Passer au contenu du forum

forum abclf

Le forum d'ABC de la langue française

Mise à jour du forum (janvier 2019)

Remise en l'état – que j'espère durable – du forum, suite aux modifications faites par l'hébergeur.

forum abclf » Réflexions linguistiques » mon 38e questionnaire: langue étangère, heidegger, noobisation, à-aux

Pages 1

Répondre

Flux RSS du sujet

Messages [ 18 ]

Sujet : mon 38e questionnaire: langue étangère, heidegger, noobisation, à-aux

Bonsoir à tous,

Je suis revenu après une dépression exécrable. Je m'efforce de continuer de poser de bonnes questions.

1, On dit toujours le français langue étrangère. Ici, langue étrangère joue quel rôle grammatical ? Pourquoi il peut être placé tout près d'un autre nom: le français ?

2, Que signifient deux mots : heidegger et noobisation ? J'ai fureté dans tous mes dicos, mais c'est peine perdue.

3, J'ai saisi la façon d'employer à et de devant un nom. Mais entre à et aux ou au, j'hésite encore. Par exemple:
- Une fille aux cheveux longs - pourquoi pas: une fille à cheveux longs
- Un gâteau au chocolat - pourquoi pas : Un gâteau à chocolat

Voilà. Je vais créer un autre questionnaire. Merci d'avance.

Re : mon 38e questionnaire: langue étangère, heidegger, noobisation, à-aux

Heidegger est un nom propre, celui d'un philosophe allemand qui révolutionna la pensée contemporaine et dont Sartre subit largement l'influence.

On peut dire indifféremment une fille aux cheveux longs, et une fille à cheveux longs.
Avec une petite nuance : à cheveux longs est une caractéristique générale (« La femme est un animal à idées courtes et cheveux longs » aurait dit le philosophe allemand Shopenhauer), aux cheveux longs marque un certaine particularité (« Ma sœur aux longs cheveux », nous dit Colette, parlant de Juliette Robineau que sa chevelure enveloppait tout entière comme une tente.)

« Les filles à cheveux longs, ce n'est plus à la mode, mais moi j'aimerais avoir une amie aux longs cheveux. »

On dit un fouet à chocolat, et un gâteau au chocolat, parce que le chocolat est un ingrédient du gâteau, qui peut être à la vanille, à la fraise, à l'orange, tandis que le fouet est destiné à battre le chocolat (boisson) pour le rendre mousseux.
Fouet pour le chocolat, gâteau avec chocolat.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

3 Dernière modification par piotr (06-03-2006 22:51:43)

Re : mon 38e questionnaire: langue étangère, heidegger, noobisation, à-aux

Bonsoir, Papy.

  Ça n'est pas rien de répondre à tes questions , et pour ce soir je me limiterai à noobisation.

  noobisation : ce n'est pas un néologisme, c'est un barbarisme, du langage de djeune, un terme de jeux vidéo.

  noob (prononcer noub[e]), est une transcription en fonétik de nouveau; cela signifie d'abord nouveau sur un jeu vidéo en réseau (par exemple CS), mais aussi joueur inexpérimenté malgré des mois de pratique. "Ce type, c'est le pire boulet, un vrai noob !", où boulet est synonyme de poids à traîner (ça, c'est du français).
  Souvent le noob cheate (prononcer chite) : il triche en utilisant des pouvoirs gagnés au moyen d'un code. Les noobs se retrouvent souvent sur les mêmes map (anglicisme : carte, terrain).

  Certains fabricants de jeux ont aménagé certaines caractéristiques de leur jeu, ou publié des cheats (des codes de triche) pour favoriser l'implantation des noobs, les attirer sur le jeu (payant !) devenu plus facile.

  Donc le terme noobisation décrit un double phénomène :
  * la transformation d'un jeu pour le rendre plus facile pour les débutants;
  * l'invasion par ces débutants, ou par des joueurs inexpérimentés, d'un site de jeu.

  Bien sûr, les vrais joueurs, ceux qui ont du poil aux pattes, vomissent ce procédé qui permet à des boulets de les oneshooter (de les tuer d'un tir unique),  car ce sont souvent des jeux de combat de rue.

