la clarté, c'est bien celle-là. […] Quoi de plus lumineux ? Prenons un exemple : J'ai mangé la dinde. Le complément d'objet direct la dinde est placé après le verbe. Quand nous lisons J'ai mangé, jusque-là nous ne savons pas ce que ce type a mangé, ni même s'il a l'intention de nous faire part de ce qu'il a mangé. Il a mangé, un point c'est tout ! La phrase pourrait s'arrêter là. Donc, nous n'accordons pas mangé, et avec quoi diable l'accorderions-nous ? Mais voilà ensuite qu'il précise la dinde. Il a, ce faisant, introduit un complément d'objet direct. Il a mangé quoi ? La dinde. Nous en sommes bien contents pour lui, mais ce renseignement arrive trop tard. Cette dinde, toute chargée de féminité qu'elle soit, ne peut plus influencer notre verbe avoir mangé, qui demeure imperturbable. Notre gourmand eût-il dévoré tout un troupeau de dindes qu'il en irait de même : mangé resterait stoïquement le verbe manger conjugué au passé composé. Maintenant, si ce quidam écrit La dinde ? Je l'ai mangée ou La dinde que j'ai mangée, alors là, il commence par nous présenter cette sacrée dinde. Avant même d'apprendre ce qu'il a bien pu lui faire, à la dinde, nous savons qu'il s'agit d'une dinde. Nous ne pouvons plus nous dérober. Nous devons accorder, hé oui. Mangée est lié à la dinde (c'est-à-dire à l' ou à que, qui sont les représentants attitrés de la dinde) par-dessus le verbe, par un lien solide qui fait que mangée n'est plus seulement un élément du verbe manger conjugué au passé composé, mais également une espèce d'attribut de la dinde. Comme si nous disions La dinde est mangée. » (Mignonne, allons voir si la rose…, coll. du Livre de poche)

Re : Remettons en question l'orthographe

Le Nouvel obs du jour mentionne la proposition d'un groupe de grammairiens pour la simplification du pp. Si ce sujet devient suffisamment grand public pour être dans le premier hebdo de France, peut-être un jour verra-t-on enfin cette réforme...

Alia mondo eblas.

70 Dernière modification par yd (01-03-2012 17:13:02)

Re : Remettons en question l'orthographe

Les fleurs que j'ai cueillies, la robe qu'elle a mise : ce sont bien les fleurs qui ont été cueillies, c'est bien la robe qui est mise. On a fait au plus simple, allant jusqu'à calquer sur la conjugaison avec le verbe être celle avec le verbe avoir, puisqu'en effet, comme je le dis plus haut, dans le cas de la conjugaison avec le verbe être le sujet - qui commande l'accord - se trouve être soit antéposé, soit très étroitement attaché au verbe. Si on remet cette règle en cause, on ne comprendra plus qu'on accorde l'adjectif avec le nom auquel il se rapporte, et pour le coup plus personne ne comprendra plus rien au français.

On nous a parlé d'une règle venue d'un simple caprice, ou d'une simple fantaisie de la cour, alors qu'en réalité il faut attendre Vaugelas pour prendre sur lui de la prononcer, après avoir constaté que tous les auteurs, fort logiquement, fidèles à la langue, avaient fini par l'adopter.

16h15 : Et je vais plus loin : si on remet en cause la règle actuelle, elle-même très étroitement liée à l'organisation de la phrase, c'est toute la syntaxe du français qui s'en trouvera fragilisée : je ne crois pas que la langue française ait besoin de ça, elle a besoin de tout, sauf de ça.

Fille légère ne peut bêcher.

Re : Remettons en question l'orthographe

Moi perso, si je le fais pas écrit, je suis aussitôt soupçonnée de ne pas bien maîtriser la belle langue française, ce qui est une honte pour un immigré.