  Pour vous faire une idée du langage si particulier de ces jeunes joueurs, je vous conseille ce site , ou bien celui-ci ou encore ce dernier , sélectionnés parmi beaucoup d'autres : c'est pas triste et vous y trouverez le terme noobisation.
  Noobisation est donc un barbarisme pur, car ce n'est pas de l'anglais, ni du franglais, c'est la transcription en graphie anglaise  (approximative) d'un mot français apocopé (nouveau).

elle est pas belle, la vie ?

Re : mon 38e questionnaire: langue étangère, heidegger, noobisation, à-aux

La langue normale avait d'ailleurs déjà le mot propre : novice.
Sur le radical du latin novus, nouveau, il désigne tout débutant dans quelque profession que ce soit. Il existe même une expression toute faite, et finalement assez redondante : « novice en la matière. »
Et l'argot militaire nous dit la chose en un monosyllabe : bleu.

Pour reprendre les exemples de Piotr :
« Ce bleu là, c'est un vrai boulet ! »
Adoncques, la noobisation, c'est le bleuissement !

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

5

Re : mon 38e questionnaire: langue étangère, heidegger, noobisation, à-aux

Merci de m'avoir filé vos coups de main

maintenant c'est plus simple et clair.

6 Dernière modification par papy (07-03-2006 08:35:56)

Re : mon 38e questionnaire: langue étangère, heidegger, noobisation, à-aux

Pour ce qui est grand de ma première question, langue étrangère est-il dans ce cas une locution figée utilisée adverbialement comme torse nu que j'avais demandé dans mon 36e questionnaire ?

7

Re : mon 38e questionnaire: langue étangère, heidegger, noobisation, à-aux

Papy a écrit:

Ici, langue étrangère joue quel rôle grammatical ? Pourquoi il peut être placé tout près d'un autre nom: le français ?

En fait, Papy, dans l'expression français langue étrangère, une locution conjonctive a été élidée et reste sous-entendue : il faut comprendre le français en tant que langue étrangère.
  Comment cela s'appelle-t-il exactement en grammaire : un groupe épithète ? Je ne sais pas répondre à cette question, attendons des avis plus autorisés (mais je ne voulais pas te laisser en plan).

  Cette expression relativement récente (à ma connaissance) est probablement en passe de devenir une locution figée.  Toutefois, elle n'a pas encore, à mon avis, la durée de vie nécessaire pour accéder à ce statut.
  Mais ceci reste très subjectif et sujet à discussion, car je n'ai aucune base lexicographique pour dater cette locution.

elle est pas belle, la vie ?

8 Dernière modification par martina (07-03-2006 11:27:55)

Re : mon 38e questionnaire: langue étangère, heidegger, noobisation, à-aux

le français langue étrangère: une apposition? en tout cas ce type de caractérisation est relativement récent et mal admis des puristes; en fait la locution nominale (le "syntagme nominal" si l'on préfère...) langue étrangère joue le rôle d'une épithète, alors que cette fonction est exclusivement réservée à l'adjectif qualificatif; l'apposition, elle, peut être tantôt un adjectif (" le pont, lavé avant le jour, fait une belle relation du ciel"*)) soit un nom ("beauté, mon beau souci, de qui l'âme incertaine etc..."**);donc il vaut mieux dire que "langue étrangère" est apposé, pour éviter une incohérence grammaticale; à vrai dire, cette expression ne me paraît pas correcte, et il vaut mieux dire, comme le suggère Piotr, "le français comme langue" ou "en tant que langue"; je pense qu'on a affaire là au même type de caractérisation impropre que dans "bronzer idiot" par exemple.
* St-John Perse
**Malherbe
allons, Papy, courage, il ne faut pas baisser les bras et se laisser envahir par la dépression!

Re : mon 38e questionnaire: langue étangère, heidegger, noobisation, à-aux

L'expression français langue étrangère, en abrégé FLE, relève de l'argot du Ministère de l'Education.
Cette noble institution forme en effet des professeurs de français à usage franco-français, qui s'adressent donc à des locuteurs natifs parlant déjà (plus ou moins bien) la langue.
Elle s'est décidée à former parallèlement des professeurs destinés à enseigner le français aux étrangers, le français comme langue étrangère.
Les stratégies et méthodes ne sont évidemment pas les mêmes...

Cependant cette expression  devrait ne pas franchir les portes des centres de formation et rester sur les couvertures des documents de travail. Partout ailleurs, elle est absurde : les professeurs de français enseignent le français, point barre. Quand Papy apprend le français, il est inutile de souligner qu'il apprend une langue étrangère... de moins en moins étrangère, d'ailleurs !

Pour répondre tardivement à une question que me posait Orientale, je n'ai pas suivi cette formation spécifique, mais j'ai eu sous les yeux certains documents, et j'y ai pris quelques  idées forces.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

10

Re : mon 38e questionnaire: langue étangère, heidegger, noobisation, à-aux

Personnellement, je suis actuellement en stage en CM2 dans une ZEP. Il ne serait parfois pas inutile de mettre en place une stratégie FLE dès le CP, pour des petits français qui parlent une autre langue à la maison, l'arabe par exemple. En effet leurs pratiques linguistiques en français sont parfois trop pauvres, ou trop éloignées de la norme.

C'est difficile de faire une leçon sur la terminaison du participe assé, avec la fameuse méthode du féminin, quand les élèves ne connaissent pas les féminins en questions. Par exemple, quand un élève de CM2 dit, pour la terminaison du verbe remplir :
*'les urnes qu'elle a remplite' ...

11

Re : mon 38e questionnaire: langue étangère, heidegger, noobisation, à-aux

j'ai même entendu des adolescents dire: "noircite" et des adultes "gaite" (pour gaie!) et même rabat-joise! féminin, cela va sans dire, de rabat-joie...

12

Re : mon 38e questionnaire: langue étangère, heidegger, noobisation, à-aux

Oui, mais ces exemples de féminins ne montrent pas du tout que le français est considéré comme une "langue étrangère". Il s'agit d'une forme de français parlé parfaitement reconnue. Ainsi, Françoise Gadet écrit dans "Le français populaire" (1992), p. 59 :

"Pour les noms sans féminin, on tend à en créer un (bleu et bleuse), la plupart du temps par l'adjonction de -t- : rigolo et rigolote, chou et choute, riquiqui et riquiquite..."

Dans le même ordre d'idée, on trouve "avarde" et "bizarde" dès le 19e siècle, et "mouru" au 18e, par exemple. Toutes ces caractéristiques, et de nombreuses autres - comme le "que" apparemment redondant dans "pourquoi que", "où que", "comment que", ou encore "ils croivent", qu'on entend chez des enfants français de France (excusez ce terme souvent utilisé avec de mauvaises intentions), forment système aussi bien que la langue écrite.
L'enseignement de celle-ci est certainement nécessaire. Mais les termes péjoratifs qu'utilisent certains enseignants - "barbarisme", ou l'affreux "faute de français", comme s'il s'agissait d'un péché, alors qu'on parle avec plus de neutralité d'"erreur de calcul" - tendent à culpabiliser inutilement les élèves.
Sur le français dit "populaire", consulter outre le "Que sais-je" de F. Gadet mentionné plus haut (il paraît que l'éditeur ne veut pas le réimprimer), les ouvrages plus anciens de Bauche ("Le Langage populaire") et de Frei ("La Grammaire des fautes").

Re : mon 38e questionnaire: langue étangère, heidegger, noobisation, à-aux

Petit PS linguistique : français langue étrangère s'inscrit dans la terminologie des matières.
On dit : anglais première langue, espagnol deuxième langue... français langue étrangère.

Pour Bounigne : aucune autorité académique n'acceptera que l'on enseignât le français langue étrangère en plein Paris, capitale de la France ! Cela n'a pas été obtenu pour les Antilles : le français n'y est pas une langue étrangère, point barre.
Mais il n'est pas défendu de s'inspirer des méthodes qui sont dans le domaine public...