Vous, perso, vous avez un excellent moyen de régler le problème, par écrit : remettez en selle le passé simple.
Je cueillis des fleurs, les fleurs que je cueillis... Non seulement a pu participe, mais encore vous écrivez la belle langue française plus élégamment que les natifs.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

72 Dernière modification par skirlet (02-03-2012 14:26:20)

Re : Remettons en question l'orthographe

Ah que ce serait une solution, mais jadis on me disait que je parlais comme un bouquin smile

Malgranda pezo, sed granda prezo ;-)

73

Re : Remettons en question l'orthographe

Parler comme un livre peut être un reproche dans la mesure où vous marquez une distance avec la majorité des gens. Mais si on vous dit que ce que vous écrivez ressemble aux phrases des bouquins, si on vous compare aux auteurs de littérature... la gloire!  smile

" Wer fremde Sprachen nicht kennt, weiß auch nichts von seiner eigenen."   J.W.v.Goethe

74

Re : Remettons en question l'orthographe

Je ne dirais pas que le contexte était glorieux... Je devais ressembler à un manuel, parce que mes connaissances étaient plutôt livresques... Mais ce n'était pas une assurance contre les fautes big_smile

Malgranda pezo, sed granda prezo ;-)

75 Dernière modification par coco47 (02-03-2012 05:18:27)

Re : Remettons en question l'orthographe

Merci, merci mille fois, Abel Boyer, pour ces citations. Je ne connaissais pas celle d'Olivet (ce que je crois excusable), mais pas non plus (ce qui l'est moins, excusable) celle de Cavanna. Quelle clarté ! Quel délice ! C'est ainsi qu'il faudrait expliquer la grammaire aux enfants (et à certains adultes).
Sur le fond : n'en doutons pas, la suppression totale de l'accord du participe passé viendra un jour. Mais l'invariabilité de l'adjectif est également en marche. J'entends tous les jours, et dans des bouches de haut rang, des adjectifs féminins prononcés au masculin. Tout récemment, le « grand » journaliste Michel Denisot s'exprimait ainsi à 20 h 30, sur Canal+ : « Dans un instant, Guillaume Canet va déclarer ouvert la cérémonie des Césars. »

76

Re : Remettons en question l'orthographe

Pour l'adjectif, ce ne sera pas àmha trop rapide ; j'imagine mal les tournures comme "une vieux femme" ou "une beau lune".

Malgranda pezo, sed granda prezo ;-)

77

Re : Remettons en question l'orthographe

skirlet a écrit:

Pour l'adjectif, ce ne sera pas àmha trop rapide ; j'imagine mal les tournures comme "une vieux femme" ou "une beau lune".

D'accord pour l'adjectif antéposé, mais pour le postposé, et surtout pour l'attribut, c'est déjà en route. Le « déclare ouvert la cérémonie » a été commis devant des millions de téléspectateurs, et il n'a rien d'exceptionnel dans les médias français.

Re : Remettons en question l'orthographe

Ici, il ne s'agit plus d'orthographe (écrire les énoncés oraux) mais de syntaxe (construire les énoncés).
On peut réformer l'orthographe (elle se réforme tout le temps, d'ailleurs...) qui est de droit écrit, si j'ose dire, il est beaucoup plus difficile de réformer la syntaxe, qui est de droit coutumier.
Nous assistons donc à une modification de la coutume : la fin de l'accord pour la poignée d'adjectifs où cet accord survivait.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

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Re : Remettons en question l'orthographe

Le « déclare ouvert la cérémonie » a été commis devant des millions de téléspectateurs, et il n'a rien d'exceptionnel dans les médias français.

Je ne sais pas s'il y a ici un fil relevant les accords les plus pittoresques trouvés dans les médias, particulièrement sur la Toile où la relecture est souvent absente ou du moins tardive.  Personnellement, je donnerais le prix de la surprise à

Benoît XVI recadrent les cardinaux.

(Ce titre a d'ailleurs été corrigé assez vite.)

80 Dernière modification par coco47 (04-03-2012 04:55:52)

Re : Remettons en question l'orthographe

Samedi soir sur France 2, devant plusieurs millions de téléspectateurs, la présentatrice des Victoires de la musique nous a dit : « Victoire qui a été remis à …»
@ P'tit Prof. Je ne comprends pas votre phrase : la fin de l'accord pour la poignée d'adjectifs où cet accord survivait. Il me semble que tous les adjectifs, y compris les adjectifs verbaux, s'accordent avec le substantif auquel il se rapportent.