Enfin, on ne parle plus de fautes, mais d'écarts, depuis une bonne quinzaine d'années.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

14

Re : mon 38e questionnaire: langue étangère, heidegger, noobisation, à-aux

Cher P'tit prof, qui donc est le "on" de votre dernière phrase? Google donne :
faute de français    25 000
fautes de français  78 300
faute d'orthographe    303 000
fautes d'orthographe 1 440 000
face à :
écart de français  7
écarts de français 3
écart d'orthographe   20
écarts d'orthographe 37
En une quinzaine d'années, le terme "écart" ne paraît pas avoir fait beaucoup de chemin.

Re : mon 38e questionnaire: langue étangère, heidegger, noobisation, à-aux

Le on, c'est moi, moi seul, et c'est assez !

Plus sérieusement, c'est une recommandation des IPR de Lettres. Recommandation que je suis d'autant plus volontiers que c'est une des conclusions que j'ai retirées d'un des nombreux stages de formation que j'ai suivis — stage animé par Danièle Manesse, si ma mémoire est bonne.


J'ajoute que mon « on » avait une valeur normative : à un jeune collègue en cours de formation, je transmets la bonne parole : « ne dites pas faute, dites écart. » Plus on sera nombreux à le faire, et plus vite les chose avanceront !

Vous avez interrogé Google. Mais Google a-t-il vraiment numérisé toutes les publications pédagogiques de ces quinze dernières années ? Publications dont les droits ne sont pas  encore libres ? Sur quel corpus se base Google ?

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

16

Re : mon 38e questionnaire: langue étangère, heidegger, noobisation, à-aux

Pierre Enckel a écrit:

Dans le même ordre d'idée, on trouve "avarde" et "bizarde" dès le 19e siècle [...]

Cet adjectif de "bizarde" est un terme spécifique à la vénerie : on parle de "tête bizarde" à propos d'un cerf dont les bois sont dissymétriques, que ce soit dû à un traumatisme ou au grand âge. (Source: André Chaigneau, Les habitudes du gibier, p. 31, 3è édition, 1968, Payot).

  N.B: Littré donne tête bizarre, mais

Robert le Grand a écrit:

BIZARDE adj. f.  (probablt XVIIIè ou antérieur); forme ancienne et aberrante de bizarre, sur le modèle des adj. en -ard à fém. en -arde.
Vén. > Tête bizarde : tête de cerf (de daim, etc.) dont les bois sont mal formés. — Par métonymie. > Courir une (ou un) tête bizarde, une bête à tête bizarde.

elle est pas belle, la vie ?

17

Re : mon 38e questionnaire: langue étangère, heidegger, noobisation, à-aux

Je pensais plutôt à un emploi franchement populaire, comme celui-ci, tiré d'une pièce de théâtre de 1833 :

FALAMPIN […] Mais c’est sa maladie qu’était bizarde, à c’t’ homme… (Vanderburch, Leuven, Forges : Les Baigneuses, p. 7.)

Quand Robert donne une date précédée par "probablement", c'est qu'il se fie à son seul sentiment. Ce n'est pas une pratique recommandée par les lexicographes. Il se peut que "tête bizarde" soit ancien, mais on souhaiterait au moins le début d'un commencement de preuve.

18 Dernière modification par piotr (08-03-2006 22:53:11)

Re : mon 38e questionnaire: langue étangère, heidegger, noobisation, à-aux

Pierre Enckel a écrit:

Quand Robert donne une date précédée par "probablement", c'est qu'il se fie à son seul sentiment. Ce n'est pas une pratique recommandée par les lexicographes.

J'en conviens tout à fait !

  Je ne citais Robert que pour confirmer le contexte propre à la vénerie, et je ne me suis pas senti le droit de censurer son hypothèse étymologique.
  Cela dit, on trouverait peut-être une datation en cherchant du côté de la vénerie, sachant que cette activité est porteuse de traditions et de vocabulaire.

elle est pas belle, la vie ?

Messages [ 18 ]

Pages 1

Répondre

forum abclf » Réflexions linguistiques » mon 38e questionnaire: langue étangère, heidegger, noobisation, à-aux