Re : Remettons en question l'orthographe

P'tit Prof. Je ne comprends pas votre phrase : la fin de l'accord pour la poignée d'adjectifs où cet accord survivait. Il me semble que tous les adjectifs, y compris les adjectifs verbaux, s'accordent avec le substantif auquel il se rapportent.

Pour les yeux.
Et encore, pour les yeux, tous les adjectifs terminés par le graphème e n'ont pas de forme distincte masculin/féminin : avare, bizarre (encore que bizarrement on entende parfois  bizarde.
Pour les oreilles,
la différence singulier/pluriel est insensible, sauf pour une poignée d'adjectifs en -al : idéal/idéaux...
la différence masculin/féminin est insensible, sauf pour une poignée d'adjectifs au masculin terminé par une consonne graphique : petit/petite, grand/grande, ou encore par un lé vocalisé qui réapparait au féminin : beau/belle, mou/molle...
Bref, la tendance qui se dégage est la disparition complète de l'accord oral, vous en donnez des exemples. Tendance contrariée par de fausses restitutions du type avare/avarde, bizarre/bizarde.
Bref, l'usage évolue sous nos yeux, et je trouve cela fascinant.

Et non, il n'est pas logique, l'usage, il est vivant !

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

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Re : Remettons en question l'orthographe

(Mais l'invariabilité en genre de « standard » semble tenir bon... je ne crois pas avoir jamais entendu « standarde ».)

À noter que jusqu'ici le français de Belgique tend à conserver une différence masculin/féminin par un allongement audible des voyelles finales non muettes : venu/venue, parti/partie, allé/allée.  Il se peut que cette différence disparaisse sous l'influence du français de France, où semble aussi (hélas) s'évanouir à l'oral (et donc de plus en plus souvent à l'écrit) la distinction entre « je ferai » et « je ferais ».

Re : Remettons en question l'orthographe

Phallet a écrit:

l'invariabilité en genre de « standard » semble tenir bon... je ne crois pas avoir jamais entendu « standarde ».

Comme "marron". On trouve assez couramment la forme plurielle mais très rarement une forme féminine.

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Re : Remettons en question l'orthographe

Abel Boyer a écrit:
Phallet a écrit:

l'invariabilité en genre de « standard » semble tenir bon... je ne crois pas avoir jamais entendu « standarde ».

Comme "marron". On trouve assez couramment la forme plurielle mais très rarement une forme féminine.

« Normalement », les adjectifs de couleur qui sont des noms employés adjectivement sont invariables en genre et en nombre : marron (de la couleur du marron), noisette (couleur noisette), orange, turquoise, or, paille, olive, etc. Il y en a plus de quatre-vingts.

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Re : Remettons en question l'orthographe

Mais le féminin de marron n'est-il pas châtaigne ?
Pardon de n'avoir pas résisté.

Fille légère ne peut bêcher.

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Re : Remettons en question l'orthographe

Bonjour à tous.
Remettons en question l'orthographe.
Sur le web, faire une recherche un inscrivant exactement
"Dictionnaire Français-Anglais Harmonisés"
Une fois le site concerné obtenu, consulter
le chapitre 2 clavier à alphabet mondialisé.

Re : Remettons en question l'orthographe

Salut tout le monde.
Sujet: Remettons en question l'orthographe.
Avec le projet de l'alphabet mondialisé,
ce serait progrès considérable.

88 Dernière modification par vh (07-01-2015 00:51:00)

Re : Remettons en question l'orthographe

coco47 a écrit:
Melegan a écrit:

L'« orthographe erratique de l'anglais », voilà qui va en chagriner quelques-uns. Encore une idée reçue mise à mal ici : la prétendue simplicité de l'anglais et de son orthographe. Ça fait plaisir.

Bonjour.

A) Je propose un nouveau critère d'évaluation de la difficulté d'une langue (à l'écrit) :
- Niveau d'études nécessaires pour écrire sans fautes dans sa langue maternelle.
On trouvera ici une différence notable entre le jeune francophone et le jeune anglophone.


B) Je propose une nouvelle façon d'identifier les complexités à éliminer en premier :
- Fautes les plus fréquentes qu'une personne va commencer à faire après avoir été séparée plusieurs années de l'environnement de sa langue maternelle.
Selon mes observations, ce sont les fautes concernant les consonnes doublées ou non.

Re : Remettons en question l'orthographe

Précisez que vous proposez un nouveau critère d'évaluation de la difficulté d'une langue ECRITE, car de langue difficile à parler, à apprendre (lorsqu'il s'agit de la langue maternelle), il n'y en a aucune plus qu'une autre...
Mais il est vrai qu'il s'agit ici d'un sujet sur l'orthographe, mais la précision à mon avis est tout de même utile parce que l'orthographe pour moi, ce n'est évidemment pas la langue...

90 Dernière modification par yd (07-01-2015 04:53:53)

Re : Remettons en question l'orthographe

On en avait longuement parlé dans un autre fil : quand on fixe la bonne orthographe dès le départ, c'est pratiquement acquis pour la vie, et puisque certains y arrivent dès avant la 6e, c'est que l'objectif est parfaitement accessible, sans du tout requérir un haut niveau d'étude.

C'est quand on veut, pour y aider, expliquer la bonne orthographe que les choses deviennent très complexes, et ceux qui en ont le plus besoin sont ceux qui n'ont pas mémorisé la bonne orthographe dès les premières années de lecture et d'écriture.

Il y a le même phénomène pour l'apprentissage de la langue, en réalité : l'enfant qui grandit dans un milieu où l'on pratique un bon niveau de langue est très avantagé par rapport à l'enfant dont l'entourage pratique une langue aléatoire, car celui-ci mémorise des tas de fautes et aura par la suite le plus grand mal à faire le tri.

Simplifier l'orthographe ne va pas changer grand chose, on risque même de compliquer encore, et en réalité la seule façon de vraiment simplifier serait de renoncer à toute orthographe... avec des conséquences désastreuses sur la langue elle-même : plus on simplifiera l'orthographe, plus on compliquera l'accès à un bon niveau de langue. C'est d'ailleurs le véritable objectif. Ceux qui ont supprimé le latin et le grec - ce sont les mêmes - savaient très bien ce qu'ils visaient et qu'ils n'allaient favoriser ni l’apprentissage du français, ni l'apprentissage des langues vivantes, ni l'accès à la culture et à l'histoire.

Fille légère ne peut bêcher.

Re : Remettons en question l'orthographe

Je ne vais pas discuter longuement vos arguments quant à l'orthographe. Personnellement, je ne pense pas que simplifier signifierait renoncer à toute orthographe. Mon argument, et je n'en donnerais qu'un est l'espagnol qui a connu une grande simplification de son orthographe au XVIIIè siècle (avec perte de tous les digraphes grecs par exemple, ph>f, th>t, etc.) Cela n'a pas signifié pour autant la fin de l'orthographe puisqu'on a toujours besoin d'écrire la langue. Après le problème du français est autre: une écriture purement phonétique pour moi est impossible à cause du trop grand nombre d'homonymes, mais bref, si j'écris ce matin c'est à propos de votre usage de l'expression "langue aléatoire" en parlant de ceux qui parleraient "mal" le français.

Tout d'abord, je pense que les gens dont vous parlez ne parle pas mal le français mais simplement ne maitrisent qu'un seul registre de la langue, et c'est de là que vient la "pauvreté" de leur langue. Par ailleurs, à l'oral, toutes les erreurs qu'ils peuvent faire et tous les aspects de leur langue non standard sont loin d'être aléatoires et répondent au contraire à une logique et une cohérence assez claire. Quelqu'un qui dit "si j'aurais su, je serais pas venu" ne dira peut-être jamais "si j'avais su, je ne serais pas venu", mais si son premier énoncé est faux d'un point de vue normatif il n'est pas aléatoire puisqu'il le dira toujours (parfois, pour montrer que leur système peut être très complexe, je suis persuadé qu'avec certains verbes, certains locuteurs utilisent bien l'imparfait...)

Mais je ne vais pas m'attarder non plus là dessus puisque ce sujet traite de l'orthographe (d'ailleurs, "bonne orthographe" me semble redondant).

Re : Remettons en question l'orthographe

oliglesias a écrit:

"bonne orthographe" me semble redondant

Si l'on se borne au sens initial, oui, mais pas dans ses acceptions plus larges. Du reste, l'Académie donne l'exemple :

9e édition a écrit:

Cet élève a une bonne, une mauvaise orthographe, une orthographe détestable, n'a pas d'orthographe.

8e édition a écrit:

Manière d'écrire les mots, et alors le sens est déterminé par une épithète. Une orthographe correcte. Une orthographe vicieuse. Son orthographe est détestable.

93 Dernière modification par yd (07-01-2015 13:22:31)

Re : Remettons en question l'orthographe

De fait, dans mon message j'ai pratiqué les deux usages : la bonne orthographe en français usuel, et l'orthographe dans sa signification en grec. C'est peut-être ces deux usages dans le même message qui sèment un trouble.

J'ai parlé de langue aléatoire par défaut, estimant ce mot le moins désobligeant ; je voulais éviter de froisser les personnes concernées. Une langue peu maîtrisée aurait peut-être été mieux comprise. Or pour moi, les aléas sont indépendants de votre volonté, non pas le manque de maîtrise. Une langue incertaine ? improvisée ?

Les réformes « nationales » de l'orthographe sont étroitement liées à l'avènement de l'imprimerie : on ne pouvait pas y échapper. Une fois les usages stabilisés justement par l'édition, les manuels et l'école, on risque de tout briser si l'on réforme encore, faute de mesurer la complexité de l'édifice et de l'histoire de sa construction. Jusqu'ici on s'en est bien tiré, en réalité, malgré des simplifications que se sont parfois avérées par la suite des complications.

Le gagnant, c'est l'enfant qui fixe d'entrée, oui, la bonne orthographe, comment dire autrement. Ce qu'on ne voit pas, c'est que tout enfant pourrait y parvenir. Car cette orthographe-là, dont avaient le plus grand besoin les éditeurs, est en réalité la moins difficile qu'il se pouvait. Si tel n'avait pas été le cas, les éditeurs auraient hurlé si fort qu'on les entendrait encore.

Fille légère ne peut bêcher.

94 Dernière modification par éponymie (07-01-2015 15:58:16)

Re : Remettons en question l'orthographe

vh a écrit:

A) Je propose un nouveau critère d'évaluation de la difficulté d'une langue (à l'écrit) :
- Niveau d'études nécessaires pour écrire sans fautes dans sa langue maternelle.
On trouvera ici une différence notable entre le jeune francophone et le jeune anglophone.

très franchement, je trouve l'orthographe anglaise au moins aussi compliquée que la française, de plus si le français peut avoir plusieurs transcriptions pour un seul son, l'anglais est pire encore quand il fait correspondre à une transcription, x sons possibles (cf. par exemple shiny et ship).

Alors si le jeune anglophone est performant plus tôt (ou plus tard, je ne sais pas en quoi consiste la différence), je crois qu'il s'agit avant tout d'un indice d'efficacité de l'enseignement, bien plus que d'un indice de difficulté de la langue à l'écrit.

Le problème est-il bien posé ?

Ajoutons que je me demande ce que vous entendez par "difficulté de la langue à l'écrit", vous parlez vraiment seulement d'orthographe ?

Quant aux premières fautes qui apparaissent pour un francophone plus ou moins coupé de son environnement, je suis d'accord avec vous : ça commence avec les doubles consonnes (je parle de moi smile ), viennent ensuite certaines lettres grecques dans des mots de jargon mais là encore je parle de mon expérience de français vivant en Italie : l'italien s'est débarrassé de ces letttres comme l'espagnol, je pense que pour un francophone vivant dans un pays anglophone ce serait tout à fait différent.

Donc, ici aussi, problème de méthode : la personne coupée de son environnement langue maternelle est dans un environnement qui a son influence. 3 français de profil identiques vivant au Japon, en Italie et aux États-Unis verront-ils leurs orthographes évoluer selon des schémas semblables ? Le cas des doubles consonnes - qui ne sont normalement pas prononcées - sera intrinsèque au français et pourrait se retrouver partout mais ensuite...

Les Abéciens vivant ou ayant vécu en Asie sont priés de se manifester (de ressusciter - en tant que forumeur - pour certains smile qui ne se sont pas manifestés depuis très, très longtemps).

https://lewebpedagogique.com/famillesdemots/files/2021/10/Les-doublets-en-fran%C3%A7ais.pdf

95 Dernière modification par vh (07-01-2015 16:25:07)

Re : Remettons en question l'orthographe

Il me semble qu'il est bien plus facile d'écrire parfaitement en anglais qu'en français, après quelques années d'études (pour simplifier, je ne parle ici que de la langue maternelle).

Par exemple, en anglais, les difficultés de la conjugaison se limitent seulement au verbes très courants et ne touche par conséquent que les débutants. En français, les difficultés de la conjugaison sont partout; je crois qu'il faut bien plus souvent consulter un manuel ou un site de conjugaison quand on écrit en français, plutôt qu'en anglais.

Re : Remettons en question l'orthographe

En ce qui concerne la difficulté de l'anglais ou du français et de l'enseignement, j'avais lu jadis (je ne sais plus où ni quand) un article montrant les différences dans l'apprentissage de la lecture dans certains pays. En Espagne, les petits apprennent à lire plus tôt qu'en France, et en France, plus tôt qu'en Angleterre (si je me souviens bien). Le rapport semble donc évident que pour apprendre à lire, certaines langues sont plus "faciles" que d'autres, tout simplement parce que leur orthographe est plus proche de leur phonétique. Plus la différence entre prononciation et orthographe est importante, plus l'apprentissage de la lecture sera long... (je ne parle pas de l'écriture)

EDIT:

J'ai retrouvé l'article en question, de 2003. Je ne sais pas s'il y a eu d'autres travaux sur ce sujet.
Références bibliographiques : Seymour, P. H. K., Aro, M., & Erskine, J. M. (2003). Foundation literacy acquisition in European orthographies. British Journal of Psychology, 94, 143–174

Lien du PDF

Pour moi il est clair que les méthodes d'enseignement peuvent influer (tous les enfants ne sont pas réceptifs de la même manière aux méthodes syllabiques, globales ou mixtes) mais le caractère "opaque" d'une langue ou au contraire "transparent" pour moi est primordial pour l'apprentissage rapide de la lecture. Cela s'observe également dans la dyslexie. Il n'y a pas moins de dyslexiques en Espagne ou en Italie qu'en France (du moins statistiquement cela ne doit pas être significatif à mon avis), en revanche, les dyslexiques en Espagne ou en Italie sont peut-être plus difficilement diagnostiqués (je sais d'ailleurs qu'en Espagne, l'orthophonie n'est pas aussi importante qu'en France) parce qu'ils ont moins de difficultés à lire: ils font moins d'erreurs de lecture mais le trouble existe et il peut par exemple se traduire par une plus grande lenteur dans la lecture.

C'est tout à fait intéressant comme sujet smile

Re : Remettons en question l'orthographe

vh a écrit:

Il me semble qu'il est bien plus facile d'écrire parfaitement en anglais qu'en français, après quelques années d'études (pour simplifier, je ne parle ici que de la langue maternelle).

Par exemple, en anglais, les difficultés de la conjugaison se limitent seulement au verbes très courants et ne touche par conséquent que les débutants. En français, les difficultés de la conjugaison sont partout; je crois qu'il faut bien plus souvent consulter un manuel ou un site de conjugaison quand on écrit en français, plutôt qu'en anglais.

A voir... je ne sais pas s'il y a eux des études à ce sujet. Mais si l'apprentissage de la lecture est plus lent, je ne vois pas comment l'acquisition d'une orthographe "parfaite" serait plus facile en anglais...
Pour moi la conjugaison ne pose pas de problèmes majeurs quant à l'orthographe: certains temps sont plus difficiles à maitriser du fait de leur usage très réduit dans la langue courante mais apprendre à conjuguer en français n'est pas si compliqué que cela... Il y a presque autant d'irrégularités en français qu'en espagnol (et j'imagine qu'en italien... aaaah ces langues romanes!) mais la conjugaison est malgré tout et aussi paradoxal que cela puisse paraitre assez régulière...

Re : Remettons en question l'orthographe

Je viens de rejeter un oeil sur l'article que j'ai mis en lien... ce n'était pas à lui que je pensais même s'il est très intéressant... vais essayer de trouver celui que j'ai en tête...

Re : Remettons en question l'orthographe

Voilà un autre article, je crois que c'est à lui que je pensais au début, mais les deux vont dans le même sens.

Réf: SPRENGER-CHAROLLES L. Linguistic processes in reading and spelling: The case of alphabetic writing systems: English, French, German and Spanish. In: Handbook of children’s literacy. NUNES T, BRYANT P (eds). Kluwer, Dordrecht, 2003

Et une citation intéressante par rapport à l'écriture, que j'ai trouvée ici (p.84):

Les travaux de Share (1999) suggèrent que l’apprentissage de l’orthographe des mots dépend fortement du recodage phonologique. En effet, il dépend de ce que les enfants disent quand ils les prononcent plutôt que de ce qu’ils en voient. Les erreurs orthographiques (par rapport aux configurations présentées) correspondent souvent aux prononciations erronées des enfants.
De plus, dans une épreuve de choix de la graphie correcte parmi quatre proposées, les choix erronés respectent la prononciation plus que la ressemblance visuelle. Enfin, le fait de diminuer le traitement phonologique a un impact négatif sur l’apprentissage de l’orthographe. Share et Shalev (2004) ont repris le même paradigme pour étudier les performances de normolecteurs et d’enfants (de quatrième, cinquième et sixième années scolaires) ayant des difficultés d’apprentissage de la lecture, dyslexiques ou simplement
faibles lecteurs. Les résultats confirment l’implication de la phonologie : tous apprennent les (pseudo) mots mais cet apprentissage est dépendant des performances phonologiques. C’est le niveau de décodage qui détermine la performance d’apprentissage des mots. Les travaux de Share confortent donc la thèse de la prééminence de la phonologie et montrent comment elle contribue à la constitution du lexique orthographique.

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Re : Remettons en question l'orthographe

La supposée difficulté de la conjugaison française : elle est quasiment aussi simple que l'anglaise et bien moins compliquée que l'italienne. Et ne pose pas de difficultés quant à l'orthographe : il faut simplement comprendre le système des radicaux qui est basé sur l'oral, les conditions d'aperture de la voyelle finale du radical, des règles simples de transcription des sons qui s'appliquent à tout le lexique et quelques règles plus "euphoniques" (alternance /i/, /y/).

On en a fait un petit fil tout récemment.

Je viens de lire l'intervention 97 d'oliglesias. Tout dépend évidemment de la définition de la régularité. Pour moi, 5 verbes irrréguliers "de base" (en italien 12), quasiment pas d'irrégularités de désinences (les finales prononcées après le radical)  - et d'ailleurs très peu de désinences contrairement à l'italien - les marques personnelles non prononcées sont très régulières (et se répartissent selon une règle simple).

Tous les enseignants FLE devraient être convaincus de la simplicité de la conjugaison française, ils gagneraient énormément de temps (veulent-ils toujours en gagner ?).

Quant à la dysorthographie, malgré une orthographe quasiment phonétique, elle progresse également en Italie, à un point que c'en est surprenant, et là, c'est bien je système d'éducation qu'il faut pointer du doigt.

https://lewebpedagogique.com/famillesdemots/files/2021/10/Les-doublets-en-fran%C3%A7ais.pdf

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